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Archive pour octobre 2009

Déclaration du FMI sur l’enquête relative à l’incident intervenu au Sénégal

Mardi 27 octobre 2009

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Déclaration du FMI sur l’enquête relative à l’incident intervenu au Sénégal

Communiqué de presse No. 09/369
Le 26 Octobre 2009

A la lumière des récentes allégations relatives à un cadeau offert à un membre du personnel du FMI par les autorités sénégalaises, le Directeur général a demandé au responsable du Bureau d’éthique du FMI, de conduire une enquête indépendante sur cette affaire. Le responsable du Bureau d’éthique a déclaré que, sur la base d’informations fiables qu’il a reçues, aussi bien à l’intérieur qu’ à l’extérieur du FMI, il est arrivé aux conclusions factuelles, résumées ci-dessous. Le responsable du Bureau d’éthique a autorisé le Département des Relations Extérieures, dans un souci de transparence, à publier ce qui suit:

• Dans la soirée du 25 septembre, Alex Segura avait un vol prévu pour Paris à la fin de son séjour de 3 ans au Sénégal comme Représentant-résident. Il a été invité à dîner avec le Président Wade du Sénégal avant son départ. Après le dîner, un cadeau lui a été remis que le Président a décrit comme un cadeau d’adieu.

• A la suite du dîner et en route vers l’aéroport, M. Segura a fait un bref arrêt à la résidence officielle du Représentant-résident pour prendre ses bagages. C’est seulement à la résidence qu’il a découvert que le cadeau consistait en une forte somme d’argent.

• Pendant qu’il était à la résidence, M. Segura a informé la nouvelle Représentante-résidente qu’il avait reçu une somme d’argent. Ils se sont accordé sur la nécessité d’en informer le Bureau d’éthique du FMI. Etant donné que la somme paraissait importante, ils ont décidé que pour des raisons de sécurité, l’argent ne devait pas rester dans la résidence.

• Ayant peur de rater son vol et craignant qu’il n’y ait pas d’endroit sûr où laisser l’argent au Sénégal, M. Segura décida de monter à bord de l’avion avec l’argent.

• M. Segura est parti pour Barcelone, sa destination finale, en transitant par Paris. Contrairement aux informations publiées par la presse. il n’a pas été arrêté ou détenu, ni par les autorités françaises ni par les autorités espagnoles.

• A son arrivée à sa destination à Barcelone, le 26 septembre, M. Segura a compté l’argent, et a déterminé que le montant était de 100.000 euros et de 50.000 dollars américains.

• M. Segura a appelé le siège du FMI ce même jour pour rendre compte de l’incident. Des discussions ont immédiatement commencé sur la manière de rendre l’argent, conformément aux règles du FMI.

• Le FMI a par la suite placé l’argent sous la garde d’une société spécialisée dans la sécurité à Barcelone en attendant que des dispositions puissent être prises pour le rendre. Au moment de remettre l’argent à la société de sécurité, le montant a été vérifié de manière indépendante et sécurisé.

• Il a été décidé que la solution la plus adaptée serait que les autorités sénégalaises récupèrent l’argent à Barcelone. Le Secrétariat du Président du Sénégal a été contacté pour faciliter le transfert.

• Le 6 octobre, l’Ambassadeur du Sénégal en Espagne est arrivé à Barcelone pour récupérer l’argent, qui lui a été remis, après les vérifications appropriées par la société de sécurité.

• M. Segura est par la suite retourné à Washington.

Le Président du Sénégal a confirmé au FMI avoir organisé la remise d’un cadeau en argent à M. Segura. Le Président a expliqué que l’argent avait été remis en guise de traditionnel cadeau d’adieu à M. Segura en reconnaissance de sa contribution au Sénégal, et n’était destiné en aucune manière à influencer ni M. Segura qui quittait définitivement le pays, ni le FMI. Il a reconnu que le montant du cadeau était une erreur.

Caroline Atkinson,

Directrice des Relations Extérieures du FMI


Meeting with Rep. Keith Ellison « First Muslim Congressman Excels in Foreign Outreach »

Lundi 26 octobre 2009

WASHINGTON —  The first Muslim member of the U.S. Congress has become a de facto American emissary, meeting with foreign policy makers both here and abroad to preach peace and democracy.

Rep. Keith Ellison, a Democrat, had already developed an international reputation when he took his oath of office on the Quran last year. In his first term in office, he has built on that with congressional trips, State Department functions and internationally themed town hall meetings in his district. « Peace is a key component of what I’m here to do, » he said in a recent interview. « The overarching idea is that the world is safer if America has more friends, more understanding, more basis for communication.« The world is safer if we in the United States Congress can help diminish the level of desperation of the desperately poor. The world is also safer if we can help strengthen democracies so that we don’t have failed states. »

Ellison’s dovish foreign policy is just about the opposite of the Bush administration’s, yet he has teamed up with the State Department on public diplomacy to tout what he calls « core » American values of democracy and human rights. He has done events with U.S. embassies overseas and speaks to visiting groups in Washington arranged by the State Department, such as a delegation of French Muslims last month.

« These guys are French citizens, born in France, raised in France, but talked about how they were having difficulty integrating into French society, » said Ellison, who made international headlines last year by becoming the first Muslim member of Congress. « They were curious as to how it is that the American Muslim community is so highly integrated, and what they can do to facilitate that integration that we have here. »

While the U.S. does not have all the answers, Ellison said, it does have some things to teach the world when it comes to religious tolerance. He referred to controversies in other nations about whether women should be allowed or required to wear Muslim head scarves known as hijabs.

« In America, you wear one if you want; you don’t wear one if you don’t want, » he said. « It’s left to the individual, and it works out fine. »

One of the French participants in that meeting, Bakary Sambe, a lecturer and researcher, said that Ellison’s ascension in U.S. politics helped shatter some French stereotypes of American culture.

« In France we used to consider the American society as very segregationist, » he said in an e-mail. « Meeting Congressman Ellison was the first opportunity to (change) our opinion about America. I was very surprised to see a Muslim congressman in America which (is) viewed sometimes as an enemy of Islam and Muslims. »

Sambe added: « His experience as Muslim and black in the same time convinced me that it is possible in America to build your own dream even if you are a Muslim. »

Ellison has taken several trips overseas so far, most recently to Africa this summer, with a group called the House Democracy Assistance Commission, known as HDAC. Its mission is to promote the development of democratic governments through dialogue with foreign legislatures.

Besides visiting Africa, Ellison has traveled twice to the Middle East (including high-profile visits to Israel); Iraq; the Gulf region; Norway; Haiti; Guantanamo Bay, Cuba; and, during one ambitious trip, Egypt, Afghanistan, Pakistan and the Czech Republic.

He said people he meets on the trips almost always recognize him as the first Muslim member of Congress. An African general told him, « Didn’t you swear in on the Quran? I gotta get a picture of you. »

Sens et portée des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à Paris

Lundi 26 octobre 2009

Sens et portée des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à Paris. Interview donnée à xalimasn.com

Source xalimasn.com, Publié le 23 octobre, 2009 à 2 h 00 min

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Xalimasn.com

M. sambe, ce samedi 24 Octobre 2009 se tiendra à Paris la première édition des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à la Grande mosquée de Paris ; qu’est ce qui motive une telle manifestation ?

Je crois que les jeunes Tidianes de Ahibbâ’i Seydi Djamil, qui ont pris cette initiative à laquelle ils ont associé différentes organisations d’adeptes de la Tijaniyya, ont voulu, par cette manifestation, participer à l’œuvre de vulgarisation des enseignements de Cheikh El Hadji Malick Sy et les rendre plus accessibles au grand public en France.

Mais pourquoi le choix de ce personnage religieux précisément ?

Pour ce qu’il représente d’abord pour eux en tant que ses disciples mais je crois aussi pour créer une occasion de revenir sur cet enseignement d’une grande richesse à même de fournir des réponses mobilisables pour mieux faire face à leurs préoccupations d’ordre spirituel ….

En quoi cet enseignement serait il particulièrement pertinent pour cela ?

D’abord parce que Cheikh El Hadji Malick Sy a pu, avec une rare sagesse, traduire les idéaux en réalité et faire de l’aspirant à la réalisation spirituelle un véritable acteur conscient, utile et au cœur de son monde social. D’ailleurs une des conférences durant cette journée animée par Pape Makhtar Kébé sur la Kifâyat Râghibîn, vise à expliciter cela, en parlant d’un « réformateur social » qui s’est appuyé sur la particularité de la Tijaniyya caractérisée par cette intense spiritualité doublée d’une forte implication sociétale tout en visant in fine l’idéal de l’istiqama ou droiture.

