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Archive pour décembre 2009

OPERATION INOND’ACTION AU SENEGAL: Serigne Mansour Sy Djamil lance une initiative en faveur des sinistrés

Dimanche 27 décembre 2009

OPERATION INOND’ACTION AU SENEGAL:

Serigne Mansour Sy Djamil lance une initiative en faveur des sinistrés

Présentation du programme Inond’action et de ses Objectifs : 

A l’instar des années passées, les inondations ont encore touché, en cet hivernage 2009, les quartiers de la banlieue de Dakar et d’autres régions du Sénégal, plongeant des milliers de familles dans la détresse. Cette situation a entraîné le déplacement massif des populations, qui trouvent refuge dans des camps de fortune (école, camp militaire). Certaines familles sont dans l’obligation de mettre leur progéniture à l’abri en les confiant à des amis ou parents vivants dans des zones épargnées. Ces enfants victimes des inondations subissent une angoisse permanente  nuisible à leur équilibre. C’est pourquoi la solidarité est une exigence morale. Les citoyens ont le devoir d’agir individuellement et collectivement, chacun selon ses moyens, compétences, talents et ses possibilités pour alléger la souffrance des démunis. La compassion des hommes envers leurs frères sans distinction de race, d’origine de religion, est une condition nécessaire pour la construction d’une société plus juste et plus humaine. Les enfants constituent le segment le plus vulnérable de la population. C’est pourquoi, l’opération Inond’action a été lancée par les organisations suivantes : La Rencontre des Jeunes Internautes pour la Solidarité, la DAHIRA des Etudiants Seydi Djamil rattachée à la HADARA de Serigne Moustapha Sy Djamil de FASS et de France,  le Collectif de Concertation pour le Développement et le Mouvement des Eclaireurs du Sénégal. Des Idées aux Actes : En 2009, l’action de l’Opération a essentiellement porté sur l’organisation de deux camps de vacances (au CIFOP de MBORO et au Collège Africain Sport Etudes). Ces camps de vacances ont accueilli 500 enfants qui ont pu bénéficier d’un programme pédagogique axé sur la santé et le service communautaire, la citoyenneté, le NTIC, l’éducation environnementale… 

Faire un don : Pour offrir votre soutien à l’opération INONDACTION, vous pouvez : -          Faire un don de 10 euros par an -          Dons matériels : Vêtements ou fournitures scolaires en bon état 

Contact en France Ousmane NIANG : ousmane209@hotmail.com  Ahmeth SARR : metzo_79@yahoo.fr Daouda SECK : daouda15@hotmail.com www.inondaction.com (version beta et amélioration du site prévue prochainement)  NB : Pour toute information, merci de nous contacter par mail 

La Tijaniyya mal interprétée par Jilali Al Adnani (dans son ouvrage « la Tijaniyya et ses origines au Maghreb »)

Dimanche 27 décembre 2009

La Tijaniyya  mal interprétée par  Jilali  Al Adnani 

(dans son ouvrage « la Tijaniyya et ses origines au Maghreb »)

Par Pr. Abdelaziz Benabdallah 

La vérité, sciemment recherchée, est d’autant plus crédible que les références, dont elle émane, sont diversifiées et concordantes. Toute idée fixe, tendant dès le départ,  à se conforter et se corroborer, coûte que coûte, risque déviation et aberrance.

Quand il s’agit d une étude à base de sondage et de confrontation, sur un plan aussi versatile que le soufisme, le risque est sûr, surtout si le chercheur, plus ou moins profane, affronte des cas qui prêtent à confusion.

Jilali El Al Adnani, vient de publier un ouvrage sur « 
la Tijaniyya et ses origines au Maghreb ». Tout en paraissant de bonne foi a priori, dans son cheminement, ses interprétations hâtives semblent, pour le moins, surprenantes.

