Archive pour mai 2009

Qui était Cheikh El Hadji Mansour Sy Malick ?

Vendredi 29 mai 2009

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Cheikh El Hadji Mansour Sy Malick (1900-1957)

Par Amsata NIANG 

              Après Sidy Ahmad Sy et Seydi Ababacar, El hadj Mansour Sy est l’un des fils d’El hadj Malick Sy qui ont marqué leur époque. Fils et neveu à la fois de Maodo, El Mansour ou affectueusement appelé plus tard Balxawmi, est l’aîné de son siècle, puisqu’il voit le jour en 1900. D’une mère très dévouée au service du cheikh (Mame Safiètou[1]), il (El Mansour) est la consécration ou la réalisation d’une prière formulée par Maodo à l’endroit de sa sainte mère selon des sources très proches de la famille. 

              Pure produit de l’école de Maodo dont il est l’unique fils qui a fait toutes ses études auprès de son père, Seydoul Xawmi incarne avec la mesure qui sied qu’ « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». En effet, sur les sentiers de Maodo, ce prodige, et d’ailleurs très tôt fin lettré, a très vite assuré les correspondances de son illustre père avec les érudits et intellectuels du monde entier dans un registre d’une rare maîtrise que l’on attribue au plus parfait connaisseur. On peut citer parmi ceux-ci Imam Soukeyridji, El Hadj Abdoulaye Niasse, Chérif Younousse  et tant d’autres moqadames.[2]   

              Par ailleurs, suivant les lignes d’André P. de Mandiargues, l’on aura appris que « la connaissance et l’amour ont pour effet d’abolir les oppositions », El Mansour l’aurait compris et ne s’est laissé jamais tenter par la sinécure. Sa voie de quête de connaissance ordinaire et gnostique[3] peu semblable du reste, révèle en réalité que seul celui qui fait fi du bonheur aura la connaissance pure. Son parcours d’homme de Dieu, sur des sentiers peu praticables montre sa dimension mysthico-religieuse et continue toujours de faire œuvre durable. En ce sens les témoignages de Seydi Djamil[4] (RTA) réconfortent notre opinion sur la complexité de cet homme que beaucoup prétendent connaître. Pour Serigne Moustapha Djamil, ‘’bon nombre d’hommes de Dieu qui ont emprunté ce trajet, finirent par l’abandonner à l’exception de mon distingué maître qui le réussit sans précédent’’. Ainsi, il est à l’image de Maodo, un guide religieux très énigmatique, doté d’une moralité et d’une probité légendaire. Dans ce sillage, sa préoccupation première est de revivifier  les valeurs patriarcales comme il se plairait à le dire : « Il n’y a dans ce monde que la vertu, le savoir et la vérité qui soient dignes de m’occuper ». 

              Le patriarche, l’indulgent, l’élégant, le savant, l’éducateur, le mystique ou encore plus connu sous le surnom de Balxawmi, El Mansour est très vite adulé et a reçu des distinctions et des mérites sans complaisance. En guide éclairé, il a su montrer la voie avec de la manière, ainsi, combien de fois a-t-il fait feu de tous bords grâce à sa forte personnalité et son image de marque. Son savoir vivre et sa témérité dans le bon accomplissement du devoir font école et touchent les rivages outre atlantiques. La jurisprudence, la littérature, la grammaire, la poésie, la prosodie, l’analogie, l’histoire, les sciences occultes, la gamme des connaissances investies par cet héritier de Maodo avec succès est très riche et aussi vaste. En d’autres termes, il est un savant, un encyclopédiste qui a rendu à la science ses véritables lettres de noblesse. De ce fait, celle-ci continue encore de verser des larmes pour avoir très tôt perdu une stature intellectuelle et religieuse à nulle autre pareille. Mame Mansour demeure plus que jamais un maître incontestable, enviable dans le monde des universitaires férus de mérites, de grades et de distinctions. Ce qui lui augure cette facilité à toujours faire leçon aux siens et d’orienter les adeptes sur la voie de la droiture, de l’éthique et de la déontologie religieuse par le biais d’une plume experte et aussi alerte. 

              Versant toujours dans cette même logique, les hommes formés à son école marquent leur époque et occupent des standings  tant convoités dans le milieu temporel que spirituel. On peut en citer entre autres, Seydi Djamil, Borom Daradji, Serigne Mbaye Mansour et j’en passe. A travers eux, on peut sentir la saveur et le mérite de ce majestueux homme d’ouverture, de dialogue, de paix, de pardon et de patience qui force toujours l’admiration. En d’autres termes, un guide pétri de qualités dont la stature intellectuelle fait de lui un homme de goût. Un érudit hors paire, la noblesse dans l’âme, El hadj Mansour incarne l’idéal d’un homme de Dieu épris de justice, de paix, de moralité, de droiture etc. en un mot il est la réincarnation parfaite des valeurs de la sainteté. Avec lui, on aura appris que le baobab tient par la profondeur  de ses racines et la qualité de sa sève. 