Comment ? Pouvez-vous, au-delà des concepts être plus explicite ?

Je dirais, pour faire court, que la méthode Maodo se distingue par le fait d’ériger le savoir en mode d’action et de stimulation spirituelle. Comme l’enjeu majeur de l’époque où il vécut, marqué par une hostilité à l’épanouissement de l’islam était d’illuminer les cœurs et sauvegarder la flamme de cette religion dans son expression la plus vitale possible, Cheikh El Hadji Malick Sy a cherché une voie médiane qui consistait, comme en a témoigné Sukayrij, à « éclairer l’élite comme le commun des mortels en levant le voile sur les connaissances ». C’est, en fait, une démocratisation de l’accès au savoir par toutes les voies possibles. A qui d’autre doit-on, par exemple, la démocratisation du Gamou, évènement, depuis, rentré dans l’ordinaire et célébré un peu partout au Sénégal ?

Vous citez, Sukayrij qui est arabe, je crois, y a-t-il des témoignages de la part de Sénégalais sur cet aspect que vous semblez mettre en avant ?

Ah oui, ils sont nombreux, dans ce sens et, en plus, de la part d’illustres personnages de l’islam de son temps. A côté de celui de Serigne Alioune Guèye et de Serigne Hâdy Touré, Cheikh Thioro Mbacké a considéré, dans un poème, la disparition de Maodo comme une vraie secousse qui venait de toucher l’islam du Sénégal en disant que « c’est un pilier de la religion qui venait de s’effondrer » en cette année 1922 qui l’a vu partir (tahaddama ruknu-d-dîni). Il veut dire qu’avec cette perte c’est un véritable esprit clairvoyant qui venait de faire défaut au monde des oulémas (kamâ khasafal qamâru), tel « l’éclipse couvrant d’ombres la luminosité de la lune ». Et, je crois que c’est loin d’être des témoignages de complaisance. Son œuvre concrète est reconnue hors des frontières du Sénégal. Dans un numéro historique dans les années 90, la revue égyptienne Al-Azhar traitait de l’œuvre Seydi El Hadji Malick Sy en soutenant que, pour une grande part, « grâce à lui a connu son épanouissement dans ce pays Sénégal en créant des écoles, des mosquées, des zâwiya » et, qu’il a aussi formé de « brillants érudits qui se sont éparpillés dans tous les coins du pays telle l’expansion de la lumière dans l’obscurité. »


Mais, comment cela a été fait concrètement, par exemple, en Afrique ? Y a-t-il des exemples pour illustrer ce travail de vulgarisation dont on parle beaucoup ?

Il faut dire que Cheikh El Hadji Malick Sy s’est appuyé sur une stratégie et sur des valeurs sûres : les hommes qu’il a lui-même formés. De son vivant, il a dépêché, des Muqaddams dans toutes les régions où il sentait que l’enjeu de répandre son enseignement était important. N’a-t-il pas envoyé Serigne Alioune Diop Maïmouna à Gaya, Serigne Birahim Diop à Saint-Louis, l’un des fleurons de la colonisation française en Afrique Occidentale. El Hadj Abdou Kane, lui, sera à Kaolack, en plein centre du bassin arachidier sénégalais (centre-ouest du pays). Et, réalisant que ses déplacements, dans l’AOF pourrait réveiller la suspicion du Gouvernement Général et freiner son action, El Hadj Malick Sy préféra, envoyer, après leur formation, ses disciples dans plusieurs pays de la sous-région. Je peux citer El Hadj Amadou Bouya qui le représentera en Côte d’Ivoire, El Hadj Madior Diongue au Congo, Serigne Ndary Mbaye au Gabon, El Hadj Babacar Dieng en Centrafrique et El Hadj Abdou Ndiaye à Bamako, El Hadji Amadou Bouya, je crois en Côte d’Ivoire… A tous ces Muqaddams, il demandera d’aller continuer son oeuvre d’enseignement et d’éducation spirituelle ; effort qu’ils ont consentis volontiers… On retient dans la tradition orale que non loin du Palais du Gouverneur et de la grande Cathédrale, il a pu pacifiquement planter sa Zawiya dans le décor de l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française.


Pour revenir à l’évènement de ce samedi 24 octobre, c’est donc, une journée d’hommage pour relater tous ces faits ?

Certes, mais j’en ai une autre lecture. C’est plutôt, une occasion de revisiter sa pensée qui est d’une actualité indiscutable au moment où le soufisme semble plus que bien d’autres voies au sein de l’islam détenir des réponses adéquates à des questions contemporaines et essentielles. C’est à cela que fait penser le thème de la conférence qu’y donnera aussi Cheikh Ahmed Ndiéguène invitant à retrouver dans la pensée de Cheikh El Hadji Malick Sy « un viatique pour affronter les défis du nouveau millénaire. » Je crois qu’il s’agit plutôt d’une démarche de vulgarisation d’une pensée que de toute approche apologétique contraire même à la philosophie de vie de Cheikh El Hadji Malick fondée sur la modestie et l’humilité.

Puisque vous parlez beaucoup de pensée, pouvez-vous très brièvement, avant de se quitter, nous livrer les grandes lignes qui en feraient la pertinence aujourd’hui ?

On pourrait avancer que, généralement, la pensée de Seydi El Hadji Malick Sy est dominée par l’ouverture qu’il a toujours prônée ainsi que la tolérance exemplaire sans compromission qui marque son discours. Dans un vrai sens de la mesure, il est arrivé à un équilibre ou tolérance n’a jamais rimé avec laxisme et où l’ouverture n’a point empêché son enracinement dans la Sunna et la Tariqa Tijaniyya. Pour exprimer cela, on ne trouvera meilleure formule que celle du doyen El Hadji Rawane Mbaye qui désigne Maodo comme ce « pôle d’attraction Sharî‘a et Haqîqa ». En définitive, un art de la juste conciliation dans un champ de réflexion où, quelques fois, l’esprit de confrontation arrive, malheureusement, à avoir raison de celui de l’échange et donc de l’enrichissement mutuel.

, Réalisé par Adama Diouf

Cet article est aussi publié sur: xalimasn.com
Lire l’intégralité ici Sens et portée des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à Paris. Entretien avec Dr. Bakary SAMBE

SERIGNE MBAYE SY MANSOUR A DIJON LE 9 NOVEMBRE

Lundi 26 octobre 2009

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 As-Salamou Aleykoum
 
La Dahira Al-Mouslimina  Al-Mouhajirina de Dijon vous invite à la Conférence annuelle de Serigne Mbaye Sy Mansour le lundi 9 novembre 2009 à Dijon de 18 heures à 22 h) précises à la Salle du Centre de Rencontres Internationales CRI 1, Avenue Champollion 21000 DIJON (LES GRESILLES à proximité de la mosquée).
Bus Ligne 4 Direction Ecureil.
Au programme une Conférence animée par El Hadji Tafsir Sakho et des chants religieux avec Daw Gor et Abdou Aziz Mbaye.
Vous êtes attendus nombreux pour partager ce grand moment. Pour tous renseignements, contactez Cheikh Omar Mbaye au 06 03 43 82 37 OU FIXE 03 80 43 10 09
Wa salam

Sens et portée des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à Paris

Samedi 24 octobre 2009

Sens et portée des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à Paris. Interview donnée à xalimasn.com

Source xalimasn.com, Publié le 23 octobre, 2009 à 2 h 00 min

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Xalimasn.com

M. sambe, ce samedi 24 Octobre 2009 se tiendra à Paris la première édition des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à la Grande mosquée de Paris ; qu’est ce qui motive une telle manifestation ?

Je crois que les jeunes Tidianes de Ahibbâ’i Seydi Djamil, qui ont pris cette initiative à laquelle ils ont associé différentes organisations d’adeptes de la Tijaniyya, ont voulu, par cette manifestation, participer à l’œuvre de vulgarisation des enseignements de Cheikh El Hadji Malick Sy et les rendre plus accessibles au grand public en France.

Mais pourquoi le choix de ce personnage religieux précisément ?

Pour ce qu’il représente d’abord pour eux en tant que ses disciples mais je crois aussi pour créer une occasion de revenir sur cet enseignement d’une grande richesse à même de fournir des réponses mobilisables pour mieux faire face à leurs préoccupations d’ordre spirituel ….

En quoi cet enseignement serait il particulièrement pertinent pour cela ?

