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Archive pour février 2010

S’abreuver à la source du Prophète : Ou la « Nûniya » de Cheikh El Hadji Malick Sy (Par Dr. Bakary SAMBE)

Dimanche 21 février 2010

S’abreuver à la source du Prophète : Ou la « Nûniya » de Cheikh El Hadji Malick Sy
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Par Bakary SAMBE

Aux assoiffés de Sîra, hagiographie du Prophète de l’Islam, Cheikh El Hadji Malick servit le Rayy Zam’ân, qacîda communément appelée Nûniya. L’inimitable auteur du Khilâçu Zahab n’a pas à convaincre de sa culture historique, tellement la Mîmiya a eu ce don de replonger aussi bien le récitant que l’entendant dans ces rares ambiances où le Sceau des prophètes est magnifié sans perdre de vue l’impossibilité d’en faire le tour. Mais la volonté de Cheikh El Hadji Malick de le décrire sous ses aspects les plus significatifs, notamment, dans son éthique ne fait l’ombre d’un doute.

Cheikh El Hadji Malick Sy visait à nous présenter son modèle et source d’inspiration dans la plus grande modestie. Mais son style, sa précision, son art poétique que cette modestie n’a pu dissimuler ont émerveillé ses contemporains tout en gravant sur cette œuvre, les marques de sa pérennité. Khilâçu Zahab sera tellement singulier que sa beauté en arriverait à masquer la pluralité de l’œuvre du Maître Maodo dans cet art du Madîh ou panégyrique.

Pourtant, par 120 vers (Yakfî), Maodo a composé une ode unique en l’honneur du Prophète de l’Islam. Chantée, récitée, psalmodiée, préservée de l’oubli dans les cœurs de ceux qui ne peuvent se contenter de la lire, la Nûniya était né éternel. Elle est cet hymne à la joie et au bonheur d’appartenir à la communauté muhammadienne. N’est-ce pas pour cela que le premier hémistiche de son plus célèbre vers n’est composé que d’un seul terme : Surûr !

Cheikh El Hadji Malick construit ce poème, comme à son habitude, en respectant les composantes de la qaçîda classique à commencer par le Ghazal : le même dont fit usage un certain Al-Bûsayrî, l’auteur de la Burda (Bourde), et, avant lui Ka‘b Ibn Zuhayr. Chez Maodo, ce procédé, n’est qu’un voyage poétique et spirituel décrivant l’inanité des jouissances terrestres dont la plus splendide rose est appelée à se faner tout en faisant courir le risque de s’enliser dans les épines de la tentation destructrice, loin de l’Amour du divin que savait si bien magnifier Jalâl Dîn Rûmî.
Seule une lecture réductrice et littéraliste, sans goût pour l’esprit et l’essence des choses, serait tentée d’y déceler une mondanité aux antipodes des vertus de Maodo. Dans la Nûniyya de Cheikh El Hadji Malick Sy, le Ghazal est ponctué d’un rappel à l’ordre et d’un penchant immodéré pour le Zuhd, la renonciation à l’Ici-bas.

Dans le style de Maodo, l’allégorie se met se met constamment au service du bien dit et de la poétique pour ne perdre aucune occasion de redevenir le fin pédagogue qu’il n’a jamais cessé d’être.
En effet, dès les premiers vers de Rayy Zam’ân (ou Nûniyya), Cheikh El Hadji Malick donne le signal et nous met en garde contre, la mondanité, cette menteuse qui veut nous berner de contre-valeurs (wa mâ Kazaba zamânu an Atânâ…etc). Et Maodo de décrire la fin inéluctablement tragique de toutes ces vanités dont les âmes charnelles semblent être si friandes (Wakâna Dahru yarmînâ Sihâman./ Fa afnâ Zâka ‘âdatuhû Qurûnî). Dans ce tableau que dresse Cheikh El Hadji Malick de cette vie d’ici-bas sans grande valeur, l’errance des âmes piégées par les ombres de beauté n’a d’égale que le désarroi accompagnant la conscience de s’être trahie dans la surévaluation des fioritures ornant notre vie (Zukhruf al-hayât Dunya).