                

              Il est un baromètre pour sonder le charme et tout le mérite de la famille de Seydil Hadji Malick (RTA). N’est ce pas Serigne Babacar Sy qui le nommant inspecteur de la tijaniya affirmait qu’il a l’honneur et la fierté de compter dans ses rangs un frère  que tout érudit de son époque aurait souhaité avoir dans les siens ? N’est ce pas Dabakh, l’homme au sourire légendaire, qui jurait qu’il n y a point d’égal à l’homme aux deux turbans[5] (borom ńaari kaala yi) au sein de la famille de Maodo? Les fidèles ne lui ont-ils pas attribués le titre de ‘’moudjibalkhawmi’’ le  phénomène ou le miracle de son époque ? Pour nous donc, c’est un homme doté d’une capacité d’élévation, de dépassement, de reconsidération hors paire que la société devrait méditer d’avantage pour redorer son blason. 

              Un homme très énigmatique, ce réceptacle de savoirs est un parfait connaisseur du Prophète (PSL) comme pourrait-on le remarquer d’ailleurs, à travers ses poèmes. ‘’Haraftu li Salma[6]et yaa Zabyatane bizi Salam[7]’’ dont le recoupement avec la littérature sur le Sceau de la prophétie montrent tout le charme et toute la richesse de sa plume. A travers cette oeuvre sur le prophète (PSL), il démontre clairement la particularité et la différence existentielle entre Mohamed (PSL) et le reste de l’humanité depuis le monde des âmes. Sa parfaite disponibilité à renseigner sur le célèbre homme de Tivaoune, à travers des écrits très séduisants, hisse le saint homme à un rang incontournable pour qui veut étancher sa soif de connaissance sur Maodo. Pour lui, en effet, ce géant de l’Islam est ‘’l’abreuvoir des saints férus d’un modèle d’entendement digne des véritables héritiers du prophète, à qui il faut toujours prêter une oreille attentive’’. Autrement dit, Maodo, ‘’c’est le maître incontestable dans l’assemblée des savants, le formateur de grade exceptionnel qui a rendu accessible les questions qui restaient jusqu’ici sans réponses convaincantes pour les plus grands chercheurs’’.         

              Par ailleurs, le contenu de son message requiert toujours une touche relativement intellectuelle et très sociologique qui a une valeur de leçon inaugurale à laquelle on est habitué dans les rentrées solennelles des grandes universités. En guise d’illustration, face à un monde en crise, face à une situation enflammée, ses compendiums suscitent toujours le refus de la bassesse au profit d’une issue salvatrice. En grand prospectiviste, si nous nous référons à ‘’uusikum ayyouha shubbânu[8] ou Abdoul Aziz ahirnil qalba uusika[9] ou ayâa saaxi sabranne[10]’’ nous affirmons avec énergie que son œuvre est un réceptacle de solutions pour les maux dont souffre notre société. 

              En effet, dans le premier poème, il établit le comportement et le polissage appropriés pour une jeunesse, qui ‘’doit avoir comme seule viatique la quête de connaissance fondée sur l’observance des vertus’’. Ainsi, pour lui, l’élève doit vouer un grand respect au maître qu’il doit toujours solenniser et sanctifier pour bénéficier de sa baraka et de ses attributs apparents et/ou  occultes’’. Concernant le second, les guides religieux y trouvent une source intarissable de conseils prodigués à Mame Dabakh (RTA) dans un monde où les vertus se raréfient. Les questions de l’éthique et de la déontologie des guides religieux sont passées en peigne fin d’une manière qu’on ne porterait plus au pinacle. L’une des recommandations mériterait d’être évoquée pour voir sa sentence dans le comportement de son jeune frère Moulaye Dabakh à l’épreuve. ‘’ Ne traites jamais de manière distingué ce qui viennent vers toi selon qu’ils soient riches ou pauvres, bons ou méchants. Renseignes-toi au préalable de manière rigoureuse avant de poser des actes qui pourront porter préjudice à la plus petite entité sous ta responsabilité. Ne te laisses point emporter par l’applaudimètre qui voit en toi une personne différente du commun des mortels, car la meilleure des créatures était très humble.’’ 

              Pour le troisième poème, ce formateur hors norme transforme la colère de l’adepte ou du prochain en vertu cardinale par l’intermédiaire de la patience et de la tolérance. Pour lui, ‘’la tolérance est la charité de l’intelligence’’ pour paraphraser Jules Lemaître. ‘’L’indulgence doit être dans nos articulations pour faire face  à la vague destructrice qu’est la colère. Alors, sois patient pour être méritant, car tôt ou tard justice sera faite et tu seras dignement fêté.’’       

              Père de deux aimables figures de notre époque, Serigne Mbaye Sy Mansour et Sokhna Fatou Sy (épouse de Serigne Mansour Borom Daradji), Balxawmi a montré à tout le monde que la persévérance, le culte de la tolérance, le dépassement et l’expression de la connaissance en adéquation avec les recommandations divines et prophétiques sont les piliers sur lesquels nous devons construire un modèle sociétal. Sa solide philosophie, fait de lui un modèle de soufi, et offre une riche grille de lecture qu’il faut d’avantage promouvoir pour ramer à contre courant du renégat des valeurs. 