Le lecteur se sent, alors, perplexe, quant il constate que le promoteur de cette étude, va très loin, en voyant, même dans « le retour du Cheikh Ahmed Tijani (fondateur de
la Tarîqa portant son nom), aux origines de l’Islam », « une stratégie », pour confondre, à la fois, ses sympathisants et ses adversaires.

On a l’impression, en l’occurrence, d’être vis-à-vis d’un tissu de contradictions, motivées par un  désir flagrant de mettre en corrélation ce qu’il appelle « les colorations doctrinaires et la position politique », d’une part, et « la propagande française, précédant la conquête militaire », d’autre part.

De là à prétendre et à laisser penser à une entente préalable avec le colonisateur, il n’y a qu’un pas vite franchi ; Néanmoins, Jilali se sent, parfois gêné, «  par les points qui restent obscurs et les images stéréotypées », qui brouillent toute analyse. Il croit pouvoir résoudre ce problème de tiraillement entre les sources, en se référant aux « archives du fonds du gouvernement général de l Algérie ».

Il essaie, d’abord, de détecter les sources arabes pour « dégager les versions différentes de la fondation et de l évolution de Tijaniyya ainsi que ses principes doctrinaux ».

Jilali cite les sources qu’il qualifie d’anciennes , telles que « Jawaheer el Maani » de Sidi Harazim Berrada (mort en 1803) , « El Jamiî » d’Ibn el Mechri (mort en 1809) , « Al Ifadha el Ahmadia » de Sidi Taïeb as-Sûfiani (mort en 1843-4) ; ce dernier  ouvrage est un code de (hikam) recueillies par son auteur auprès de son maître Sidi Ahmed Tijani , code qu’il sema d’impressions personnelles , que Si Sûfiani aurait capté de certains comportements du Cheikh, ou d’un certain intermédiaire.  Des khalifes du Cheikh, strictement attachés aux propos réels  de Sidi ahmed Tijani, tels que Sidi Larbi ben Sayeh, Sidi Akensûs, et l’égyptien Sidi Mohammed el Hafidh,  n’en retiennent que les dires réels du Cheikh.

Jilali  revient ensuite , à des « écrits (dits) tardifs » qui sont , dit-il « le cadre d’une politique concernant la doctrine de la confrérie et qui essaient d’éclairer les premiers » ; ceux–ci sont constitués , souligne-t-il – par un courant où figurent Akensûs (mort en 1877) , Al Arbi Ibn Sayeh (mort en 1892) et Skirej (mort en 1944) , « suivis par un autre courant qui rejettera en bloc certaines idées consignées dans les premiers écrits tijanis » ; « ce dernier courant serait selon Jilali , représenté par des tijanis égyptiens ». Il entend par cette allusion l’éminent Alem Mohammed el Hafidh, moqaddem de
la Zaouiya du Caire, mort, il y a moins de deux décennies.

Or, les écrits de ces personnages éminents de
la Tarîqa Tijaniyya, ne font que réitérer, de bout en bout, dans leurs différents ouvrages, les éloges et les qualités sublimes de Cheikh Sidi Ahmed Tijani. Il est vrai que Jilali n’a pas manqué, de critiquer  un des adversaires du Cheikh, entre autres, le hagiographe Abou al-Qassim az-Zayani (mort en 1830) « dont le témoignage ne peut en aucun cas , être recevable ; car , pour faire connaître les fondements et les écrits de
la Tijaniyya , il n’a fait que coller des étiquettes à cette confrérie » ; de même, reprend-il – « Akensûs , pourtant Tijani , n’a pas mentionné
la Tijaniyya, dans son ouvrage « al Jaïch al Aramram » et n’a rendu aucun hommage à Ahmed Tijani ». Il justifie ce silence, en précisant que cette discrétion peut s’expliquer par une contrainte politico-religieuse, car l’ouvrage est rédigé sur ordre du sultan Moulay Mohammed IV (mort en 1873), proche de
la Nassiriya et de
la Qadiriya.