Usant de la métaphore d’une étrange bien aimée qui ne cherche que la perte de l’amant usurpé, Maodo veut nous enseigner que seule vaut d’être vécue la vie guidée par l’amour du Prophète par déférence à son inégalable statut. Dans le style que Cheikh El Hadji Malick déploie tout au long de cette Qacîda, le Prophète Muhammad (PSL) est cet irremplaçable refuge après l’errance, le réconfort des damnés, des déçus de l’Ici-bas, l’espérance des désespérés, en somme, la seule source abreuvant les assoiffés du Vrai Amour (Matâ mâ dâna bahruki min kudûrin, fa çâfin salsalun bahrul Amîni).

C’est au bout de cet itinéraire menant à la source intarissable de l’Amour prophétique que Cheikh El Hadji Malick entreprend la description de celui qu’il a choisi comme modèle : le Prophète de l’Islam (Nabiyyun), ce génie politique (‘abqariyyun) doublé d’un guide spirituel, élu de Dieu (çafiyyu-l-lâhi).
Dans la Nûniyya, Maodo peint les traits physiques du Prophète qui, en définitive, ne reflète que sa beauté intérieure de gentilhomme au-dessus de les tous les comparatifs (çabîhul wajhi zû Khulqin bayunî).

En grand lettré et mystique, Cheikh El Hadji Malick Sy s’en limite aux métaphores et aux symboles pour donner corps à sa description panégyrique. Pour Maodo, le Prophète est la clé (miftâh), le phare qui nous éclaire (miçbâhun munîrun), avec la générosité (jawâdun) dont seul dispose l’Elu qu’il est (Muçtapha). Il est aussi celui qui, en privilégié confident (munâjâ) eut la satisfaction du Seigneur (Murtadâ) tout en restant le guide, ce mage annonçant la bonne nouvelle (Hâdin, Bashîrun).
Cheikh El Hadji Malick insiste sur cette guidance éclairée, réceptacle de la Lumière dont les plus infimes rayons nous engloutissent de luminosité (Sirâjun min ashi’atihi-stanarnâ…etc).

Mais le réalisme de la description fit vite place à l’abstraction lorsque Cheikh El Hadji Malick voulut, dans son oeuvre, en revenir à l’essence des choses. S’il fut cette créature élue du Créateur, c’est que le Prophète Muhammad (PSL) avait accédé à son statut depuis le « monde des âmes » (‘Alam al-arwâh). C’est surtout dans Wasîlatul Munâ (Tayssir) que Cheikh El Hadji Malick Sy exprime mieux cela en décrivant le Prophète comme la Réalité de l’Existence en même temps que le reflet de l’Etre ( Haqîqatul Kawni ‘aynu-zâti tal’atuhâ !), cette effluve émanant de Dieu en en symbolisant la Lumière (Ifâdatu-l-lâhi nûru-l-lâhi yallâhu).

Dans la Nûniyya, non moins dans Khilâçu Zahab plus tard, tous les signes annonciateurs de la naissance du Prophète sont énumérés par Maodo, mêlant précision et souci d’agencement harmonieux de ces miracles qui façonnent, sur le plan, exotérique, le statut du meilleur des créatures.
La joie accueillant un tel évènement qui changera le cours de l’Histoire ne peut être contenue par aucune mesure du temps, tellement elle est incommensurable. Cheikh El Hadji Malick assimile, alors, cet instant d’une éternelle joie à l’année qui englobe les mois dans lesquels point le jour de la plus grande béatitude ; celui qui vit naître le Prophète : « Wa âmun Thumma Shahrun Thumma Yawmun/ Atâ fîhil hudâ Qarnul Qurûnî).

La célébration du Mawlud, telle que l’exprime Cheikh El Hadji Malick Sy, dans la Nûniyya, est la clé de la satisfaction des besoins d’ici-bas mais aussi la réalisation du vœu de gagner la félicité (Wa fit-ta’zîmi injâhu shujûni).

En effet, c’est par celui dont la venue au monde le bouleversa que fut aussi réalisé la délivrance de tous ceux qui ont eu à invoquer Dieu dans des situations de détresse : les prophètes, depuis le pardon à Adam à Moïse en passant par Abraham sauvé des flammes comme Noé du déluge. En vérité, comme le dit Cheikh El Hadji Malick, c’est par le Prophète que nous avons tout obtenu, tout gagné, des gratitudes les plus diverses à la béatitude la plus singulière (Da’il itbâba qul kullul barâyâ , Unîlû mâ unîlû bil-mubînî).

