Sens et portée des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à Paris

Sens et portée des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à Paris. Interview donnée à xalimasn.com

Source xalimasn.com, Publié le 23 octobre, 2009 à 2 h 00 min

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Xalimasn.com

M. sambe, ce samedi 24 Octobre 2009 se tiendra à Paris la première édition des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à la Grande mosquée de Paris ; qu’est ce qui motive une telle manifestation ?

Je crois que les jeunes Tidianes de Ahibbâ’i Seydi Djamil, qui ont pris cette initiative à laquelle ils ont associé différentes organisations d’adeptes de la Tijaniyya, ont voulu, par cette manifestation, participer à l’œuvre de vulgarisation des enseignements de Cheikh El Hadji Malick Sy et les rendre plus accessibles au grand public en France.

Mais pourquoi le choix de ce personnage religieux précisément ?

Pour ce qu’il représente d’abord pour eux en tant que ses disciples mais je crois aussi pour créer une occasion de revenir sur cet enseignement d’une grande richesse à même de fournir des réponses mobilisables pour mieux faire face à leurs préoccupations d’ordre spirituel ….

En quoi cet enseignement serait il particulièrement pertinent pour cela ?

D’abord parce que Cheikh El Hadji Malick Sy a pu, avec une rare sagesse, traduire les idéaux en réalité et faire de l’aspirant à la réalisation spirituelle un véritable acteur conscient, utile et au cœur de son monde social. D’ailleurs une des conférences durant cette journée animée par Pape Makhtar Kébé sur la Kifâyat Râghibîn, vise à expliciter cela, en parlant d’un « réformateur social » qui s’est appuyé sur la particularité de la Tijaniyya caractérisée par cette intense spiritualité doublée d’une forte implication sociétale tout en visant in fine l’idéal de l’istiqama ou droiture.

Comment ? Pouvez-vous, au-delà des concepts être plus explicite ?

Je dirais, pour faire court, que la méthode Maodo se distingue par le fait d’ériger le savoir en mode d’action et de stimulation spirituelle. Comme l’enjeu majeur de l’époque où il vécut, marqué par une hostilité à l’épanouissement de l’islam était d’illuminer les cœurs et sauvegarder la flamme de cette religion dans son expression la plus vitale possible, Cheikh El Hadji Malick Sy a cherché une voie médiane qui consistait, comme en a témoigné Sukayrij, à « éclairer l’élite comme le commun des mortels en levant le voile sur les connaissances ». C’est, en fait, une démocratisation de l’accès au savoir par toutes les voies possibles. A qui d’autre doit-on, par exemple, la démocratisation du Gamou, évènement, depuis, rentré dans l’ordinaire et célébré un peu partout au Sénégal ?

Vous citez, Sukayrij qui est arabe, je crois, y a-t-il des témoignages de la part de Sénégalais sur cet aspect que vous semblez mettre en avant ?

Ah oui, ils sont nombreux, dans ce sens et, en plus, de la part d’illustres personnages de l’islam de son temps. A côté de celui de Serigne Alioune Guèye et de Serigne Hâdy Touré, Cheikh Thioro Mbacké a considéré, dans un poème, la disparition de Maodo comme une vraie secousse qui venait de toucher l’islam du Sénégal en disant que « c’est un pilier de la religion qui venait de s’effondrer » en cette année 1922 qui l’a vu partir (tahaddama ruknu-d-dîni). Il veut dire qu’avec cette perte c’est un véritable esprit clairvoyant qui venait de faire défaut au monde des oulémas (kamâ khasafal qamâru), tel « l’éclipse couvrant d’ombres la luminosité de la lune ». Et, je crois que c’est loin d’être des témoignages de complaisance. Son œuvre concrète est reconnue hors des frontières du Sénégal. Dans un numéro historique dans les années 90, la revue égyptienne Al-Azhar traitait de l’œuvre Seydi El Hadji Malick Sy en soutenant que, pour une grande part, « grâce à lui a connu son épanouissement dans ce pays Sénégal en créant des écoles, des mosquées, des zâwiya » et, qu’il a aussi formé de « brillants érudits qui se sont éparpillés dans tous les coins du pays telle l’expansion de la lumière dans l’obscurité. »


Mais, comment cela a été fait concrètement, par exemple, en Afrique ? Y a-t-il des exemples pour illustrer ce travail de vulgarisation dont on parle beaucoup ?

