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Archive pour septembre 2010

Le journaliste et politologue sénégalais, Yoro Dia, analyse l’ouvrage de Bakary Sambe « Islam et diplomatie : la politique africaine du Maroc »

Vendredi 17 septembre 2010

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Source : www.senegal-business.com

Le livre de Bakary Sambe « Islam et diplomatie : la politique africaine du Maroc », est fort intéressant. On y apprend par exemple que « 60% des populations désignées comme arabes vivent en Afrique et que les 2/3 des territoires considérés comme faisant partie du monde arabe se trouvent en Afrique ».

L’aspect le plus important du livre est la place de la Tijaniya dans les relations entre le Sénégal et le Maroc. La Tijaniya est un élément central dans la politique africaine du Maroc qui s’appuie sur cette confrérie pour légitimer le roi du Maroc comme le « commandeur des croyants » alors qu’il n’est pas avéré que le roi soit « membre de la confrérie ».

A la lecture du Livre on se rend compte que le Maroc a bien défini la « géographie de ses intérêts » en Afrique noire par une politique africaine très cohérente mais l’inverse est moins sûre. La politique africaine du Maroc va de l’introduction de la Tijaniya en Afrique noire à l’hégémonie de Attijari. Si on regarde une carte, il est évident que cette volonté de puissance du Maroc ne pouvait s’exprimer qu’en Afrique noire.

Les ambitions marocaines en Méditerranée sont bridées par l’Espagne au nord, à l’Est il y a le concurrent et rival algérien qui essaie au Sud de réduire la Maroc en enclave en lui fermant la route de l’Afrique grâce au front Polisario. Donc pour le Maroc, l’Afrique subsaharienne relève de l’espace vital et la Tijaniya est au centre de la conquête de cet espace vital.

Serigne Touba et El Hadj Malick Sy ont enseigné une tolérance « respectueuse des itinéraires » (selon Dr. Bakary SAMBE)

Lundi 13 septembre 2010

Source : Agence de Presse Sénégalais

Serigne Touba et El Hadj Malick Sy ont enseigné une tolérance 13/09/2010 11:59 GMT

Dakar, 13 sept (APS) –

Cheikh Ahmadou Bamba et El Hadj Malick Sy ont tous les deux enseigné « une forme de tolérance respectueuse des vues et des itinéraires » que tout aspirant spirituel doit emprunter « pour arriver à la fin commune : la Vérité », a soutenu le chercheur sénégalais Bakary Sambe.

Selon M. Sambe, spécialiste du monde musulman à la European Foundation for Democracy (EFD) de Bruxelles, ces « deux grands maîtres » ont « enseigné une forme de tolérance respectueuse des vues et des itinéraires qu’il appartiendra à chaque Murîd (aspirant spirituel) d’emprunter pour arriver à la fin commune : la Vérité ».

« Voilà qu’un important jalon est posé par le message du Khalife Général des Mourides et il appartient, dorénavant, à la jeune génération et aux adeptes des différentes confréries du pays, de donner corps à cet esprit de concorde ou du moins lui insuffler une nouvelle âme », écrit-t-il dans une contribution dont copie a été transmise à l’APS.

Le nouveau khalife général des mourides Serigne Cheikh Maty Lèye a demandé aux disciples mourides de ne plus s’attaquer aux Tidianes, à l’occasion d’un discours prononcé à la Korité qui marque la fin du Ramadan.

« De grâce, ne cherchez pas à diviser la descendance de nos deux grands-pères Serigne Touba et El Hadji Malick Sy qui sont parents, unis par des liens de sang. Je ne veux plus entendre un Mouride tenir des propos désobligeants envers les Tidianes », a déclaré le guide des Mourides.

« Il revient incontestablement à Serigne Cheikh Sidy Makhtar Mbacké le mérite d’avoir remis à l’ordre du jour une telle réalité et d’appeler, comme avait coutume de le faire El Hadji Abdou Azîz Sy Dabakh, à une véritable union des cœurs et à la fraternité entre tous les membres de la communauté musulmane », analyse Bakary Sambe, docteur en sciences politiques.

« Mais au-delà même de la sphère religieuse, au moment où la société sénégalaise, dans son ensemble, est traversée par d’innombrables interrogations, un tel message n’est-il pas aussi à verser sur l’énorme capital symbolique dont dispose notre pays et que nous nous devons de réinvestir pour, ainsi, redonner du sens à notre contrat social ? », s’interrige le chercheur.

Bakary Sambe, également chercheur associé au Groupes de recherches sur la Méditerranée et le Moyen Orient (Lyon), a récemment présenté à Dakar son dernier ouvrage intitulé « Islam et diplomatie : la politique africaine du Maroc ».