Quoi de plus naturel sachant que le Prophète Muhammad fut à l’origine même de notre existence et de celui de l’Univers ; ce que cheikh El Hadji Malick exprime par le terme d’al-îjâd.
Son élévation au sommet de la prophétie est décrite à l’image de son ascension (Mi’râj) et des miracles qui l’ont accompagnée. Seydinâ Muhammad, nous dit Maodo, était lumière avant même notre existence (Nabiyyun kâna qabla-l-kawni nûran) qui éclaira l’Arabie du VIIème siècle assombri par l’injustice et gratifia le monde de cette guidance qu’est l’Islam « Atâ wal-Kufru fî Jawrin wa Zulmin, fa qâda-l-kulla ‘an dînin wa dînî ».

Pour Cheikh El Hadji Malick Sy, le Prophète Muhammad est notre intercesseur (wasîlatunâ) qui lança cet appel à la Miséricorde ; c’est, en fait, par et grâce à lui que nous fîmes appelés à devenir les meilleurs de l’Humanité « Wabi-l-hâdî du’înâ khayra Qawmin..).

De toutes les vertus attribuées à un humain, le Prophète Muhammad ne peut se contenter que du superlatif absolu. C’est bien pour cela, aussi, que dans la Nûniyya, Cheikh El Hadji Malick Sy préfère les substantifs aux qualificatifs tellement le prophète Muhammad est l’incarnation de la pureté (çafwatu) de la bonté (barru) de la droiture (Hudâ). Finalement, au-delà des vertus qu’il incarne, Maodo nous apprend que le Prophète Muhammad a posé un système de vertus, une voie menant à la félicité. C’est cela même le secret de l’avance qu’a prise sa communauté, celle du bien et de la vertu : « Sabaqnâ man siwânâ ayya sabqin », nous dit Cheikh El Hadji Malick Sy.

Poursuivant cette description en se conformant aussi bien aux exigences de la vérité histoirique qu’à celles de la prosodie, Seydi Hadji Malick nous a dressé un portrait admiratif du seul modèle qu’il s’est toujours autorisé.

Voila que Maodo, fidèle à la tradition soufie du Tawassul, fait de la poésie un sacré moyen pour accéder à une fin non négligeable : la félicité. Cette manière d’user de toutes les possibilités du langage, raffiné par les meilleurs procédés poétiques, fait de la Nûniyya de Seydi El Hadji Malick Sy, un véritable joyau sur deux plans. C’est une poésie qui en dit long sur la maîtrise incontestée de l’arabe et de sa magie avec des nuances lexicales disqualifiant le novice sans jamais tomber dans le barbarisme (wahshiyat al-Kalâm).

La Nûniyya est aussi de ces odes (Qaçâ’id) qui déclenchent l’envie de plonger encore plus dans les réalités Muhammadiennes. Le rythme, la cadence et la mesure des propos ajoutés à la magie de la poétique suffisent pour dépasser l’obstacle de la langue dont il s’est toujours servi tel un orfèvre pour sortir des flammes de l’amour de Seydinâ Muhammad les meilleurs ouvrages.

Malgré toute sa modestie, Cheikh El Hadji Malick Sy, n’avertira t-il pas l’aventurier sur les itinéraires prophétiques, affrontant la profondeur de cet océan de bonté et de vertu qu’il détenait déjà les meilleurs perles de toutes les nacres ? : « Yâ Ghâ’ithal bahri lil-açdâfi ‘indiya açdâfun bi hâ durratun a’lâ min al-Jalamî » (cf. Khilâçu Zahab)
Si ce parcours du Prophète Muhammad, ces réalités et ses enseignements prophétiques sont d’or, Cheikh El Hadji Malick Sy est celui qui l’aura décanté dans le plus grand art mais aussi la plus profonde connaissance.