              Sa disparition mémorable, ce soir du 29 mars 1957, plongea le monde entier dans l’émoi et la consternation et fît de la relation savoir/pratique le plus grand orphelin. Les nuages battaient le pavé dans ce ciel très sombre et très triste de Tivaoune, quelques jours après le décès de Khalifa (RTA), apportant la crispation, la désolation et l’inquiétude de toute
la Umma. Une courte vie certes (57ans), El Mansour suscite toujours une vive émotion pour nous disciples et simples citoyens. Reposant prés de son père comme il l’avait prédit, sa proximité avec son maître ne saurait se limiter au monde terrestre. Il l’accompagne toujours fidèlement dans le monde des âmes avec une complicité sans égale. 

              Comprenez notre inquiétude, chers lecteurs, lorsqu’il s’agit d’un personnage aussi énigmatique que cet homme, on perd forcément sa logique et sa rhétorique. Qu’Allah soit entièrement satisfait de lui et fasse que l’on puisse méditer et revêtir les valeurs capitales qu’il nous a léguées. 

Amsata Niang 

Doctorant en Sociologie  Email : niang.amsata@yahoo.fr 

amza132008@hotmail.fr 



[1] Cousine de Maodo du côté paternel [2] Dignitaires religieux agréés dans l’ordre tijani 

[3] Relatif au système de pensée philosophico-religieuse qui se fonde sur une révélation intérieure, permettant d’accéder à une connaissance des choses divines réservée aux seuls initiés et permettant de saisir les mystères amenant au salut.

[4] A propos de son installation à keur Pathé Khéwé, un chantier très sinueux et dangereux à la vie humaine qu’il a transformé en zone accessible et très paisible. 

[5] Surnom donné à El Mansour de par son style vestimentaire très distingué. 

[6] Poème encore appelé le Yâiya dédié à son homonyme (PSL) 

[7] Poème dédié au Prophète (PSL) encore appelé Mîmiya 

[8] Poème, conseils et orientations à la jeunesse et aux étudiants 

[9] Poème, recommandations et orientations à Mame Dabakh dans un monde en crise 

[10] Poème, conseils et orientations à un proche victime d’une grande injustice 

L’AFRIQUE EN MOUVEMENTS – Rencontre Internationale de Casablanca (mai 2009)

Mardi 26 mai 2009

photolibrary.jpg L’Afrique des identités en devenir….

Ce texte reprend les grandes lignes de la communication de Bakary SAMBE lors de cette rencontre internationale à laquelle ont participé des universitaires et des personnailités africaines du monde des Arts et des Lettres dont le Prix Nobel de Littérature Wole Soyinka, Adama Traoré du Mali, Babacar Samb du Sénégal, Moïse Touré de la Côte d’Ivoire, Zineb Ferhat de Tunisie, Bahija Chadili, Amal Ayouch, Naima Zitan du Maroc etc.

Le monde noir, si proche de l’environnement saharien renvoyait pour bon nombre des populations de la rive nord du grand désert à un monde imaginaire, invisible et caché jusqu’à la rencontre que rendirent possible des contingences culturelles. Il faudrait, cependant, nuancer cet aspect flou d’une déchirure culturelle en se penchant sur quelques faits non pas impertinents mais rarement étudiés et qui méritent d’être mis en avant dans une réelle perspective de dialogue interculturelle.
Des rapports historiques concrets, tels que ceux des hafsides de Tunis avec le Kanem-Bornou, des influences ont toujours existé entre le Maghreb méditerranéen et l’Afrique subsaharienne comme deux entités anthropologiquement discernables.

Des analystes ont même tenté d’attirer l’attention sur cette réalité culturelle selon laquelle, le Maghreb, quelqu’en soient les spécificités anthropologiques, serait partie intégrante de la pluralité africaine. Mais un fait important devrait nous interpeller : le rôle de carrefour qu’a toujours joué le Maghreb, un carrefour toujours hésitant à se dévoiler à lui-même. Le Maghreb ne peut qu’osciller entre son amazighité qui l’oriente vers le Nord lorsqu’il n’est pas tancé par son arabité, et son africanité circonstanciel mais dont il ne peut échapper.

Ce ne sont donc pas les passerelles culturelles ou les références historiques qui font défaut mais une réelle volonté d’assumer ce passé commun marqué par des brassages et des échanges millénaires mais aussi par des blessures comme l’esclavage et les guerres. Seule, une sorte de « thérapie collective »  par une revivification du passé « positif », sans méconnaître les expériences douleureuses, pourrait palier ce manque de reconnaissance à la source des préjugés qui ont la vie dure entre les deux rives. La difficulté du rapport entre Noirs africains et Arabes ou arabo-berbères est plutôt imputable à la difficulté à assumer le carrefour en tant que tel et une pluralité sur un même plan d’immanence.