Mais, l’auteur omet de citer les autres ouvrages d’Akensûs et des autres Tijanis, où ils se placent en fidèles disciples et défenseurs du Cheikh et de
la Tarîqa. La même omission est relevée,  quand il  présente Sidi Mohammed el Ghâli (mort en 1839), un des premiers disciples du Cheikh, comme adversaire de
la Tijaniyya ; il ne parle guère de son disciple Omar el Fouty, qui ne manque pas de citer, à plusieurs reprises dans son ouvrage, « Er-Rimah », Sidi El-Ghâli comme fervent khalife, qui ne cesse de proclamer son attachement indélébile au Cheikh Tijani.

Quant au moqaddem égyptien, ses divers écrits sont des témoignages probants de son attachement indéfectible à
la Tarîqa et à son promoteur.

A défaut de sources arabes crédibles, comme il le prétend, Jilali se réfère aux sources coloniales françaises, notamment « les rapports semestriels issus des Bureaux Arabes, et aux archives du Gouverneur Général d’Algérie, ainsi qu’aux autres archives inédites.

Il fait parler (p.9) des documents du Centre des Archives d’outre-mer à Aix-en-Provence.

Pour lui donc, « les sources coloniales restent la source fondamentale sur l’histoire de
la Tijaniyya » (p.21).

Viennent ensuite, les premiers écrits français consacrés à
la Tijaniyya ; il cite entre autres l’ouvrage de E. De Neveu, sur les (Khouans – 2ème édition 1846, Paris Imp. A. Guyot), « qui a pris appui I. Rinn, dans son ouvrage « Marabouts et Khouans », dont les sources orales, sont les seules références, en sus des rapports coloniaux.

Le caractère colonial est ainsi, bien marqué, dans ces deux ouvrages et autres, comme ceux de Ch. Brosselard et Depont, « rédigés sur l’injonction de J. Cambon, représentant du ministre français de l’Intérieur », pour mener une conquête morale, la conquête militaire et économique, ayant été faite ».

Rinn était le conseiller de Cambon et chef du Service Central des Affaires Indigènes en 1880.  « Son autre ouvrage publié en 1884,  coïncida avec une politique musulmane française, orientée vers la conquête de l’Afrique de l’Ouest ; et Jilali d’ajouter, parlant de Rinn, qui « fut sans doute, le théoricien de l’idée d’une Tijaniyya nationale ou le noyau d’une véritable église algérienne ».

Cet amalgame, qui tend à créer une histoire dirigée par l’armée, est pourtant, semé d’incorrections que Rinn  essaie de rectifier, dans l’édition  de 1884, devenant alors, flagrantes.

D’ailleurs, Depont et Coppolani « exécutèrent sur l’ordre de Rinn, l’enquête qui aboutit à l’ouvrage « les Confréries Religieuse Musulmanes ». De Neveu fut le premier à émettre l’idée que
la Rahmania était « un ordre national »(les Khouans p.120), idée qui allait être développée par Rinn et ses deux collègues, pour
la Tijaniyya.

Jilali crut devoir ajouter que cette idée tend à éliminer toute originalité Tijanie, en dehors de l’Algérie ;  « De Neveu est présenté alors, comme le seul à s’approprier la version des Tijanis Algériens, concernant le séjour d’Ahmed à Fès » (p.22).

La Rahmaniya  est une branche algérienne de la confrérie Khalwatiya, dont le fondateur est Abd-ar-Rahman Al Azhari (1208h – 1793). Or, pour marquer la corrélation entre les deux, les historiographes coloniaux, comme G. Draque (connu sous le nom de colonel Spellemen, auteur d’un ouvrage « Esquisse d’histoire religieuse du Maroc »), rattachent 
la Tijaniyya à
la Khalwatiya.