Dr. Bakary SAMBE
Aga Khan University –Institute for the Study of Muslim Civilisations – London (United Kingdom) – bakary.sambe@gmail.com

Par Bakary SAMBE

Seydi Khalifa Ababacar SY (RTA) (1885 – 1957) Digne continuateur de Maodo, viatique pour la jeunesse

Vendredi 12 février 2010

Seydi Khalifa Ababacar SY (RTA) (1885 – 1957)
Digne continuateur de Maodo, viatique pour la jeunesse
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Par Bakary SAMBE

(Source: Asfiyahi.org)
L’homme a tellement incarné le califat dans toute sa splendeur mais aussi la responsabilité et la charge symbolique qui le caractérise qu’il est permis de taire son nom en l’appelant par son titre Cheikh al-Khalifa ! Lorsqu’un titre finit, ainsi, par absorber un nom, c’est qu’il y a une parfaite incarnation du rôle et du statut

l’âge de 37 ans, en cette année 1922 qui vit disparaître Cheikh El Hadji Malick Sy considéré en son temps par Serigne Thioro Mbacké comme « le pilier » de cette bâtisse qu’est l’Islam au Sénégal, Serigne Babacar Sy devait succéder à un homme dont il était, en même temps, la suite logique. Nourrie de cette culture du raffinement et de la délicatesse en grand Saint-louisien de naissance, Serigne Babacar Sy était cet homme de la situation, ouvert d’esprit et sur son monde, mais ferme dans ses principes et la défense de la Tijâniyya. Le vide n’était, donc, ni permis ni possible après le travail d’enseignement et de formation de valeurs sûres au service de l’Islam que Maodo paracheva dans l’étape Tivaouanoise de sa vie de 1902 à 1922.

Entre sa naissance en 1885 à sa disparition le 25 mars 1957, l’homme, lui-même, se dit n’avoir jamais s’être contredit ou trahir le sacerdoce. Cela ne suffirait-il pas comme leçon de vie et viatique pour toute quête de valeurs hors du communs ?
C’est peut-être pour cela, aussi, que Serigne Alioune Guèye place son califat dans l’ordre naturel et logique des choses (wa lâ ghrawa fî irthil walîdi bi wâlidin…. ) en insistant, dans son dâliya (poème avec rime en « d ») sur les qualités de l’homme de Dieu au-delà d’une filiation jamais considérée comme la source de ses propres dons divins (mawâhib).
Il était, en fait, ce ‘Abû Bakr de l’an 632 qui, en plein désarroi d’une communauté tourmentée par la disparition de la meilleure des créatures, remit les esprits dans des êtes perdues imaginant à tort le chaos.

La présence physique de Serigne Babacar Sy était tellement rassurante que les générations successives qui ne l’ont pas connu en font pourtant leur modèle spirituel. C’est qu’il incarne réellement ce modèle parfait qu’il soit rêvé ou idéalisé dont on puise les valeurs les plus significatives pour disciple d’Al-Tijânî. Ce sont celles-là, d’ailleurs, que Cheikh al-Khalifa choisira pour composer son célèbre panégyrique (‘Ammat Mazâyâhu) où il vante les mérites de Shaykhunâ Tijânî.

Pour Serigne Babacar Sy, Sîdî Ahmad Tijânî est celui qui, sans enfermer ses disciples dans le reclus, l’ascétisme et les retraites (Khalwa) est parvenu à leur assurer la Tarbiya (l’éducation spirituelle), tout en réussissant le pari de l’Istiqâma (la droiture) « rabbâ bilâ khalwatin ashâbahû alanan Hatta-staqâmû fa yâ lilahi manhâhu). Mais, au-delà, aussi, de cet émerveillement face aux vertus inédites du fondateur de la Tijâniyya dont il demeurera l’un des plus illustres défenseurs, Serigne Babacar nous dévoile un des aspects de sa propre philosophie.

Il est, en effet, cet homme de l’équilibre et de la mesure, parmi ces rares et enviables « gens de l’isthme ». Tout est équilibre et mesure dans l’attitude d’al-Khalifa, ses actes, ses paroles ainsi que l’image qu’il dégage, comme l’a si bien explicité Cheikh Ahmed Tidiane Sy Maktoum (Khoutawâtuhû, Kalimâtuhû, Lahazâtuhu….).

Sa posture est finalement le symbole de ce trait d’union entre le temporel et le spirituel sans qu’aucun des deux ne déborde sur l’autre ni n’en phagocyte un seul pan. Son calme perturbant n’était pas celui du taciturne ou inaccessible tyran que les disciples n’osaient approcher, mais celui d’un homme simple dont le charisme (Hayba) rassurait plus qu’il n’apeurait.