Il faut dire que Cheikh El Hadji Malick Sy s’est appuyé sur une stratégie et sur des valeurs sûres : les hommes qu’il a lui-même formés. De son vivant, il a dépêché, des Muqaddams dans toutes les régions où il sentait que l’enjeu de répandre son enseignement était important. N’a-t-il pas envoyé Serigne Alioune Diop Maïmouna à Gaya, Serigne Birahim Diop à Saint-Louis, l’un des fleurons de la colonisation française en Afrique Occidentale. El Hadj Abdou Kane, lui, sera à Kaolack, en plein centre du bassin arachidier sénégalais (centre-ouest du pays). Et, réalisant que ses déplacements, dans l’AOF pourrait réveiller la suspicion du Gouvernement Général et freiner son action, El Hadj Malick Sy préféra, envoyer, après leur formation, ses disciples dans plusieurs pays de la sous-région. Je peux citer El Hadj Amadou Bouya qui le représentera en Côte d’Ivoire, El Hadj Madior Diongue au Congo, Serigne Ndary Mbaye au Gabon, El Hadj Babacar Dieng en Centrafrique et El Hadj Abdou Ndiaye à Bamako, El Hadji Amadou Bouya, je crois en Côte d’Ivoire… A tous ces Muqaddams, il demandera d’aller continuer son oeuvre d’enseignement et d’éducation spirituelle ; effort qu’ils ont consentis volontiers… On retient dans la tradition orale que non loin du Palais du Gouverneur et de la grande Cathédrale, il a pu pacifiquement planter sa Zawiya dans le décor de l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française.


Pour revenir à l’évènement de ce samedi 24 octobre, c’est donc, une journée d’hommage pour relater tous ces faits ?

Certes, mais j’en ai une autre lecture. C’est plutôt, une occasion de revisiter sa pensée qui est d’une actualité indiscutable au moment où le soufisme semble plus que bien d’autres voies au sein de l’islam détenir des réponses adéquates à des questions contemporaines et essentielles. C’est à cela que fait penser le thème de la conférence qu’y donnera aussi Cheikh Ahmed Ndiéguène invitant à retrouver dans la pensée de Cheikh El Hadji Malick Sy « un viatique pour affronter les défis du nouveau millénaire. » Je crois qu’il s’agit plutôt d’une démarche de vulgarisation d’une pensée que de toute approche apologétique contraire même à la philosophie de vie de Cheikh El Hadji Malick fondée sur la modestie et l’humilité.

Puisque vous parlez beaucoup de pensée, pouvez-vous très brièvement, avant de se quitter, nous livrer les grandes lignes qui en feraient la pertinence aujourd’hui ?

On pourrait avancer que, généralement, la pensée de Seydi El Hadji Malick Sy est dominée par l’ouverture qu’il a toujours prônée ainsi que la tolérance exemplaire sans compromission qui marque son discours. Dans un vrai sens de la mesure, il est arrivé à un équilibre ou tolérance n’a jamais rimé avec laxisme et où l’ouverture n’a point empêché son enracinement dans la Sunna et la Tariqa Tijaniyya. Pour exprimer cela, on ne trouvera meilleure formule que celle du doyen El Hadji Rawane Mbaye qui désigne Maodo comme ce « pôle d’attraction Sharî‘a et Haqîqa ». En définitive, un art de la juste conciliation dans un champ de réflexion où, quelques fois, l’esprit de confrontation arrive, malheureusement, à avoir raison de celui de l’échange et donc de l’enrichissement mutuel.

, Réalisé par Adama Diouf

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Lire l’intégralité ici Sens et portée des Journées Seydi El Hadji Malick Sy à Paris. Entretien avec Dr. Bakary SAMBE

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