D’abord parce que Cheikh El Hadji Malick Sy a pu, avec une rare sagesse, traduire les idéaux en réalité et faire de l’aspirant à la réalisation spirituelle un véritable acteur conscient, utile et au cœur de son monde social. D’ailleurs une des conférences durant cette journée animée par Pape Makhtar Kébé sur la Kifâyat Râghibîn, vise à expliciter cela, en parlant d’un « réformateur social » qui s’est appuyé sur la particularité de la Tijaniyya caractérisée par cette intense spiritualité doublée d’une forte implication sociétale tout en visant in fine l’idéal de l’istiqama ou droiture.

Comment ? Pouvez-vous, au-delà des concepts être plus explicite ?

Je dirais, pour faire court, que la méthode Maodo se distingue par le fait d’ériger le savoir en mode d’action et de stimulation spirituelle. Comme l’enjeu majeur de l’époque où il vécut, marqué par une hostilité à l’épanouissement de l’islam était d’illuminer les cœurs et sauvegarder la flamme de cette religion dans son expression la plus vitale possible, Cheikh El Hadji Malick Sy a cherché une voie médiane qui consistait, comme en a témoigné Sukayrij, à « éclairer l’élite comme le commun des mortels en levant le voile sur les connaissances ». C’est, en fait, une démocratisation de l’accès au savoir par toutes les voies possibles. A qui d’autre doit-on, par exemple, la démocratisation du Gamou, évènement, depuis, rentré dans l’ordinaire et célébré un peu partout au Sénégal ?

Vous citez, Sukayrij qui est arabe, je crois, y a-t-il des témoignages de la part de Sénégalais sur cet aspect que vous semblez mettre en avant ?

Ah oui, ils sont nombreux, dans ce sens et, en plus, de la part d’illustres personnages de l’islam de son temps. A côté de celui de Serigne Alioune Guèye et de Serigne Hâdy Touré, Cheikh Thioro Mbacké a considéré, dans un poème, la disparition de Maodo comme une vraie secousse qui venait de toucher l’islam du Sénégal en disant que « c’est un pilier de la religion qui venait de s’effondrer » en cette année 1922 qui l’a vu partir (tahaddama ruknu-d-dîni). Il veut dire qu’avec cette perte c’est un véritable esprit clairvoyant qui venait de faire défaut au monde des oulémas (kamâ khasafal qamâru), tel « l’éclipse couvrant d’ombres la luminosité de la lune ». Et, je crois que c’est loin d’être des témoignages de complaisance. Son œuvre concrète est reconnue hors des frontières du Sénégal. Dans un numéro historique dans les années 90, la revue égyptienne Al-Azhar traitait de l’œuvre Seydi El Hadji Malick Sy en soutenant que, pour une grande part, « grâce à lui a connu son épanouissement dans ce pays Sénégal en créant des écoles, des mosquées, des zâwiya » et, qu’il a aussi formé de « brillants érudits qui se sont éparpillés dans tous les coins du pays telle l’expansion de la lumière dans l’obscurité. »


Mais, comment cela a été fait concrètement, par exemple, en Afrique ? Y a-t-il des exemples pour illustrer ce travail de vulgarisation dont on parle beaucoup ?

Il faut dire que Cheikh El Hadji Malick Sy s’est appuyé sur une stratégie et sur des valeurs sûres : les hommes qu’il a lui-même formés. De son vivant, il a dépêché, des Muqaddams dans toutes les régions où il sentait que l’enjeu de répandre son enseignement était important. N’a-t-il pas envoyé Serigne Alioune Diop Maïmouna à Gaya, Serigne Birahim Diop à Saint-Louis, l’un des fleurons de la colonisation française en Afrique Occidentale. El Hadj Abdou Kane, lui, sera à Kaolack, en plein centre du bassin arachidier sénégalais (centre-ouest du pays). Et, réalisant que ses déplacements, dans l’AOF pourrait réveiller la suspicion du Gouvernement Général et freiner son action, El Hadj Malick Sy préféra, envoyer, après leur formation, ses disciples dans plusieurs pays de la sous-région. Je peux citer El Hadj Amadou Bouya qui le représentera en Côte d’Ivoire, El Hadj Madior Diongue au Congo, Serigne Ndary Mbaye au Gabon, El Hadj Babacar Dieng en Centrafrique et El Hadj Abdou Ndiaye à Bamako, El Hadji Amadou Bouya, je crois en Côte d’Ivoire… A tous ces Muqaddams, il demandera d’aller continuer son oeuvre d’enseignement et d’éducation spirituelle ; effort qu’ils ont consentis volontiers… On retient dans la tradition orale que non loin du Palais du Gouverneur et de la grande Cathédrale, il a pu pacifiquement planter sa Zawiya dans le décor de l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française.


Pour revenir à l’évènement de ce samedi 24 octobre, c’est donc, une journée d’hommage pour relater tous ces faits ?

Certes, mais j’en ai une autre lecture. C’est plutôt, une occasion de revisiter sa pensée qui est d’une actualité indiscutable au moment où le soufisme semble plus que bien d’autres voies au sein de l’islam détenir des réponses adéquates à des questions contemporaines et essentielles. C’est à cela que fait penser le thème de la conférence qu’y donnera aussi Cheikh Ahmed Ndiéguène invitant à retrouver dans la pensée de Cheikh El Hadji Malick Sy « un viatique pour affronter les défis du nouveau millénaire. » Je crois qu’il s’agit plutôt d’une démarche de vulgarisation d’une pensée que de toute approche apologétique contraire même à la philosophie de vie de Cheikh El Hadji Malick fondée sur la modestie et l’humilité.

Puisque vous parlez beaucoup de pensée, pouvez-vous très brièvement, avant de se quitter, nous livrer les grandes lignes qui en feraient la pertinence aujourd’hui ?

On pourrait avancer que, généralement, la pensée de Seydi El Hadji Malick Sy est dominée par l’ouverture qu’il a toujours prônée ainsi que la tolérance exemplaire sans compromission qui marque son discours. Dans un vrai sens de la mesure, il est arrivé à un équilibre ou tolérance n’a jamais rimé avec laxisme et où l’ouverture n’a point empêché son enracinement dans la Sunna et la Tariqa Tijaniyya. Pour exprimer cela, on ne trouvera meilleure formule que celle du doyen El Hadji Rawane Mbaye qui désigne Maodo comme ce « pôle d’attraction Sharî‘a et Haqîqa ». En définitive, un art de la juste conciliation dans un champ de réflexion où, quelques fois, l’esprit de confrontation arrive, malheureusement, à avoir raison de celui de l’échange et donc de l’enrichissement mutuel.

, Réalisé par Adama Diouf

Cet article est aussi publié sur: xalimasn.com
Lire l’intégralité ici Sens et portée des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à Paris. Entretien avec Dr. Bakary SAMBE

L’islamisation de l’Afrique par le « Jihâd » : un mythe de l’historiographie arabe ? Par Bakary SAMBE

Lundi 19 octobre 2009

L’islamisation de l’Afrique par le « Jihâd » :

un mythe dans l’historiographie arabe ?

Par Bakary SAMBE

Pour étayer la thèse selon laquelle, les ouest-africains connaissaient l’islam avant les attaques des armées marocaines, il suffit de se rappeler que les Toucouleurs[1], habitants de la vallée du fleuve Sénégal, y avaient déjà fondé des Etats théocratiques et électifs, avec l’islam comme religion officielle d’où le titre d’Almamy (al-imâm) que portaient leurs chefs politiques[2]. La période en question correspond, historiquement, à la naissance des premiers grands empires africains mais aussi à d’importants bouleversements socio-politiques au Maghreb et au Sahara. Les troubles n’ont pu épargner le bilâd al-sûdân et ont influé sur l’évolution de ses rapports avec l’autre rive du grand désert.  Ainsi l’action des Almoravides que les historiens considèrent comme le principal mouvement d’islamisation de l’Afrique de l’Ouest s’étalera sur plusieurs siècles et revêtira plusieurs formes. L’action almoravide ne fut pas un mouvement, continu et uniforme, d’expansion de l’islam par le sabre, mais se confondra, de temps à autre, aux bouleversements politico-religieux qui marquèrent cette époque. Les témoignages des historiens arabes firent allusion à la pratique de l’islam dans les cours royales des grands empires africains. On trouvera, même, des rois africains prêchant l’islam auprès de voyageurs étrangers ayant visité la région ouest-africaine tels que le Portugais Ca Da Mosto.