Revisiter l’abondante littérature produite par les échanges entre savants maghrébins et illustres personnages africains tels que Ahmed Baba de Tombouctou qui enseigna à Marrakech, Ibrahim al-Kanemi (originaire du Kanem ) aidera les générations actuelles et futures à mieux poser la question du rapport entre l’Afrique noire et le monde arabe dans ses deux composantes (Maghreb et Mashriq). Par la poésie, les belles lettres, ils ont su, quelques fois, dépasser toute animosité et construit les paradigmes d’un dialogue et d’un respect des différences. L’art est quelques fois une thérapie, même passagère.

Les questions que l’on croit modernes de l’identité, de la couleur de la peau et du regard intersubjectif entre Noirs africains et Arabes se sont pertinemment posées, dès le Moyen-Age, dans leurs échanges avec une « modernité » qui peut quelques fois nous surprendre mais surtout nous instruire. En tout cas, la prise en considération de cet héritage commun –et qu’il faut, désormais, assumer- s’impose pour une compréhension plus globale de notre question qui déborde la simple approche historique avec en toile de fond, celle de la mémoire.

La récente déclaration de Tozeur signée par des intellectuels et personnalités des deux rives et de la diaspora peuvent redonner de l’espoir. L’effervescence africaniste, depuis les années 90, notamment au Maroc est aussi l’un de ces signes du renouveau aussi bien dans les mentalités que dans la reconstruction de la mémoire commune. Même s’il s’agit, quelque part d’un retour de l’histoire, celà augure, peut-être, d’un avenir (inter)culturellement plus prometteur.

 

Afrique- Monde arabe : QUI A PEUR DE L’AFRICANITE ?

Dimanche 17 mai 2009

Qui a peur de l’Africanité ?

Afrique- Monde arabe : QUI A PEUR DE L'AFRICANITE ? dans DIVERSITE Lam-m%C3%A9tisLa ville de Tozeur a accuilli en mai un important colloque international sur « Les interactions culturelles entre L’Afrique et le Monde Arabo-musulman » dont le président du comité d’honneur n’est autre que le grand écrivain martiniquais Edouard Glissant qui sera par ailleurs l’invité de la Foire du livre de Tunis. Initiée par le Laboratoire « Patrimoine » que dirige le professeur Abdelhamid Larguèche à l’Université de la Manouba, cette rencontre se tient avec le soutien de l’UNESCO dans le cadre du projet « La Route de l’esclave » qui s’ouvre aux nouveaux paradigmes de la recherche sur les silences de l’histoire et sur les traces qui imprégnent la géographie et la culture du Tout-Monde. Lancé en 1994 à Ouidah au Bénin par l’UNESCO, «La Route de l’esclave» a en effet eu le mérite de briser le tabou de la traite et de l’esclavage et d’initier un long travail de reconnaissance et de compréhension de cette tragédie inhumaine. Edouard Glissant(qui fut directeur du Courrier de l’Unesco et président du Parlement international des Ecrivains) réclamait, quelques années plus tard, l’inscription de l’esclavage comme crime contre l’humanité, avec le Martiniquais Patrick Chamoiseau (Goncourt 1990 pour son roman Texaco) et le Nigérian Wole Soyinka (premier auteur africain et premier auteur noir à recevoir le prix Nobel de littérature en 1986), dans cet appel retentissant : « Nul lieu au monde ne peut s’accommoder du moindre oubli d’un crime, de la moindre ombre portée. Nous demandons que les non-dits de nos histoires soient conjurés pour que nous entrions, tous ensemble et libérés, dans le « tout-monde ». Ensemble encore, nommons la traite et l’esclavage perpétrés dans les Amériques, crime contre l’humanité ». Par la suite, l’assemblée générale des Nations Unies déclarait 2004 « Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et son abolition », marquant par la même occasion le bicentenaire de la proclamation du premier État noir, Haïti, symbole du combat et de la résistance des Africains déportés.

Paradoxalement, la France qui votait en 2005 une loi sur « la colonisation positive », a été le premier pays à « reconnaître l’ampleur des souffrances et de l’humiliation subies par des millions d’hommes et de femmes à travers le monde » en votant en mai 2001(année de la déclaration de Durban) la loi Taubira qui fait de l’esclavage un crime contre l’humanité. Afin d’ouvrir la question au débat public, à l’enseignement et à la recherche, cette loi a été suivie par un ensemble de mesures dont l’institution d’un Comité pour la mémoire de l’esclavage et d’une journée nationale de commémoration, ainsi que la création d’un Centre national de mémoire et d’histoire dont la tâche fut confiée en 2006 à Édouard Glissant qui en a posé les jalons dans une œuvre-rapport intitulée « Mémoires des esclavages ». L’écrivain antillais y affirme qu’il ne s’agit pas d’explorer ce seul passé, mais d’inscrire l’avenir dans une nouvelle trajectoire en dépassant la problématique identitaire. Contre les figements d’une « mémoire de la tribu », Glissant propose donc que ce centre élargisse son objet, au-delà de l’esclavage transatlantique, à tous les esclavages. Car « nous avons à dire tout esclavage, parce que nous essayons d’être lucides et d’être participants», écrit-il. En effet, si la traite transatlantique fut le plus grand mouvement organisé de déportation massive d’Africains vers le continent américain, l’esclavage a en revanche impliqué tous les continents provoquant dans la rencontre extrême des peuples, « une dynamique qui va profondément transformer les aires géographiques concernées ». Dans ce sens, les traditions orales qui traversent ces continents représentent une source d’information parfois plus précieuse que les archives écrites européennes.