Pour ceux qui l’ont approché, l’imposante présence de cette rigoureuse personnalité avait quelque chose de rassurant. Cheikh El hadji Mansour sy Malick aborde cet aspect de son illustre frère, disposé, accessible mais intransigeant lorsqu’il s’agit de défendre les principes : une attitude dictée par le legs qu’il tenait à préserver « Aqâma bi-azmihi wa sawâbi hukmin, Kawâlidihi fa-ahsabahâ mubînâ » disait de lui Cheikh El Hadji Mansour Sy, communément appelé « Bal Khawmî », l’homme à la poésie inimitable.

Un joyau, une perle rare comme la Tarîqa Tijâniyya ne pouvait se passer d’armure comme les Rimâh d’El Hadji Omar perpétuant les enseignant d’Abul Abbâs. L’héritage était tellement lourd et la valeur incommensurable que le garant, après Maodo, était armé de toutes les qualités qu’exigeait la charge.

Les personnes de notre génération ne l’ont connu que par le peu d’anecdotes que son admiratif entourage a transmis, tellement l’homme n’était pas celui des faits divers qui rendent poussiéreux les parcours relatés de bien des figures du passé.
Mais, étrangement, nous parlons, encore de Serigne Babacar Sy comme d’un contemporain. Son absence physique, avec sa disparition il y a plus de 50 ans, ne fait qu’accentuer sa présence dans le cœur d’une jeunesse qui s’identifie à lui.

Serigne Cheikh Tidiane Sy avait bien raison de se demander si une telle figure qui, durablement gît dans les cœurs, pouvait être parmi les absents « Afa ghâba man sakana-l-qulûba Khalîla ? ». Sokhna Fatoumata Cissé Sy a su trouver les mots justes dans son beau poème dans lequel elle s’adresse à Serigne Babacar Sy en ces termes « Arbre de vie de la savane Tidiane, à tes branches solides nous resterons toujours accrochés ». Voilà exprimé tout l’état d’esprit des jeunes qui, tous les jours, pleurent celui qu’ils n’ont jamais vu !

Mais ce qui est inouï est l’exemplarité de la conduite, entourant la personnalité de Cheikh al-Khalifa, et cette manière dont il incarnait le bouclier pour parer à tout ce qui visait à nuire à l’islam. Une des voix Tijânies les plus autorisées de tous les temps, Cheikh El Hadji Abdou Aziz Dabakh, avait, lui aussi, choisi de le présenter sous ce jour (Sy yaay fadja Diiné ay daanam té niepp la war). Serigne Babacar Sy est l’une de ces figures dont l’Islam s’enorgueillit, se dressant contre toute corruption des valeurs et des enseignements originels.

Cheikh al-Khalifa, c’est aussi le symbole de la modernité de la Tijâniyya dans le sens d’un enseignement utile et constructif sur le champ du temporel qui n’a jamais entamé la profondeur et la densité spirituelle de cet érudit doublé d’un pédagogue paradoxalement peu loquace.

En évoquant Serigne Babacar Sy, il est, sûrement, préférable de se situer sur le terrain d’une philosophie de vie que sur celui de la pure biographie. Sachant qu’aucune parole, même au risque d’une excessive prolixité, ne saurait épuiser tout le sens de son action ni tous les aspects de sa personnalité, le choix s’impose d’évoquer plutôt une attitude, une attitude d’esprit ou simplement un esprit.

Puisque, comme l’a si bien dit Cheikh El hadji Abdou, il est permis de lui adjoindre tous les qualificatifs exprimant la vertu dans son essence avec des superlatifs absolus, à quoi bon alors s’étendre dans la description du communément admis ? Qul mâ tashâ’u min-al-amdâhi moo lako may !(Dis ce que tu veux dans son apologie, tu y es autorisé !) s’était exclamé Dabakh Malick !

Si d’aucuns conçoivent que c’est dans le silence que s’entassent tous les bruits, celui de Serigne Babacar Sy, loin d’être complice ou lâche, arrivait à lever toutes les équivoques tout en inspirant bien des éloquences. La rareté de son discours qui ne lui enleva son efficacité, ainsi comprise, on aura perçu le sens de l’enseignement Cheikh al-Khalifa. Il est incontestablement cet éducateur inégalé, ce pédagogue hors pair qui aura réussi un défi purement Muhammadien : la pédagogie par l’éthique du comportement.

Quel meilleur modèle pour une jeunesse faisant face à de grands défis dont le principal, et non des moindres, est de perpétuer et de vivre les enseignements de la Tijâniyya ?

Bakary SAMBE bakary.sambe@gmail.com