L’islamisation par le “jihâd”, de la part des armées arabes (ou berbères ?) ne fut qu’une manière de légitimer, religieusement, l’action des chefs politiques qui avaient, pourtant, d’autres mobiles. Nous avons évoqué, plus haut, la richesse en or de l’Afrique de l’ouest et l’importance de cette ressource dans le commerce transsaharien. Pour des raisons économiques, plusieurs chefs guerriers arabes ou arabo-berbères se sont affrontés et ont attaqué des régions au sud du Sahara. La conversion de nombreuses tribus berbères à l’islam, au VIII ème siècle diminuera considérablement les recettes fiscales des pouvoirs centraux théocratiques du Maghreb. En effet, ces peuples qui, avant d’embrasser l’islam, payaient la Jizya , ou dîme, cessaient d’être des vassaux et devenaient, avec leur conversion, les égaux de tout autre musulman.

Mais, loin de l’idéal religieux qui devait fortifier les liens entre anciens prêcheurs et nouveaux convertis, les traditionnels rapports de forces se feront toujours sentir malgré le partage d’une même religion qui n’a pas systématiquement occasionné un traitement égal. Cet  état de fait fut, d’ailleurs, en faveur d’autres obédiences non sunnites comme le kharijisme et le chiisme. Selon G. Désiré-Vuillemin[3], ces courants serviront, aux berbères montagnards, de mouvement de contestation des pouvoirs centraux sunnites qui n’ont de contrôle que sur les berbères sédentaires. Il est important de rappeler que la naissance des principautés rebelles ou dissidentes au Maghreb avait, très souvent, une explication religieuse.

Ainsi, suite à l’avènement du pouvoir abbasside en 750, un kharijite d’origine persane, Ibn Rustum, sera le fondateur de la ville de Tâhart dans l’Oranie, après être chassé de Kairouan par les pouvoirs politiques avec la bénédiction des fuqahâ[4] sunites. Sa principauté survivra jusqu’en 908, malgré l’armistice qu’il signa avec les gouverneurs abbassides, suite à la pacification de l’Ifrîqiyya[5] en 788 ap-JC. Cette dernière date est d’une importance capitale pour situer les grands événements qui marqueront, par la suite, les rapports entre le Maghreb et le bilâd al-sûdan.

L’année 788 sera, aussi, celle de la naissance de la dynastie chérifienne au Maroc. Elle symbolise un tournant essentiel de l’histoire des rapports arabo-africains dans cette région qui nous intéresse si l’on sait qu’elle a coïncidé avec l’émergence des puissances économiques et l’apparition d’un trait original : le commerce transsaharien. Ce commerce reliera désormais les centres politiques émergents du bilâd al-sûdan et les ports de la Méditerranée.

L’exemple d’Ibn Rustum n’est point unique car on assistera à des séries de faits similaires où les fatwâ-s[6] des oulémas légitiment l’action des chefs politiques quand elles ne peuvent ou veulent pas les contrecarrer. Ainsi, le fameux commerce transsaharien et ses échanges, de plus en plus fructueux, seront l’objet de quelques fatwas chez des oulémas Malikites de Kairouan.

Dans sa Risâla, (faisant curieusement référence encore chez les musulmans ouest-africains !) Ibn Abî Zayd al-Qayrawânî considérait le profit tiré du commerce avec le bilâd as-sûdân comme illicite. Pour lui tout échange avec cette région équivalait à un commerce avec les “impies” “kuffâr[7]“, “ennemis de l’islâm”. Cette fatwa peut sembler surprenant si l’on sait que les régions visées étaient déjà à dominante musulmane et que leurs souverains avaient des ambassades dans certaines cours royales du Maghreb.

De plus, de très nombreuses sources mentionnent l’utilisation de matériaux venus du Soudan dans la construction des mosquées au Maghreb. Abdelazîz ‘Alawî, note que le bois et l’ivoire en provenance d’Afrqiue subsaharienne ont servi à l’érection et surtout la décoration des deux minarets d’une mosquée de Fès (celle de l’école Bû‘nâniyya). Même la mosquée d’Al-Qarawiyyîn[8], l’un des temples du malikisme, doit la décoration de ses manâbir (pluriel de minbar) à l’ivoire en provenance d’Afrique noire.     

L’explication à cette interdiction de commercer avec les Noirs pourrait être, alors, fournie par d’autres faits tout autres que religieux. Il faut comprendre qu’à cette période, le commerce transsaharien ainsi incriminé par la fatwa des malikites, sunnites, de Kairouan était entièrement contrôlé par des tribus berbères à dominante kharijite. Les oulémas malikites, comme instrument du pouvoir politique, ne pouvaient que viser les intérêts économiques de leurs rivaux.  Cette fatwa conjoncturelle va d’ailleurs faire place à d’autres dès le début du XIème après la fin de l’hégémonie politique et économique kharijite dans la région. Au regard de tous ces enjeux et manipulations, les détours historiques sont toujours nécessaires pour mieux saisir l’impact du religieux ainsi que l’usage qui en sera toujours fait dans les rapports que nous analysons

Les conquérants marocains, fortement impliqués dans l’œuvre d’islamisation de la sous région ouest-africaine, adopteront la même stratégie jihadiste lorsque les nécessités économiques et/ou politiques les contraindront à réorienter leurs rapports avec le bilâd al-sûdan. Rappelons que les Almoravides se sont attaqués aux populations soninké, plus dans le but d’accomplir une “mission réformiste” que d’un quelconque “jihâd” visant à les islamiser. La preuve en est qu’ils trouveront, chez eux, des mosquées et des rois musulmans ! Les mêmes Almoravides (sunnites) n’hésiteront pas, plus tard, à apporter leur soutien militaire à l’empire du Ghana (non encore musulman, à l’époque) contre certaines tribus converties, dont Temedelt[9], mais encore attachées à l’ibâÃisme. Si l’on sait que l’intégralité de l’action almoravide est mise sur le compte du “Jihâd” par les théologiens musulmans, il faudra être prudent au maniement de ce terme dans le vocabulaire politico-religieux qui occulte bien d’autres faits historiques.

Cette querelle terminologique n’épargnera pas les historiens; et on peut trouver, chez un même auteur, plusieurs versions contradictoires. Leurs contradictions ou incohérences historiques sont quelquefois doublées de troublantes confusions géographiques. On en trouve des exemples parlants chez Ibn Abî Zar‘. Evoquant l’aventure guerrière du chef Almoravide YaÎyâ Ibn ‘Umar, il arrive que l’auteur de ’Al-anîs al-MuÔrib distingue le Sahara du Bilâd al-sûdân et les confond en une seule et même région géographique quelques pages après. On peut remarquer une telle confusion dans ces deux passages où il essaye de nous situer l’action d’un conquérant Almoravide mort au Sahara : “Il s’empara de toutes les régions du Sahara et conquit le bilâd as-sûdân” puis “il mourut lors d’un jihâd au bilâd as-sûdân en 1057″[10]. De plus, il faut comprendre que certains de ces ouvrages revêtaient quelquefois un caractère laudatif, hagiographique, qui les éloignait du seul souci de la vérité historique. A titre d’exemple, on ne trouve presque aucune mention, chez Al-Bakrî ou Al-Idrîsî, des faits relatés par Ibn Abî Zar’ sur la vie du conquérant YaÎyâ Ibn ‘Umar que les légendes locales considèrent comme celui qui islamisa le bilâd al-sûdân. Pourtant, Al-Bakrî était bien contemporain des “conquêtes” et de son empire strictement saharien. Pour ce qui est du bilâd al-sûdân, Al-Bakrî fait allusion à l’action Almoravide, non pas dans le sens d’une islamisation massive par les armes, mais de mouvements réformistes.

Même si la plupart des historiens distinguent, deux étapes différentes, dans le processus d’islamisation de l’Afrique de l’Ouest (commerce transsaharien et conquêtes guerrières), il est difficile de faire la part entre l’expansion de la religion et les moyens qui la rendirent possible. La première serait redevable à un ensemble de facteurs imbriqués entre eux. Ainsi, on arrive difficilement à dissocier le rôle du commerce et celui de la conquête car ces deux moyens prosélytiques se complétaient lorsqu’ils n’allaient pas de pair ou que le premier n’était pas la cause d’hostilités mises sur le compte de la seconde. L’islamisation de l’Afrique de l’Ouest a été le cadre d’affrontement, non seulement, entre noirs africains, arabes et berbères mais aussi entre ces deux derniers dont l’antagonisme a, pendant longtemps, porté l’habit religieux pour ne pas dire culturel. Nous faisons souvent le parallèle entre ces péripéties de l’histoire politico-religieuse de l’Occident africain avec l’action menée par les sunnites et qui n’a fait que se transposer, dans d’autres contrées du monde musulman. Commencée en Orient par les Seljoukides, cette action sera achevée par les Ayyoubides, en Egypte. Initiée par les Zirides en Ifrîqiyya, l’action « réformiste » sunnite se poursuivra avec les Almoravides au Maroc, dans le Sahara et jusqu’à la rive gauche du fleuve Sénégal.