C’est pourquoi, Glissant insiste sur la nécessité d’ouvrir le temps et l’espace en interrogeant les autres lieux de l’esclavage afin que « les histoires cachées remontent à la conscience et forcent les mémoires…» Et le rapport pointe aussi bien « l’esclavage domestique » pratiqué par exemple par les Touaregs que la responsabilité des Africains eux-mêmes dans cette tragédie humaine, que Glissant et quelques autres ont évoqué particulièrement à travers la figure marquante de « Askia » Roi du Dahomey. Conscient des limites de la « mémoire institutionnelle », Edouard Glissant a crée à son tour l’Institut du Tout-Monde, centre et site de recherches et d’études à Paris, pour « contribuer à diffuser l’extraordinaire diversité des imaginaires des peuples ». En répercutant les clameurs du Chaos-Monde, la voix essentielle d’Edouard Glissant semble ainsi s’insérer tout naturellement dans ce dialogue interculturel dont Tozeur est l’un des relais. Ainsi, si le tabou est levé, il reste encore beaucoup à faire pour mettre au jour ces « mémoires fragmentées et territorialisées » qui participent d’une mondialisation avant l’heure. Et il faudra les rechercher dans « l’héritage laissé par les esclaves » eux-mêmes que « les intolérances des pensées de l’unique » n’ont pas empêché de concevoir « l’inconcevable avancée des créolisations ». Outre les lieux de mémoire, il s’agira donc de « valoriser les expressions des populations issues de l’esclavage afin de rendre visibles et lisibles leurs contributions aux arts et à la pensée ».

Les nouvelles orientations établies par le comité scientifique international de « La Route des esclaves » intègrent justement cet aspect immatériel en se proposant de promouvoir « les apports de l’Afrique et les contributions de la diaspora d’ascendance africaine », « les cultures vivantes et les expressions artistiques et spirituelles issues des interactions générées par la traite négrière et l’esclavage » et de préserver « les archives et les traditions orales» qui leurs sont liées. Et pour renforcer l’universalité du projet, le comité s’est penché tout récemment sur la «Traite dans le monde arabo-musulman » qui, par bien des aspects, demeure méconnu. Abdelhamid Larguèche notait déjà qu’en Tunisie, « la minorité d’origine africaine n’a commencé à intéresser les chercheurs que tardivement ». Rappelons cependant que deux colloques avaient déjà été organisés par l’UNESCO au Maroc, successivement en 2007 et 2008, sur «Les interactions issues de la traite négrière et l’esclavage dans le monde arabo-musulman ». On y relèvera notamment la communication de Bakary Sambe sur « L’incidence du rapport servile sur le regard intersubjectif entre Arabes et Noirs Africains ». L’intervenant y affirme que « le mot « Afrique » ne cesse d’interroger le maghrébin », évoquant ainsi « cette situation confuse entre l’appartenance géographique au continent « noir » et le fait de se reconnaître dans sa culture et son identité ». Et d’ajouter : « seule, une sorte de «thérapie collective » par une revivification du passé « positif » pourrait palier ce manque de reconnaissance, source des préjugés persistants ». Nous interpelle également la communication du Dr. Abderrahmane N’gaide sur « Musique et danse chez les Haratin de Mauritanie : Conscience identitaire et/ou dissidence culturelle ? » Il y est précisément question de « culture servile » et de « dissidence culturelle » abordée comme modèle d’une culture brouillé et en perpétuel renouvellement qui s’alimente dans les réminiscences. Ainsi, « les individus qui portent en eux les traces de cette culture procèdent par frémissement ».

Le colloque de Tozeur qui s’inscrit dans cette continuité, se déclinera en volet scientifique et en volet culturel. Le premier se propose d’approfondir la réflexion sur les divers aspects liés à l’esclavage, tout en initiant « un réseau thématique pour le développement des études et du dialogue culturel entre l’Afrique et le monde arabo-musulman ». Il s’articule essentiellement autour de trois axes : « Histoire, pratiques et représentations de l’esclavage dans le monde arabo-musulman », « Interactions, échanges et influences entre l’Afrique et le monde arabo-musulman » et « Patrimoines matériels, immatériels, cultures d’Afrique dans le monde arabo-musulman ». Plusieurs participants des quatre coins du monde prendront part à ces travaux dont le professeur Samia Kassab-Charfi (Chercheur en littérature antillaise, Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis) qui a eu l’idée géniale d’inviter Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau. Enfin, le volet cultuel du cette rencontre bénéficiera de la deuxième édition du Festival de musiques de Tozeur et de ses manifestations artistiques constellées de chants, de transes et de mélopées d’Afrique et d’Orient.