D’autres historiographes français, sont moins tendancieux, comme P.J. André, qui précise, dans son ouvrage (l’Islam Noir – 1924 p.59) que « 
la Tijaniyya est née de l’effort personnel d’Ahmed » (p.25). De là, ce tiraillement actuel qui perdure, en conflit, entre les deux frères, l’Algérie et le Royaume du Maroc.

Dans d’autres chapitres de son ouvrage, Jilali soulève d’autres problèmes, pour conforter la thèse coloniale, en semant le doute sur tout ce qui  a été élaboré dans les sources tijanies. Il croit devoir remettre en question des propos émis par le voyageur Al-Ayyachi dans sa Rihla, concernant l’enracinement du savoir dans la famille des Tijanis à Aïn Mâdi. « Nos investigations, suggère-t-il, ont démenti cette affirmation (p.46). En relatant la suprématie des juristes, dans cette localité, il nia tout charisme aux ancêtres de Sidi Ahmed Tijani. Poursuivant ses diffamations effrénées, Jilali essaie de corroborer, coûte que coûte, certains actes incontrôlables, indignes des Tijanis d’Aïn Mâdi. Il cite, entre autres, une soi-disant lettre adressée au gouverneur Général d’Algérie, par celui qu’il appelle Ahmed II (c’est-à dire Sidi Ahmed Ammar, petit fils de Sidi Ahmed).

Se référant toujours à des sources coloniales, pour étayer se calomnies, il se fie aux allégations du Chef de Bureau de Tiaret, qui prétend que le Cheikh Sidi Ahmed « ne se livrait pas à la méditation et à la prière » mais «  se donnait, plutôt à l’alchimie »  «pour fabriquer la fausse monnaie. »

Jilali ose rapporter  les propos d’un autre écrivain colonial, A. Voisin auteur (de
la Zawiyya  Tijaniyya de Guemar), qui parle d’un voyage imaginaire du Cheikh Tijani au Yemen et en Turquie. « Il serait intéressant , dit-il encore –  de savoir si l’installation d’Ahmed à Fès , a été motivée par l’importance  qu’occupe cette ville dans l’itinéraire d’Ibn Arabi, ville où celui-ci rencontra en (595h – 1198) le Sceau des Saints , dont il omit le nom ( al Foutouhât el Makkiyya, T.I p.60).

Cette citation tend à nier toute ouverture spirituelle du Cheikh, qui a été, pourtant, confirmée, dans ses détails, par des écrivains non-tijanis, dont le grand historiographe Mohammed el Kettani,  dans « sa Salwat el Anfâs T. I p. 377). Selon Jilali (p.77), « Ahmed qui tire son nom d’une alliance matrimoniale berbère, se réclame d’une ascendance chérifienne. »  La même  accusation est portée à l’encontre du Cheikh el Kamil, Sidi Mhammed Ben Aïssa, chef des Aïssawa, d’Al-Jazouli, symbole de la confrérie Chadhiliyya- Jazouliyya, au XVème S. et du fondateur de
la Rahmaniyya.

« Le charisme d’Ahmed Tijani n’est pas basé dit-il encore sur sa généalogie réelle ou imaginaire ». En parlant de la chaine du charaf du Cheikh Sidi Ahmed Tijani , Jilali le cite en se référant, à un de mes articles, paru,  sous le titre (al fikr as-soufiî wa al-intihaliyya bil Maghrib – الفكر الصوفي والانتحالية بالمغرب) dans la revue ( مجلة البينة رقم 4 الرباط 1962 ص. 45) , « Abdelaziz Benabdallah dit-il , sans citer ses sources, parle d’une origine marocaine et précise que le 4ème grand-père d’Ahmed I avait quitté Marrakech, pour aller s’installer à Aïn Mâdi » ( p.78). En effet parmi les sources très connues on trouve que Sidi Ahmed Skirej rapporte dans son ouvrage ( رفع النقاب م.3 ص.64 طبعة 1971) , sur l’événement tel qu’il a été décrit par Sidi Mohammed Belqacem Basri, disciple du Cheikh (mort en 1293), selon  un manuscrit personnel de ce Cheikh , cité par son petit fils qui porte le même  nom (M.B.Basri) ; Il parle effectivement du 4ème grand père et de la ville de Marrakech d’où il émigra à Bilâd al Jarîd,  pour s’installer à Aïn Mâdi, et épouser une jeune fille de la tribu Tijanie , de là l’alliance avec la grande famille Tijanie. 