Cette dernière étape nous intéressera le plus, au regard de ses implications directes en terre ouest-africaine. Les rapports entre cette région et les Arabes étaient marqués – et le sont encore aujourd’hui- par la dimension religieuse que leur conféraient les différents acteurs politiques ou religieux. Nous avons évoqué ces fatwas venues réguler les rapports économiques et ces conquêtes à visées économiques voire politiques faites au nom de l’islam. Mais, en plus, lorsque la différence de religion ne pouvait plus alimenter les adversités politiques, des mouvements réformistes essayaient de ramener les « frères égarés » sur la « bonne voie ». Quelle ressemblance avec l’offensive wahhabite et salafite en Afrique noire cherchant à venir à bout du système confrérique soufi à laquelle nous assistons aujourd’hui !

C’est aussi l’exemple de l’action sunnite au Sahara et dans une bonne partie du bilâd al-sûdân. Le malikisme et ses fuqahâ agiront, dans le même sens pour conforter l’emprise de tel ou autre sultan marocain sur des régions au sud du Sahara. Mais au-delà de simple rite de pratiques cultuelles, le malikisme fut, aussi, un moyen de vulgariser les manières et usages arabo-berbères dans les cours royales africaines et chez les élites, très tôt gagnées par l’islam, via les routes du commerce transsaharien. Le rite malikite est, de ce point de vue, un élément unificateur, du moins un facteur de rapprochement entre les peuples musulmans du Maghreb et ceux sub-sahariens. De plus, il constituait la base des échanges intellectuels et théologiques entre oulémas des deux rives du Sahara[11].

Cependant, derrière cette apparente uniformité, se cachait un objectif politico-religieux ; celui de maintenir, en Afrique noire, la prépondérance, du rite malikite, considéré comme fait culturel maghrébin. C’est pourquoi, ces échanges entre les savants étaient appuyés et encouragés par les politiques. Comme le dit ‘Abd al-Jalîl al-Tamîmî, “l’apport des savants qui se déplaçaient à travers les vastes terres d’islam était important. C’est à eux que revient le mérite de la prépondérance exclusive du rite malikite[12]“. Cette prépondérance est à l’origine de l’extrême orientation du choix des supports pédagogiques pour l’enseignement des savoirs islamiques en Afrique noire.

Al-Tamîmî remarque ce fait par le succès inégalé de la Risâla, ouvrage incontournable du malikisme en Afrique noire. Aucun autre livre malikite n’a aussi bien marqué tant de générations d’oulémas ou de fuqaha africains qui y fondent leur jugement tout en ignorant son aspect contextuel et l’influence qu’y ont eue les pratiques et mœurs berbères. “L’ouvrage d’Ibn Abî Zayd al-Qayrawânî, remarque ‘A. J. al-Tamîmî, constitue encore aujourd’hui la référence principale et unique de cette structure doctrinale immuable qui fut à l’origine de l’interaction civilisationnelle fondée sur l’islam et qui a fait l’unité du Maghreb et des régions subsahariennes”[13] .

Le religieux comme facteur constant et déterminant est, une fois de plus, au centre de cette interaction entre peuples des deux rives du Sahara. Ainsi, toutes les études qui n’ont pas pris en compte son impact dans ces rapports risquent de ne pas percevoir un aspect des plus importants. L’emprise et le succès du Malikisme sont tels que ce rite se confond à la pratique même de l’islam dans cette région de l’Afrique où il s’inscrit durablement dans l’histoire religieuse. Ainsi, évoquant le fameux pèlerinage de l’empereur du Mali, Kankan Musa qui rentre du Íijâz en 1324 ou 1325, Al-Sa‘dî raconte une anecdote pouvant nous éclairer sur l’enracinement, déjà à l’époque, du Malikisme, dans les pratiques religieuses du bilâd al-sûdân. Il s’agit de l’histoire d’un faqîh originaire du Íijâz qui aurait accompagné de l’empereur noir à son retour du pèlerinage. L’auteur du TâriÌ al-Sûdân (Histoire du pays des Noirs) relate qu’un certain ‘Abd al-RaÎmân al-Tamîmî “habita à Tombouctou. Lorsqu’il constata que les oulémas de la ville l’avaient dépassé en matière de fiqh, il émigra à Fès et y étudia le fiqh avant de revenir s’installer (définitivement à Tombouctou)”[14]. C’était pour montrer que, dans cette région,  seule la connaissance du rite malikite pouvait garantir la légitimité d’un faqîh quelle que soit sa culture islamique, fût elle des plus vastes.

L’attachement au Malikisme est l’un des traits fondamentaux de l’islam soudanais. Ce fait expliquera, en partie, les relations particulières qu’il entretiendra avec le Maroc et ses sultans qui, en plus de leur rôle politique, s’assignaient toujours une mission religieuse. Djibril Tamsîr Niane remarque cet attachement au rite malikite, dans son évocation du fameux pèlerinage de l’empereur du Mali, en ces termes :” De stricte obédience malikite, Mansa Mûsâ, n’acheta dans les villes d’Orient que des ouvrages de cette secte, il attira, dans son pays des lettrés et des artistes qu’il pensionna royalement”. Il conclut en affirmant que par ces actions, le roi venait, ainsi, de jeter les bases de ce qu’il appelle “la culture négro-musulmane du Soudan[15].

Toute cette période est, pourtant, bien antérieure aux attaques armées arabes, notamment marocaines, auxquelles de nombreuses légendes attribuent l’islamisation de l’Afrique de l’Ouest. En effet, on a toujours gardé l’idée d’une Afrique dépourvue de religiosité, comme nous le verrons dans la partie de notre travail consacrée à la vision intersubjective entre Noirsn et Arabes. Du côté de la tradition universitaire occidentale, la théorie de la tabula rasa, pendant longtemps, support de l’idéologie colonialiste, a, aussi, empêché des tentatives sérieuses se penchant sur cette partie de l’histoire africaine.

De la sorte, on est arrivé à croire que l’Afrique ne connaissait d’organisation politique ou sociale avant l’arrivée des armées arabes ou encore européennes pour les plus pessimistes. C’est pourquoi, Djibril Tamsir Niane s’émeut d’une telle situation, en se penchant sur l’histoire des empires noirs médiévaux dans lesquels la pratique de l’islam était chose courante bien avant la conquête armée arabe : “Il y a seulement quelques décades, rappelle t-il, seuls quelques spécialistes d’histoire africaine étaient convaincus que l’Afrique au Sud du Sahara, avait su développer des royaumes et des empires dignes de ce nom, encore qu’aux yeux de bon nombre de ces spécialistes, ces royaumes et ces empires devaient tout ou presque aux Arabes[16] Il est vrai qu’en matière d’histoire africaine, on a tendance à ne parler que de l’Afrique coloniale ou, du moins, celle des explorateurs européens, considérant cette période comme le début de son existence historique proprement dite. Cela peut sembler étonnant si l’on sait qu’entre le IV ème et le XVI ème siècle correspondant au Moyen Age européen et au développement de la civilisation musulmane, le continent noir a connu différents systèmes politiques symbolisés par les empires cités plus haut. Il l’est d’autant plus que l’empire du Ghana fut créé, au plus tard, aux environs de 300 après J.C alors que, comme le soutient Cheikh Anta Diop, « Charlemagne, créateur du premier Empire d’Occident, après les invasions barbares, fut couronné en 800 »[17]. Il rappelle, en outre que cet empire dura jusqu’en 1240, connut l’islam très tôt et commerça avec le Maghreb, comme en attestent les témoignages de ses chroniqueurs.

Ainsi, la période comprise entre le XI ème et le XIV ème siècles est largement couverte par les écrits d’historiens et de chroniqueurs arabes, qui sont des sources incontournables. Mieux, dès le XV ème et durant tout le XVI ème siècle, des historiens africains utilisant la langue et/ou les caractères arabes, produiront d’innombrables ouvrages venus éclairer cette période contrastée des relations arabo-africaines. Djibril Tamsir Niane, analysant cette époque des grands empires, la qualifie de “période à tous égards, intéressante” car selon lui, “on voit le Soudan évoluer pour son propre compte et prendre chez l’étranger ce qui s’adapte le mieux à son milieu et à sa mentalité”[18]. Ainsi, bien avant les incursions guerrières des sultans marocains, au Sud du Sahara, au cours du XVI ème siècle, l’islam était assez présent dans les pratiques et la vie quotidienne des noirs africains sauf qu’il était remodelé selon le contexte et les mentalités. Le bilâd al-sûdân, nous dit D. T. Niane, fut “partie intégrante du monde musulman” depuis l’époque de ces grands empires où il “développa des structures sociales originelles”[19].