On rappellera enfin ce qu’évoquait Ali Saidane dans « la fête du Thalmud à Sidi Bou Ali de Nafta », communication présentée en marge du Festival « L’Orientale Africaine » 2008. Saidane y conclut en effet que « les stratifications successives des diverses cultures qui se sont succédées au Balad al Jerid, ainsi que le métissage qui en est sorti, la persistance des traditions païennes et africaines dans les expressions non seulement du Thalmud mais aussi de la Banga du rituel de Sidi Marzoug, font de cette région avec Djerba le véritable réceptacle d’activités de création, de préservation et de diffusion de produits culturels où l’arabité, l’amazighité et la négritude devrait constituer l’ossature principale» Il semble donc tout à fait logique que cette rencontre se tienne à Tozeur, aux portes de ce désert dont Henri Labouret disait qu’il « n’est point une barrière infranchissable, mais une mer intérieure invitant à passer d’un bord à l’autre». Reste maintenant à souhaiter un prompt rétablissement à Edouard Glissant et à espérer qu’il sera parmi nous.

Par Nadia HADDAOUI

QUEL EST LE SENS D’UN FORUM NATIONAL SUR LA TIJANIYYA EN FRANCE?

Lundi 11 mai 2009

Interview donnée à Xalimasn.com lors de la Cinquième Edition du Forum National sur la Tijaniyya

Xalima: Docteur Bakary Sambe, Bonjour. La communauté Tidiane de France se donne rendez vous à Grenoble ce samedi 9 mai au tour d’un forum National. Quel est le sens de cette rencontre?

