L’Afrique des identités en devenir….
Ce texte reprend les grandes lignes de la communication de Bakary SAMBE lors de cette rencontre internationale à laquelle ont participé des universitaires et des personnailités africaines du monde des Arts et des Lettres dont le Prix Nobel de Littérature Wole Soyinka, Adama Traoré du Mali, Babacar Samb du Sénégal, Moïse Touré de la Côte d’Ivoire, Zineb Ferhat de Tunisie, Bahija Chadili, Amal Ayouch, Naima Zitan du Maroc etc.
Le monde noir, si proche de l’environnement saharien renvoyait pour bon nombre des populations de la rive nord du grand désert à un monde imaginaire, invisible et caché jusqu’à la rencontre que rendirent possible des contingences culturelles. Il faudrait, cependant, nuancer cet aspect flou d’une déchirure culturelle en se penchant sur quelques faits non pas impertinents mais rarement étudiés et qui méritent d’être mis en avant dans une réelle perspective de dialogue interculturelle.
Des rapports historiques concrets, tels que ceux des hafsides de Tunis avec le Kanem-Bornou, des influences ont toujours existé entre le Maghreb méditerranéen et l’Afrique subsaharienne comme deux entités anthropologiquement discernables.
Des analystes ont même tenté d’attirer l’attention sur cette réalité culturelle selon laquelle, le Maghreb, quelqu’en soient les spécificités anthropologiques, serait partie intégrante de la pluralité africaine. Mais un fait important devrait nous interpeller : le rôle de carrefour qu’a toujours joué le Maghreb, un carrefour toujours hésitant à se dévoiler à lui-même. Le Maghreb ne peut qu’osciller entre son amazighité qui l’oriente vers le Nord lorsqu’il n’est pas tancé par son arabité, et son africanité circonstanciel mais dont il ne peut échapper.
Ce ne sont donc pas les passerelles culturelles ou les références historiques qui font défaut mais une réelle volonté d’assumer ce passé commun marqué par des brassages et des échanges millénaires mais aussi par des blessures comme l’esclavage et les guerres. Seule, une sorte de « thérapie collective » par une revivification du passé « positif », sans méconnaître les expériences douleureuses, pourrait palier ce manque de reconnaissance à la source des préjugés qui ont la vie dure entre les deux rives. La difficulté du rapport entre Noirs africains et Arabes ou arabo-berbères est plutôt imputable à la difficulté à assumer le carrefour en tant que tel et une pluralité sur un même plan d’immanence.
Revisiter l’abondante littérature produite par les échanges entre savants maghrébins et illustres personnages africains tels que Ahmed Baba de Tombouctou qui enseigna à Marrakech, Ibrahim al-Kanemi (originaire du Kanem ) aidera les générations actuelles et futures à mieux poser la question du rapport entre l’Afrique noire et le monde arabe dans ses deux composantes (Maghreb et Mashriq). Par la poésie, les belles lettres, ils ont su, quelques fois, dépasser toute animosité et construit les paradigmes d’un dialogue et d’un respect des différences. L’art est quelques fois une thérapie, même passagère.
Les questions que l’on croit modernes de l’identité, de la couleur de la peau et du regard intersubjectif entre Noirs africains et Arabes se sont pertinemment posées, dès le Moyen-Age, dans leurs échanges avec une « modernité » qui peut quelques fois nous surprendre mais surtout nous instruire. En tout cas, la prise en considération de cet héritage commun –et qu’il faut, désormais, assumer- s’impose pour une compréhension plus globale de notre question qui déborde la simple approche historique avec en toile de fond, celle de la mémoire.
La récente déclaration de Tozeur signée par des intellectuels et personnalités des deux rives et de la diaspora peuvent redonner de l’espoir. L’effervescence africaniste, depuis les années 90, notamment au Maroc est aussi l’un de ces signes du renouveau aussi bien dans les mentalités que dans la reconstruction de la mémoire commune. Même s’il s’agit, quelque part d’un retour de l’histoire, celà augure, peut-être, d’un avenir (inter)culturellement plus prometteur.
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