De nombreux historiens contemporains dont le Soudanais ‘Izz al-Dîn ‘Umar Mûsâ[20] appellent à une relecture de l’aventure guerrière almoravide considérés comme les islamisateurs du bilâd al-sûdân et à une nouvelle approche des causes de la chute de l’empire Songahï à la fin du XVI ème siècle, plus précisément en 1591. Ce dernier événement est un fait marquant de l’histoire des relations arabo-africaines. Il fait suite à l’invasion, par les armées de ManÒûr al-Åahabî, de l’empire Soghaï qui regroupait une bonne partie du Mali jusqu’au Sénégal oriental actuel.

La question est de savoir comment le sultan du Maroc a pu s’attaquer, au nom de l’islam et du « Jihâd »,  à une contrée à dominante musulmane avec ses fuqahâ et ses mosquées, témoins, au même titre que les habitations, de l’incendie de la ville par les troupes marocaines.

Là où certains auteurs parlent de « Jihâd » Izz Dîn U. Mûsâ soutient, de manière euphémique, la thèse d’un mouvement réformiste. Il adopte, d’ailleurs, la même position concernant les aventures guerrières almoravides qui menèrent les “soldats de Dieu” du Sahara aux bords du fleuve Sénégal où le royaume du Tékrour[21], déjà musulman, connaissait une organisation théocratique comme le mentionna Al-Bakrî. Le travail de Izz Dîn Umar Mûsâ, bien que peu relayé, est novateur dans le sens où il fut, depuis près d’un siècle, le premier chercheur du monde arabe à avoir l’audace d’initier une telle réflexion[22].

L’aventure d’Al-Mansûr a toujours été l’objet d’un débat aussi bien historique que politique voire religieux. Certains historiens comme Al-Fisštâlî[23] présentent l’événement de manière apologétique et en font une page en or de plus dans la vie et l’action “glorieuse” du Sultan saadien Al-Mansûr al-Dhahabî. L’attaque qu’il a perpétrée contre le Songhaï, dans le bilâd Sûdân, est perçue par l’histoire officielle au Maroc comme un événement de plus à inscrire dans “l’œuvre grandiose” des Sultans chérifiens. Ils auraient le mérite d’envoyer des armées pour répandre l’islam et sa bonne pratique aux confins du Sahara et de l’Afrique Noire.

C’est ainsi que pour être conforme à la justification religieuse de l’événement, Al -Fištâlî, parle d’Imamat[24] ou de Califat quant au statut politique du Sultan marocain, considéré comme le Commandeur des croyants. Il perçoit les Soudanais (habitants noirs du Sud du Sahara) comme de simples sujets en rébellion contre l’ordre califal qui serait incarné par le roi du Maroc. Ce procédé sert à masquer la contradiction entre le rôle revendiqué par Al-ManÒûr et l’attitude consistant à user des armes contre les populations d’une région à dominante musulmane.Le travail d’Al-Fištâlî est intéressant pour notre question au-delà du débat sur la validité historique de ses écrits qui nous importe moins que la démarche. Il nous interpelle autrement, dans la mesure où il a façonné l’interprétation politique que différents chercheurs marocains, avec lesquels nous avons travaillé, font de cette campagne du sultan Al-ManÒûr.  Il faut rappeler que plusieurs travaux contemporains sont, encore, empreints de la conception apologétique du rôle marocain dans le bilâd Sûdân.

Certains, comme ‘Abd al-Hâdî al-Tâzî[25], veulent voir dans cette aventure du Songhaï, un rôle protecteur joué par le royaume chérifien auprès des contrées musulmanes d’Afrique au Sud du Sahara. Pour al-Tâzî, l’expédition visait, avant tout, à arrêter les “convoitises non africaines sur l’Afrique”. S’agissait-il d’une simple volonté de défendre le bilâd Sûdân contre les agressions extérieures au moment où les navires (marchands mais aussi guerriers) portugais étaient déjà présents sur les côtes atlantiques d’Afrique? Ou bien le Maroc d’Al-Mansûr, se souciait-il, plutôt, de sa sécurité intérieure exposé qu’il était, lui-même, aux convoitises européennes ? Malgré toute sa modération, al-Tâzî semble pencher pour la seconde hypothèse. Pour lui, Al-ManÒûr, voulait “remettre à leur place quelques voisins trompés par ceux qui commençaient à menacer les régions frontalières du royaume”[26]. Nous voyons, donc, que dans l’analyse de ce fait historique, il est, partout, question de justifier, religieusement, l’attitude des acteurs politiques.

L’l’histoire, la religion, tout comme l’imaginaire religieux sont toujours sollicités afin de trouver les arguments nécessaires à la bonne conscience politique. Leur validité dépendra du poids symbolique dont ils seront ou non dotés. ‘Ibn Abî MaÎallî, dans une vision « messianique » va jusqu’à prôner que ces conflits opposant le Maroc au bilâd Sûdân “doivent être vus comme des signes annonciateurs de l’apparition du Mahdî”[27].

Quoi qu’en disent les historiens marocains, l’expédition d’Al-Mansûr a été, en partie, à l’origine de la décadence des royaumes noirs de la boucle du Niger et surtout de l’empire Songhaï. Il est vrai que les conséquences de cette aventure guerrière sont tellement dérangeantes que plusieurs explications historiques, voire religieuses, lui ont été trouvées. Aujourd’hui, c’est avec beaucoup de gêne que les africanistes marocains abordent cet événement. Il persiste, cependant, un courant qu’on pourrait qualifier de “légitimiste” qui y voit un simple fait à mettre sur le crédit d’un chef au double rôle politique et religieux à qui ses “vassaux” soudanais devaient respect et obéissance, au nom de son titre de « commandeur des croyants »[28].

On pourrait placer cette querelle d’historiens dans le contexte plus vaste de la vision intersubjective entre Arabes et Noirs africains si l’on sait que les péripéties de ce “Jihâd” seront perçues, au sud du Sahara, comme de simples razzias ou attaques guerrières dénuées de tout fondement religieux. En Afrique sub-saharienne, il y a toute une génération d’historiens et de politologues qui a eu une attitude plus que critique sur ce rôle marocain. Au Maroc, leur vision est qualifiée d’approche « nationaliste passionnée”.  L’historien malien, Modi Sekene Cissoko est l’un des représentants de ce courant. Il présente l’invasion marocaine comme “l’hécatombe” qui anéantit “une civilisation connue et reconnue de tous”. Pour M. S. Cissoko, cet événement est d’autant plus dramatique qu’il “arrête la stabilité et le développement” de la région.”L’expédition d’Al Mansûr, nous dit Sekene Cissoko, détruisit l’ordre, l’Etat et instaura l’anarchie, bref la barbarie”. Il va plus loin en affirmant que “le mousquet eut sur les esprits les effets semblables à ceux de la bombe atomique sur Hiroshima en 1945″[29]. M. Sekene Cissoko que nous avons aborder cette question de manière très émue lors d’un Colloque à Casablanca, présente l’événement comme le tournant des relations maroco-soudanaises[30]. On trouve également ce même sentiment d’amertume chez Joseph Kizerbo[31].

Pour ces historiens, l’expédition est d’autant plus injustifiable que cette région attaquée par l’armée marocaine était musulmane depuis plusieurs siècles. En plus, après sa victoire, le sultan exilera de nombreux savants comme Ahmad Bâbâ[32] de Tombouctou. Ce dernier a enseigné, pendant plus de quatorze ans, à Marrakech. Joseph Ki-zerbo considère l’expédition d’Al -Mansûr comme une recherche de prestige personnel et se pose la question de savoir si le sultan sa’adien avait bien “une vision claire et décidée” en attaquant cette région déjà islamisée. Ainsi, il lie l’événement à “l’ivresse, la joie et l’enthousiasme de la victoire de la bataille des Trois Rois[33]” avant de conclure : “c’est pourquoi ce sultan conçut le grand dessein de vassaliser l’empire”[34].