Bonjour et merci de votre invitation.
Cela fait précisément cinq ans que les Tidianes de France ont mis en place ce cadre de concertation autour de projets communs afin de perpétuer et de vulgariser les enseignements de la Tarîqa Tijâniyya dans l’Hexagone. Je crois qu’ils le font par pure conscience de l’héritage de la Tijaniyya et de sa place dans les débuts de l’implantation de l’Islam en France de la première guerre mondiale à la période de l’installation massive de Tidianes par le biais de l’immigration de travail et d’études, ils ont voulu réaffirmer cette réalité historique qu’on tend très souvent à négliger.
Xalima : C’est quand même une nouveauté….
Non, je parlerai plutôt d’un retour de l’Histoire qu’un Forum National sur la Tijaniya se tienne en France…Il faudrait peut-être rappeler que la cérémonie de la  pose de la première pierre de la Grande mosquée de Paris dans l’entre-deux-guerres a été rehaussée par la présence de El Hadji Abdou Hamid Kane, venu y représenter Seydi El Hadji Malick Sy et de Cheikh Ahmed Soukayrij le grand Muqaddam marocain, auteur du Kashful Hijab.
Xalima : Vous voulez dire, docteur Sambe, que la Tijaniya a des racines historiques en France ?
On pourrait le dire comme cela. Paris a toujours été un grand centre de la présence tijanie en Europe. Un Muqaddam algérien, aujourd’hui très âgé, nous a plusieurs fois apporté des témoignages dans ce sens. Il se souvient même des séances de Wazifa à la Grande mosquée de Paris dans lesquelles prenaient part régulièrement le regretté Président Mamadou Dia. En quelque sorte la Mosquée de Paris a été le siège de la Tijaniya avant que les adeptes de la confrérie en soient éloignés injustement.
Xalima : Vous parlez toujours du passé, qu’en est-il de la situation présente ?
Je pourrais même dire que la situation présente est plus que réjouissante notamment avec le rajeunissement du public qui fréquente les hadra-s et les séances de Wazîfa. Rares sont les villes où on ne trouve pas un endroit où les Tijanes sacrifient à la tradition de la Hadratoul Juma’a. Les dâ’iras tijanes sont partout présentes et ont toujours l’honneur d’accueillir la visite de cheikhs et de Muqaddams dans les différentes villes. C’est cette dynamique qui a d’ailleurs été à l’origine de l’idée de lancer un Forum National sur la Tijaniya, un évènement annuel regroupant les jeunes Tijanes et leurs aînés …
Xalima : ce sont des retrouvailles donc, mais y a-t-il un contenu, une cohérence dans ce que vous faites ?
Je crois que depuis la préparation de la première Edition en 2005 à Lyon, les différents comités de pilotages ont veillé à ce que ce soit une rencontre utile. C’est pour cela cette rencontre se fait toujours autour de projets et de différentes thématiques ayant trait à leur vie spirituelle mais aussi aux enjeux du monde contemporain.
Xalima : justement comment concilier vie spirituelle et réponse aux défis du monde contemporain. N’y a-t-il pas là une trahison de l’idéal du soufisme qui est une voie plutôt ascétique ?
Je crois que c’est un peu méconnaître l’histoire de la Tijaniya que de le penser. La méthode spirituelle proposée par Tijaniyya s’affirme comme un dosage bien équilibré entre les deux principes du Shukr –défini dans la Risâlat al-Qushayriya comme la reconnaissance manifestée à l’égard de Dieu, le bienfaiteur, par une attitude de modestie – et de la Mujâhada – qu’Ibn Arabî explique comme cette manière de se faire violence soi-même en se détournant des jouissances matérielles. C’est finalement un soufisme d’action ancré sur les deux pôles de la Tarbiyat al-himma, l’orientation du cœur et le fait de s’efforcer spirituellement vers la Vérité pour atteindre la perfection, et de la Tarbiyat al-hâl : cette manière d’être par lequel se manifeste la profondeur de l’attachement à Dieu. Serigne Babacar Sy de Tivaouane, place à ce point précis les conditions de l’Istiqâma, la droiture qui selon lui est accessible aux disciples de la Tijaniyya sans fuir son monde social et se réfugier dans l’éternelle khalwa (isolement) cet auto-détournement des réalités de ce monde d’ici-bas au lieu de l’affronter. La double contrainte de répondre aussi bien aux exigences du temps qu’à celles de l’Intemporel(Dieu) qui habite l’aspirant Tijânî fait de lui un soufi qui pratique un « exil intérieur », mais en plein cœur des contradictions du monde profane qu’il se doit, aussi, de dompter. C’est peut-être là, une des marques les plus concrètes de la rupture qu’a introduite la confrérie Tijaniya dans la démarche générale du soufisme. Saisissant, donc, parfaitement cet aspect de la Tijaniyya qui veut qu’elle soit la voie de la conciliation entre une intense vie spirituelle et une conscience des exigences de la vie quotidienne dans laquelle ils doivent aussi exceller, les jeunes de France s’organisent pour refaire vivre cette fierté d’y appartenir mais aussi ce devoir d’en perpétuer l’enseignement.
Xalima : Pourquoi, d’ailleurs, ce choix de Grenoble ?
Ce choix s’inscrit dans une logique de continuité. Il faut aussi dire que les Tijanes de Grenoble ont été du noyau fondateur qui a beaucoup œuvré pour la tenue de la première Edition du Forum National de la Tijaniyya en février 2005 à la Grande Mosquée de Lyon, avec une forte participation des Hadra-s de Marseille, de Paris, de Perpignan, de Grenoble sans compter de nombreuses individualités venues de toute la France. C’est en 2006 que le Forum a entamé le tour des villes de France avec une nouvelle Edition à Marseille qui se caractérise par une forte activité des hadra-s et des dâ’iras. Les différentes activités qui s’y tiennent du Maouloud à la célébration annuelle de la Khatmiya drainent de plus en plus de monde et rayonnent sur tout le Grand Sud de la France, de Perpignan, Toulouse, Bordeaux à Nice. Ensuite, Nice, avec tout ce qu’elle compte de Tijanes, a accueilli la Troisième Edition du Forum National sur la Tijaniyya en 2007. Je crois profondément que l’Edition de Nice a marqué le point de départ d’un élargissement de l’événement à des régions venues rejoindre le groupe. Donc comme je vous l’ai dit l’idée de continuité a été fondamentale. C’est pourquoi ces échanges ne se limitent pas à la seule occasion qu’offre la tenue du Forum mais se poursuivent notamment par un mailing général regroupant des Tijanes de partout dénommé de manière symbolique Wakeurcheikh dans un esprit de rassemblement.
Xalima: Mais vous ne touchez pas encore les grands centres européens……
Je ne serais pas de votre avis, car l’Edition de 2008 à eu lieu Paris. Cette édition a réellement donné une nouvelle dimension au Forum en mieux le faisant connaître auprès de Tijanes partout dans le monde, du Sénégal au Maroc en passant par l’Algérie. C’était la première fois qu’on l’organisait à un lieu aussi prestigieux que le Palais de l’UNESCO à Paris et qu’il y avait une diffusion en direct via Internet. Ce travail de communication abattu par les Tijanes de Paris a donné une meilleure visibilité et désormais une certaine reconnaissance à cet événement très attendu des Tijanes du monde.
En plus, on peut dire que L’Edition de Paris 2008 a été l’occasion d’adopter une nouvelle manière de travailler avec la mise en place d’un Comité de pilotage composé de plusieurs commissions selon les besoins de l’organisation. Le Comité avait en son temps accueilli avec grande satisfaction des représentants de nouvelles villes européennes, notamment de Suissse et d’Italie, qui veulent se joindre au groupe ouvert à toutes les propositions.

Xalima: Revenons au Forum précisément, au niveau du contenu réel, au-delà de l’organisation et des manifestations… Quel sera le thème central ?

Toutes les Editions passées ont été organisées autour de vraies questions débattues en atelier avec des conclusions partagées en plénière. Cette année, les travaux porteront sur des thématiques essentielles comme l’éducation religieuse en milieu immigré mais aussi comment envisager des solutions pour le problème de la désaffection des hadras en France aujourd’hui. La place d’une voie soufie dans le monde d’aujourd’hui marque par la résurgence de nouveaux courants hostiles au soufisme sera aussi à l’ordre du jour.

Deux conférences y seront, d’ailleurs, animées à partir de 14h30. L’une d’entre-elles que je donnerai, aura pour thème « Pour une déconstruction du discours de l’anti-soufisme: quel enjeu pour la Tijaniya ?. Cheikh Ahmed Ndiéguène de Marseille, lui, traitera de « La Tijaniyya face a la crise de la foi et des valeurs, que peut-elle faire?. Donc vous voyez bien que le contenu y est et est de loin privilégié par rapport aux manifestations et les retrouvailles qui ont aussi leur importance.