Pour Jilali, « la vision du Prophète était devenue un recours pour rectifier le charaf, dont même le Sultan Moulay Slyman avait fait usage » (p.79). Pourtant, le charaf de la dynastie Alaouite n’a pas besoin d’être étayé, car les documents qui le démontrent ne se comptent guère.

Pour une approche critique du concept d’ »islam noir »

Lundi 7 décembre 2009

Par Bakary SAMBE

D’un islam « spécifique » à un islam « paria ».

Les années trente ont inauguré, au Sénégal et dans les colonies d’Afrique occidentale française, l’ère d’un colonialisme aux forts relents d’humanisme. Malgré l’arrivée du Front Populaire au pouvoir, en France, l’idée coloniale faisait presque encore l’unanimité. Simplement, il fallait lui trouver des fondements humanistes qui la rendrait plus « acceptable ». Dans ce contexte, la stratégie assimilationniste fit un peu de place à celle de la connaissance et de la compréhension du colonisé et même, quelques fois, à la reconnaissance des cultures, voire au culte des particularismes locaux.

Dans cette atmosphère sociopolitique, une meilleure connaissance de l’islam en général, devint alors une priorité et pas seulement en Afrique noire. Toute une politique est alors mise en œuvre afin de favoriser des études sur cette religion. Mais on voulut, délibérément, pour le cas de l’Afrique noire, définir une « politique musulmane » spécifique, différente de celle ayant cours dans d’autres colonies, notamment celles du Maghreb voisin.

L’enjeu était de différencier l’islam africain ou « noir  » de celui du Maghreb ou du monde arabe. Signalons, toutefois, que cette volonté de distinction abusive n’a jamais accueilli l’enthousiasme de tous[1]. Si elle a donné un cadre conceptuel à des études pionnières sur l’islam sénégalais, elle n’a pas manqué d’irriter certains cercles religieux, notamment réformistes à l’époque dont les arguments sont aujourd’hui repris par une nouvelle génération penchant plutôt pour une simple expression locale d’un islam « universel ».

Ceux qui s’étaient insurgé contre l’appellation d’« islam noir » y voyaient, donc, une manière de sous-estimer cette forme de religiosité à laquelle fut assigné, de fait, un statut intermédiaire entre l’animisme africain et le monothéisme islamique qui ne pouvaient, selon les milieux coloniaux et certains nationalistes africains, s’accommoder de l’ontologie négro-africaine.

Derrière cette notion largement relayée à l’époque, il y avait une conception paternaliste, voire, quelques fois, raciste, des musulmans africains assimilés à une frange inférieure, à la limite du folklorique[2], par rapport à l’islam « authentique ».

Au-delà de ce fait, c’est, surtout, l’orientation pragmatique des études sur l’islam au Sénégal qui retient l’attention. Il n’était pas étudié simplement pour être connu mais surtout pour être surveillé et contenu. C’est cette orientation qui a fini par déterminer les fondements théoriques sur ce champ qui en souffre encore. Malheureusement les générations de chercheurs africains lourdement influencés par l’école de française de l’africanisme ont perpétué cette thèse qui ne résiste plus à l’épreuve d’une critique simplement historique.

Il faut dire, aussi, que leur marge de manœuvre était des plus réduites si l’on sait les particularités de certains centres de recherche.