Pendant plusieurs décennies – et dans une moindre mesure, encore aujourd’hui -, cette expédition eut des séquelles dans l’esprit des intellectuels francophones d’Afrique de l’Ouest.

L’historien marocain, Abdelmajid Kaddourî, déplore ce fait en ces termes : “ce courant d’historiens nationalistes blessés a eu un impact énorme sur les relations du Maroc avec les Etats de l’Afrique noire, dans les années soixante dix. Cet impact est dû à la propagation de ces idées dans les manuels d’histoire pour l’enseignement notamment dans le secondaire”[35].

Il faut savoir que dans l’approche du processus d’islamisation de l’Afrique subsaharienne, deux courants se sont toujours affrontés. On peut dire que, sur un plan méthodologique, rien ne les sépare sauf qu’ils se trouvent de part et d’autre du Sahara ou de la Mer Rouge. Le fait nationaliste se retrouve chez l’un et l’autre courant. Beaucoup de chercheurs du monde arabe considèrent, encore aujourd’hui l’islamisation de l’Afrique, du moins dans leur manière de l’aborder, comme un processus d’arabisation, pour ne pas dire une rupture historique dans l’évolution politique et culturelle du continent. De leur côté, des intellectuels africains « nationalistes », nient soit l’apport de la culture arabe par le biais de l’islam ou cultivent, de manière irraisonnée un certain essentialisme puritain. C’est à dire qu’ils veulent, par tous les moyens, couper l’islam africain du reste de l’aire islamique en considérant l’islamisation comme une simple acculturation ou une perte d’identité.

S’ils s’affrontent par le contenu de leurs thèses, les chercheurs arabes et les intellectuels nationalistes africains se rapprochent par leurs dérives théoriques. D’une part, on voit un discours teinté d’arabisme qui nie toute présence antérieure de l’islam et partant de « civilisation » – dans leur acception- en Afrique noire, avant les conquêtes arabes et notamment marocaines. Ce discours mené, étonnamment, par des universitaires considère l’islamisation de l’Afrique noire comme son entrée dans l’Histoire.

Même s’il n’atteint pas le catégorisme d’un MaÎmûd Šâkir[36], le professeur MuÎammad Sa‘îd Çallâb laisse apparaître, dans son propos, l’influence des anciennes conceptions négatives sur le bilâd sûdân depuis un certain Ibn Khaldoun pourtant esprit éclairé de son époque. Evoquant l’islamisation de l’Afrique noire, l’universitaire égyptien affirme sans nuances « L’Afrique sera amenée à connaître l’un des plus grands événements – l’avènement de l’islam – qui l’ait jamais marquée si profondément à travers son histoire. C’est dire qu’une grande partie du continent s’adonnera, dès lors, à un nouveau processus historique débouchant sur autant l’adoption d’une nouvelle langue, l’arabe, que la conversion à une nouvelle religion, l’islam »[37].

Sur ce terrain on n’a cessé d’assiter à un renouveau nationaliste chez les intellectuels africains. Ce phénomène prit de l’ampleur surtout au lendemain des indépendances, au fur et à mesure que le thème de l’affirmation de l’identité culturelle africaine face au colonisateur devenait obsolète et qu’il fallait trouver maintenant les fondements d’une identité nationale à la base des jeunes Etats.

Rappelons l’attitude critique des historiens comme M. Sekene Cissoko, Djibril Tamsîr Niane et Cheikh Anta Diop[38] par rapport au processus d’islamisation ou les entreprises militaires marocaines inscrites dans ce processus. Il faut ajouter à ce courant, celui de la négritude, qui nie tout apport arabe ou islamique dans l’édification de l’œuvre civilisationnelle noire africaine. Il écarte, du coup, les échanges ou les concessions mutuelles entre le dogme islamique tel qu’il est vécu et interprété en Afrique noire et les différentes cultures de cette dernière. Plus tard d’autres chercheurs adopteront une attitude plus modérée.

Tout en récusant l’idée que l’islamisation aurait introduit une rupture de taille dans la continuité de la civilisation traditionnelle africaine, ils reconnaissent cette sorte de symbiose entre les cultures africaines et les éléments du dogme islamique caractéristique de l’islam noir, cher à Vincent Monteil. L’un entre eux, Diasseny Dorank Assifat en arrive à la conclusion suivante : « L’islam et l’ontologie négro-africaine ont ainsi réagi l’un sur l’autre pour produire un champ culturel plus complexe »[39]. Sharîf, va dans le même sens en soutenant que ni les tenants de la négritude ni ceux d’un “islam unitaire”, méconnaissant les spécificités de cette religion en Afrique noire, ne peuvent y prétendre à une explication objective du fait islamique[40].

Toute démarche théorique tentant d’isoler ce que les uns appellent “culture africaine” et les autres “culture arabo-islamique” est condamnée à mutiler la réalité qu’elle veut étudier. Exclure l’islam de la sphère culturelle en Afrique de l’Ouest revient à ôter à ces sociétés une marque fondamentale de leur identité depuis des siècles.

Contrairement à ce que prétendent les ultras de la négritude, les musulmans africains se sentent partie intégrante de la ‘Ummah islamique, adhèrent aujourd’hui à toutes les organisations panislamiques internationales et accèdent aux réseaux de solidarité basés sur l’islam. De plus, ils se sont servis de l’islam comme étendard identitaire pour s’opposer à la domination coloniale, à travers les confréries et leurs chefs charismatiques. Certes nous ne pourrons pas aller jusqu’aux affirmations de ¡abir Šarif considérant l’islam comme le seul “lien social et civilisationnel” pouvant réunir la majorité des ouest-africains. Mais, aussi, la vision des partisans de la négritude limiterait les possibilités d’approche des rapports entre les Africains et l’islam.

Néanmoins, comme le dit ¡abir Šarif lui-même, “le fait islamique est, à jamais, inscrit dans le quotidien et le rapport de l’africain (musulman) au monde”[41] au point qu’il serait difficile, dans ce contexte, de distinguer ou séparer ce qui est “purement” africain de ce qui est “islamique par essence”[42]. De ce point de vue, il rejoint, parfaitement, Diasseny Dorank dans son idée de symbiose et certains africanistes, plus proches de nos positions, dans la notion d’adaptation sociologique.

Le débat sur l’islamisation de l’Afrique de l’Ouest et du Sénégal, en particulier, ne saurait se limiter à une simple confrontation d’arguments historiques. Même si ces derniers peuvent aider à mieux cerner la question, ils ne peuvent, cependant, l’épuiser. Derrière les grands événements décrits par l’histoire ou l’historiographie officielle, il y a eu d’autres faits, certes moins marquants, mais plus constants et constitutifs de la mémoire collective de ces peuples.

A part les récits encore entretenus par les griots concernant ces entreprises conquérantes, le débat historique voire sociologique sur l’islamisation est resté l’apanage des intellectuels ou des chercheurs spécialisés. Ainsi, à force de focaliser l’attention sur ce débat et les données historiques et sociologiques accaparées par les spécialistes, on a tendance à passer à côté des autres constructions et explications des facteurs d’islamisation.




[1] Une branche de l’ethnie des Peul. Ces derniers disent que c’est la même ethnie des hal-pulâr , ceux qui parlent pulâr.

[2] – Ces Etats subsisteront jusqu’en 1881, date à laquelle le Colonel français Brière de Lisle proclama la souveraineté de la France sur le Fouta Toro, vallée du fleuve Sénégal (rive gauche).

[3] – DESIRE-VUILLEMIN Geneviève : Histoire de l a Mauritanie : des origines à l’indépendance, Ed. Karthala, 1994, 648p.

[4] – pluriel de “faqîh“, savant musulman spécialiste du fiqh.

[5] – Partie la plus septentrionale de la Tunisie qui aurait donné son nom au continent africain “africa” chez les voyageurs romains.

[6]  Fatwâ : avis juridique prononcé sur une question donnée par le mufti, sorte de docteur de la loi chez les musulmans.

[7] Pluriel arabe de kâfir, dénégateur, non croyant pour les musulmans.

[8] – Voir Abdelazîz Alawî : Fès et le commerce transsaharien avant l’expédition sa’dienne au Songhaï, in Colloque Fès et l’Afrique, Publication de l’Institut d’Etudes Africaines de Rabat, Université Mohamed V Souissi, 1993, pp.96-97.

[9] voir à ce propos Yâqût al-Íamawî : Mu ‘jam al -buldân, T6, pp 8-9.

[10] – Ibn    Abî Zar’ : Al-anîs al-MuÔrib; pp 124-128, Rabat 1936. 