Xalima :P ar vos écrits, vous faites partie des intellectuels Tidianes les plus connus en Europe et de la diaspora. Dites nous brièvement comment se porte la Tidjania en occident?

Se voulant humbles et tolérants, sages et modérés, les Tijânes d’Europe célèbrent le culte de Dieu et la fraternité tijânie dans la sérénité et la discrétion. Dispersés dans la Cité, dépourvus très souvent de repères (zâwiya, mosquées) nécessaires à un plein épanouissement spirituel. Ils s’efforcent, dans leur grande majorité, de vivre dans l’harmonie la Tradition musulmane, les cultures d’origines et les devoirs de la citoyenneté au pays d’accueil ou d’adoption. On peut dire qu’ils sont, eux aussi, dans ce mouvement général d’une quête des lignes d’équilibre dynamique entre tradition religieuse et culturelle d’une part, modernité et citoyenneté, d’autre part. Les tijanes sont organisés en dâ’ira ou hadra et se réunissent régulièrement pour des dzikr (invocation) collectives les vendredis ou à des jours où ils n’ont pas de contraintes professionnelles. Sans réellement disposer de mosquée ou de zawiya où ils peuvent pratiquer dignement leur culte, ils essayent de donner corps à leur solidarité confrérique et de vivre une spiritualité intérieure et paisible loin des préoccupations militantes ou des considérations politiques et indépendants de toute tutelle.

Xalima: Ne croyez-vous pas que les Tijanes devraient moderniser leurs structures pour exister sur le terrain ? 
L’équation, comme on le sait, n’est jamais simple à résoudre ; cet équilibre et cette harmonie sont difficiles à trouver par ou pour tous les Musulmans de France. Ces points d’équilibre sont d’autant moins faciles à déterminer que les adeptes de la Tijâniyya en France sont à la marge des structures « représentatives » des musulmans de ce pays. Ceci n’est pas du fait d’un manque d’intérêt pour l’organisation du culte musulman et ses structures existantes, mais par ce qu’ils sont incompris voire rejetés car ayant une autre vision de la chose islamique par ceux qui développent souvent un unitarisme quelque peu dogmatique. Leurs pratiques sont considérées par certains tenants du salafisme, et parfois au-delà, comme relevant de bid‘a, « innovations blâmables » dans l’acception étriquée de l’islam chez certaines franges radicales. Il y a une semaine, j’ai été invité par nos frères et amis mourides lors des journées Khadim Rassoul à Taverny et mon intervention portait justement sur cette marginalisation du soufisme en général dans l’espace musulman en Europe. Mais, le fait n’est point nouveau si l’on se rappelle les multiples péripéties ayant marqué les rapports entre les tenant du légalisme religieux souvent en connivence avec le politique et ces chercheurs de spiritualité et de paix intérieure. Ajoutons à cela, tous les facteurs, renvois et amalgames historico-politiques qui ont accentué, au Maghreb comme au Machrek, le bannissement du soufisme et de ses confréries, pour mieux saisir cette incompréhension.
Xalima:Les Tijanes en Occident vont alors rester dans cette situation ou font-ils quelque chose ?
Bien sûr que oui ! Ils n’ont jamais déserté, en fait, le terrain de l’action. Peut-être que la discrétion qui entoure leurs activités fait croire à une inertie. Cela n’a jamais été le cas…C’est dans ce sillage que sont nées depuis les années 1960 et même bien avant, des regroupements confrériques à travers la France comme dans des pays voisins (Belgique, Suisse et récemment l’Italie). Les communautés tijânies sont présentes, en France, notamment en région parisienne à l’instar de celles qui se retrouvent dans le cadre des Dâ’iras sénégalaises, maliennes, ou de l’Association Tijâniyya France-Afrique Solidarité. D’autres hadra -s, plus ou moins importantes, sont implantées à Bordeaux, Lormont, Lille, Toulouse, Dijon et Grenoble. Grâce, aussi, au travail de l’imâm Assane Cissé, disciple de la branche niassène de Kaolack (Sénégal), des zâwiya tijânies sont, aujourd’hui implantées en Angleterre et dans plusieurs Etats d’Amérique. Cet été, dans le cadre d’une délégation de leaders musulmans invités aux Etats-Unis pour y rencontrer des autorités et organisations importantes, les responsables du Département d’Etat, malgré un calendrier chargé, ont quand même tenu à ce que nous rencontrions les membres de la Islamic Tijaniya Foundation of América dont le Président fondateur est Serigne Ahmed Sy, petit fils de Cheikh El Hadji Malick Sy ; ce qui veut dire que son organisation qui tient une Convention chaque année, à l’instar du Forum en France, fait désormais partie du paysage religieux en Amérique…
Xalima :Merci Docteur Sambe d’avoir répondu aux questions xalimasn.com
Merci à vous aussi …
Propos recueillis par Adama Diouf, Xalima.com