Dr Bacary Sambe pour une contribution intellectuelle des Africains à la marche du monde
Dakar, 13 août (APS) – Le chercheur et politologue sénégalais Bakary Sambe a confié à l’APS que l’ouvrage qu’il vient de consacrer à la place de l’islam dans les relations internationales s’inscrit dans une rupture visant à amener les Africains à apporter ‘’cet œil d’être du dedans’’ dans l’analyse du monde, ‘’pour mieux expliquer les phénomènes.’’
’’J’ai voulu modestement participer à une rupture qui à mon avis doit s’amorcer, c’est-à-dire que les paradigmes développés et entretenus par les universités occidentales et les chercheurs occidentaux, ces paradigmes-là ont été le fruit de terrains qui sont différents des nôtres et donc forcément ne peuvent pas aider à concevoir et à expliquer parfaitement nos terrains et nos réalités’’, a-t-il déclaré.
’’Nous, les Africains en tout cas, nous devons prendre en charge les problématiques liées à la conceptualisation de certaines questions nous concernant et ne pas s’adonner à une reproduction intellectuelle à l’infini’’, a dit le chercheur.
Selon M. Sambe, chercheur à la Fondation européenne pour la démocratie à Bruxelles, il s’agit d’’’imposer une rupture et dire que nous pouvons désormais concevoir nos réalités, sans entrer dans un certain sectarisme, mais concevoir nos réalités en y apportant cet œil d’être du dedans pour mieux expliquer les phénomènes.’’
Dr Bacary Sambe, par ailleurs chercheur associé au Groupes de recherches sur la Méditerranée et le Moyen Orient (Lyon), a présenté récemment à Dakar et dans certaines villes du Sénégal, son livre intitulé « Islam et diplomatie : la politique africaine du Maroc. »
Il a souligné que l’analyse dont se prévaut cet ouvrage plaide pour la prise en compte des acteurs religieux, ordinaires ou associatifs e vue de ‘’compléter largement la conception des relations internationales’’ et les études y afférentes.
Les relations internationales ‘’ne sont pas que des relations interétatiques, mais on doit désormais prendre en compte le facteur religieux comme les facteurs culturels pour les introduire dans la conception’’ de ce domaine de recherche, a-t-il souligné.
‘’Ce qui m’intéressait beaucoup plus’’ dans ce livre, ‘’c’était la manière dont les acteurs politiques et diplomatiques pouvaient s’appuyer sur le facteur religieux et construire une politique, notamment une politique africaine, a-t-il dit. Et comment aussi ces facteurs religieux étaient manipulés à l’infini par les acteurs diplomatiques selon les contextes et les enjeux pour construire une politique étrangère’’.
Il a ajouté qu’écrire un tel livre après le 11 septembre 2001, ‘’entre dans le cadre d’un rétablissement de certaines vérités importantes’’, alors que des théoriciens ont tendance à parler de l’islam comme d’un ‘’péril vert’’ succédant au ‘’péril rouge’’ représenté par le communisme.
Dans ce cadre, le propos consiste à rappeler que ‘’l’islam dans son esprit en tout cas n’est pas synonyme de violence, l’islam n’est pas seulement un facteur déstabilisateur mais peut-être dans certaines conditions comme celles que j’ai évoquées dans mon livre, un facteur d’union, de cohésion et un acteur facilitateur de rapports entre des pays, en s’appuyant sur cette forme de fraternité religieuse, ce que Maxime Rodinson appelait +un patriotisme de communauté+’’, a expliqué Dr Bacary Sambe.
BK/CTN