[11] – Voir à ce propos BATRAN Abdelaziz Abdallah : La guerre des fatwas entre oulémas musulmans du nord et du sud du Sahara (article en arabe) in Fès et l’Afrique: relations économiques, culturelles et spirituelles, Publications de l’Institut des Etudes Africaines, Série Colloque et Séminaires, Rabat 1995, pp.183-233.

[12] – al-TAMIMI Abdeljalîl : Les dimensions civilisationnelles des relations contemporaines entre le Maghreb et l’Afrique, p53 in L’Afrique et la culture arabo-islamique, ISESCO, 1988. Pp 49-56. [13] – al-TAMIMI , ibid p53. [14] – As-Sa’dî : Târîkh as-Sûdân , pp 51-65. 

[15] – NIANE Djibril Tamsir : Le Soudan occidental au temps des grands empires XI – XVI ème siècle., Présence Africaine, 1975, 267p. p39.

[16] – Niane, DT, ibid, p7.

[17] – Diop, Cheikh Anta, Nations nègres et culture, de l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui, 3ème Edition, Tome II, Présence Africaine, 1979, p. 359.

[18] – Niane, DT, ibid, p7.

[19] – Niane D T, ibid p9.

[20] – Mûsâ I D U, Dirâsât Islâmiyya Çarb Ifrîqiyya , in BuÎû×  TârîÌiyya, n°2 mars 1999.pp57- 92.

Voir aussi Essai de relecture du rôle des Almoravides dans l’islamisation du bilâd as-sûdân, ibid pp2-5.

[21] – royaume qui s’est développé sur la rive gauche du fleuve Sénégal.

[22] – Rappelons que le Professeur Mûsa enseigne en Arabie Saoudite à l’Université du Roi Saoud à Ryadh. Il nous a dit avoir initié cette réflexion lors d’une conférence à l’Institut d’Etudes Africaines de Rabat. La question de la conquête saadieenne du Songhaï étant encore très sensible au Maroc, on ne peut qu’imaginer la grande motivation ainsi que la conviction du chercheur.

11 – Il est l’auteur de Manâhil  al-Ñafâ fî Ma ‘â×ir Mawâlînâ al-Šurafâ qui traite de l’historiographie des différents sultans du Maroc et des actions par eux menées. C’est une référence incontournable sur l’histoire du Makhzen.

[24] – Ceci n’est qu’une résurgence de l’image du Calife, autorité représentant Dieu sur terre chez les sunites. Cette attitude n’est en rien singulière dans l’histoire de l’expansion musulmane. On peut se rappeler l’attaque par Abû Bakr, successeur du prophète MuÎammad de 632 à 634, des tribus accusées d’apostasie pour leur refus de verser la zakât, l’aumône légale, au centre politique qu’était Médine. C’est ce que l’historiographie musulmane appelle “la guerre contre les apostats” , Îurûb al-ridda.

[25] – al-Tâzî Abdul Hâdî : Histoire diplomatique du Maroc, V 8, p233. Cet historien était par ailleurs conseiller diplomatique du Roi Hassan II.Il représente avec Mohamed Benchérifa de l’Académie du Maroc, une catégorie d’historiens très contestée par la nouvelle génération pour l’orientation apologétique de leurs recherches vu leur proximité avec le Makhzen.

[26] – Tâzî,  L’histoire diplomatique…, pp234-235.

[27] – Cité par KADDOURI Abdelmajid; L’expédition d’Ahmad Al Mansûr au Soudan: historiographie et discours, in Le Maroc et l’Afrique Subsaharienne au début des temps modernes (1995), Actes du Colloque International de Marrakech 23-25 octobre 1992, p217, voir également pp207-216.

Ce colloque a été organisé par l’Institut d’études africaines de Rabat (Université Mohamed V Souissi. Il a réuni, pour la première fois des historiens marocains et étranger pour débattre de cette expédition dont l’abord était tabou pendant très longtemps vu les implications politiques voire religieuses. Il est vrai que cette expédition est à l’origine d’un complexe de culpabilité chez les Marocains en général et les fuqahâ (oulémas) en particulier. Kaddouri nous dit qu’elle est considérée comme un fait officiel n’ayant pas bénéficié d’un consensus national, d’où son titre “expédition d’Al Mansûr” et non “marocaine”.

L’allusion au Mahdî est une autre résurgence de l’imaginaire musulman. En islam, on croit à l’avènement d’un “rénovateur” qui viendra à la fin des temps pour restaurer l’ordre de Dieu. Chez les sunites on parle d’Al Mahdî al-muntazar (attendu). Les chiites aussi attendent “l’imam caché”. Dans plusieurs contrées du monde musulmans des personnages charismatiques ont été pris pour ce messie / AU Soudan avec le Mahdi, au Sénégal où les adeptes de la confréries laayènes considèrent leur marabout comme l’imâm envoyé par Dieu pour restaurer la justice sociale etc.

[28] – C’est le cas de Bahija Chadili (Université Hassan II Aîn Chock) qui a annoté l’ouvrage de Mohamed Bello fils d’Ousman Dan Fodio, Infâq al-Maysûr fî târîÌ Bilâd at-Takrûr, Publications de l’Institut des Etudes Africaines, 1996. C’est une reprise de sa thèse sous la direction de Fatima Zahrâ TAMOUH (Université Mohamed V- Rabat).

[29] – Cissoko Modi Sekene, Histoire de l’Afrique occidentale, Moyen Age et temps Modernes, VII- 1890, Paris, Présence Africaine, 1966. 192, 222.

[30] – Nous avons rencontré Modi Sekene Cissoko lors de notre partcipation au Colloque sur le thème : Les relations maroco-africaines : bilan et perspectives” organisé par l’Université Hassan II, Casablanca 26- 28 octobre 2000.

[31] – KIZERBO J : Histoire de l’Afrique Noire , d’hier à demain.

[32] – voir BENCHARIFA Mohamed dans Min A’lâm al-tawâÒul bayna bilâd as-sûdân wa al-maÈrib, Publications de l’IEA Rabat 1999.

[33] – Cette bataille a opposé les Sultans Abd al Malik Al-Sa’adî, Al Mutawakkil as-Sa’dî et le roi portugais Don Sébastien le 4 août 1578. Elle s’est soldée par une éclatante victoire du Maroc de la dynastie des Sa’diens à laquelle appartient Al-Mansûr al-Dhahabî.

[34] Kizerbo J , ibid p198 

[35] -Kaddouri A : ibid p209. Notons aussi que Modi Sekene Cissoko, l’un des animateurs de ce courant fustigé par Kaddouri a été chargé, officiellement, de superviser l’élaboration, en 1965, des manuels d’histoire utilisés dans l’enseignement secondaire

[36] – Dans son MawâÔin al-Šu ‘ûb al-Islâmiyya, ce penseur syrien reprend exactement les conceptions khaldouniennes (14ème siècle) pour parler des peuples d’Afrique noire, avant l’islamisation. Il  parle de leurs mœurs et coutumes en terme de « barbarie » ou « sauvagerie ».  La reprise de cette thèse est nette dans l’ouvrage de MaÎmûd Šâkir : MawâÔin al-Šu ‘ûb al-islâmiyya, al-SiniÈâl, Al-Maktab al-islâmî, Beyrouth-Damas, 1993.

[37] – Ghallab Mohamed Sa‘îd : Arabes et islam en Afrique, in l’Afrique et la Culture arabo-islamique, Publication de l’ISESCO, 1988, p35.

[38] – Cheikh Anta Diop est connu pour ses thèses sur l’origine nègre de la civilisation égyptienne très critiquée en Europe mais qui ont un succès rarement égalée au XX ème siècle chez les intellectuels africains et dans certaines universités américaines (notamment Atlanta). Voir particulièrement son ouvrage Nations nègres et culture ; de l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui, Ed. Présence Africaine, Paris, 1979, 556 pages.

[39] – DIASSENY Dorank Assifat : L’islamisation de l’Afrique et son impact sur les relations interculturelles arabo-africaines ;  in L’Afrique et la culture arabo-islamique, ISESCO , 1988, p92.

[40]¡abir Šarif k : Rôle de la ville de Fès dans la propagation de la confrérie tijânie en Afrique sub-Saharienne,  in Fès et l’Afrique, Colloque International IEA- FLSH Fès Saïs du 28 au 30 octobre 1993. Il est l’auteur d’une étude sur “le Maghreb dans les relations extérieures du Sénégal 1960-1980″ Paris III et INALCO 1987.

[41]¡abir Šarif K. ; ibid p235. 

[42] – ibid, p236.