Avec cette posture dommageable pour une meilleure connaissance de l’islam en Afrique, on avait toujours du mal à distinguer, dans ces études, le chercheur aux intentions scientifiques du « commis colonial » en quête de renseignements sur une question au centre des préoccupations de la Direction des Affaires musulmanes et des Affaires politiques. Le Front Populaire avait innové dans ce sens en créant, en 1936, le Centre de Hautes Etudes d’Administration Musulmane (CHEAM)[3].

L’objectif en était de « parfaire la formation technique, des administrateurs français, civils et militaires, des officiers, des magistrats, professeurs, économistes qui exercent leurs fonctions à l’étranger surtout dans les pays d’influence musulmane »[4].

Mais, en réalité, la véritable mission politique du CHEAM fut précisée dans une lettre de Marius Moutet, alors ministre des Colonies, adressée au Gouverneur Général de l’Afrique occidentale française, Marcel de Coppet.

Le Ministre des Colonies affirmait : « notre grande colonie africaine ne pourra pas entièrement être tenue à l’écart de l’évolution qui se poursuit dans le monde de l’islam et il est plus que jamais nécessaire que nos administrateurs puissent, par leur formation, aussi bien dans les cercles qu’auprès de votre Gouvernement général, se renseigner, quotidiennement, sur les tendances nouvelles, l’origine des propagandes pernicieuses, et déceler, avant qu’ils ne se manifestent ouvertement, des mouvements de nature à contrarier l’action de notre administration  »[5]. C’était là des consignes pour parer à la « contagion » des colonies africaines par le nationalisme et l’anticolonialisme montants dans le Maghreb d’alors et les autres pays musulmans.

Malgré l’échec de cette « politique musulmane », l’étude de l’islam en Afrique s’est enrichie par des recherches conséquentes cependant dispersées et sans continuité. Car, en effet, les aléas politiques de l’avant-guerre n’ont pas permis la stabilisation du personnel en charge de telles études. Finalement, on s’est rabattu sur une politique qui, bien que favorisant la recherche sur cet islam, s’est contentée de mettre sa connaissance au service des objectifs coloniaux.

Il fallait, donc, théoriser cet islam et le promouvoir sous sa forme la plus « spécifique » à tout prix. Ainsi, vit le jour la théorie de l’« islam noir ». Cet islam fut conçu de la manière la plus schématique, comme une forme de « religion originale » qui, par le caractère « enfantin » et « superstitieux » du Noir, se serait éloignée de l’« ’islam originel », lui, pratiqué par les seuls Arabes. Au regard de ses tendances, « animistes » à certains égards, on le qualifia alors de « vagabondage islamique ». De cette spécificité largement cultivée et entretenue on tirera même la conclusion selon laquelle, l’islam africain serait inférieur.

Cependant, le fait le plus regrettable n’est pas la vision caricaturale née de toutes ces considérations, fruits d’un contexte socio-historique déterminé : c’est surtout sa marginalisation universitaire en Europe mais surtout dans le monde arabe.

On ne peut que déplorer le peu de place qui est faite à l’islam en Afrique et à ses différentes expressions dans les études islamologiques. Cette non prise en charge scientifique est liée à un sentiment selon lequel cet islam serait périphérique par rapport à l’ensemble du monde musulman qui n’a pas cessé, par l’actualité et l’histoire, de focaliser leur attention.

Christian Coulon a essayé de trouver une explication à ce fait qui n’a jamais obéi à des critères objectifs. Selon lui, « l’islamologie académique a épargné l’Afrique noire, sans doute, parce que les musulmans vivant au sud du Sahara paraissaient être loin du cœur de l’islam, de la civilisation islamique, référence obligée de toute littérature savante »[6].

C’est dans cette croyance en un islam africain isolé du reste du monde musulman qu’il faut chercher l’origine de tels préjugés défavorables. Mais il faut toujours qu’une telle opinion n’a jamais recoupé la réalité historique. Faudrait-il encore que des recherches sérieuses libérées des préjugés comme du culturalisme viennent réinvestir ce domaine qui n’a que trop souffert d’une marginalisation injustifiée.