 

BK/CTN

Message du Khalife Général des Mourides : l’esprit d’un discours de la concorde

Dimanche 12 septembre 2010

Par Bakary SAMBE

La lettre des messages religieux peut donner lieu à différentes interprétations mais leur esprit est toujours unificateur. En islam, les Tariqah offrent cette possibilité de poursuivre un itinéraire spirituel menant à la Vérité, désignant aussi le nom de Dieu, Al-Haqq. Dans l’éducation spirituelle soufie, ces « voies » ont toujours aidé à se départir des doutes pour arriver à la certitude (Yaqîn) afin de vivre le véritable bonheur de la foi (Imân). Cette certitude tant recherchée par ceux qui se lancent dans la quête spirituelle revêt deux formes chez la plupart des penseurs soufis ; ces pratiquants de l’ascétisme que Cheikh Ahmadou Bamba magnifiait dans Huqqal-Bukâ’u (Faut-il pleurer les Saints ?) et auquel nous invitait Cheikh El Hadji Malick Sy dans son Zadjrul Qulûb’An Hubbi Dâril Khalûb (Eloigner les cœurs de l’amour d’un monde trompeur).
Malgré leurs divergences sur cette question complexe du Yaqîn, les penseurs soufis ont convenu, d’abord, d’une forme de « certitude générale » avec ce qu’ils appellent « l’implantation profonde des racines de l’arbre de la foi dans le cœur » nourrie par un conformisme général élevée grâce à la Loi (ou Shâri’a, qui signifie aussi étymologiquement la grande voie à laquelle tous peuvent accéder). Mais un autre degré de certitude est assimilé par les soufis à « un rayon de la lumière de la sublimité qui, de l’Essence divine « s’épiphanise » sur l’âme de l’amant mystique (Muhibb ou Murîd) accédant, ainsi, à la « vision du cœur » ; la vraie certitude selon eux !
Mais, de la certitude à la rectitude (Istiqâma) il y a un long chemin sur lequel on ne s’engage sans être guidé. La Shari’a (la grande Voie) est comme une circonférence qui entoure le point central qui est la Vérité, mais les soufis, dans leur éducation spirituelle, ont pu, selon différentes méthodes, tracer des Tarîqah, « voies étroites » et directes qui, telles des rayons, bien que partant de différents points, parfois éloignés de la circonférence, se rencontrent forcément au point central de la Vérité ! Iz kulluhum qat’ân ‘ala-ç-çawâbî, comme dirait Cheikh Ahmadou Bamba (Car ils sont tous dans la bonne direction, vers 274 des Masâlikul Jinân).
Tel me semble être l’esprit du message du Khalife Général des Mourides le jour de la Korité 2010. Ainsi aimerions-nous, dans le cadre de cet article, faire le pari de retourner à deux ouvrages composés par les deux personnages qu’il cite dans ce message (Cheikh El Hadji Malick Sy et Cheikh Ahmadou Bamba) pour rappeler l’importance particulière accordée par chacun à cet esprit de concorde et de respect de la différence dans leurs enseignements. Il s’agira, respectivement, de la Fâkihatou Tullâb sur la doctrine et les pratiques du Tidianisme et des Masâlikul Jinân (Les Itinéraires du Paradis).
Même à ceux qui ne se seraient pas retrouvés dans l’esprit soufi de la différence des « abreuvoirs » malgré l’unicité de la Source, fortement présent dans les ouvrages des deux Cheikhs, la méditation du verset 60 de la Sourate II (Al-Baqara) pourrait apporter matière à réfléchir
« Et [rappelez-vous], quand Moïse demanda de l’eau pour désaltérer son peuple, c’est alors que Nous dîmes: “Frappe le rocher avec ton bâton.” Et tout d’un coup, douze sources en jaillirent, et certes, chaque tribu sut où s’abreuver ! – “Mangez et buvez de ce que Dieu vous accorde; et ne semez pas de troubles sur la terre comme des fauteurs de désordre”.
C’est bien cette métaphore de la multiplicité des sources et des abreuvoirs qui a déteint sur la terminologie en usage chez Cheikh El Hadji Malick Sy et son frère Cheikhoul Khadim dans leurs différents écrits. Le premier y consacre le dernier chapitre concluant Fâkihatu-t-tullâb, appelé aussi Jâmi’ul Marâm, en parlant des Mashârib (Sources d’Abreuvement), tandis que le second traite du Wird dans un chapitre entier des Masâlikul Jinân (vers 267 à 298). Cheikh Ahmadou Bamba y rappelle la définition du terme Wird en précisant « L’étymologie de ce vocable renvoie à une pratique consistant à faire une halte près d’un point d’eau pour y boire ou y puiser » (vers 270, Masâlik).
Quant à Cheikh El Hadji Malick, il évoque une « différence des goûts et des points de ressourcement spirituels » (tabâyun al-Adhwâq wa-l-Mashârib) qui, selon lui, est l’explication des « divergences entre les saints dans leurs voies et doctrines », en rappelant que Dieu, dont les bienfaits sont infinis, gratifie chacun d’entre eux de flux qu’il peut ne pas accorder aux autres. Ce point est essentiel dans la démarche des soufis tout en cachant des secrets qui ne sont pas à la portée du commun des mortels se débattant encore dans les « voiles » de l’ignorance (mahjûbûn) ou n’ayant pas accès au véritable sens des Signes.
Certaines réalités peuvent bien nous sembler irréels juste parce que nous ne les touchons ou sentons pas alors que d’autres en sont littéralement « abreuvés » ! C’est pourquoi Cheikh El Hadji Malick Sy emprunte l’image d’un « enrhumé » « mazkûm » se prononçant sur la qualité ou les senteurs d’un musc, pour dénoncer l’attitude de ceux qui s’attaquent aux voies d’autrui et nous avertit sur les dangers des polémiques et débats stériles comme ceux comparant Wird (Awrâd) et confréries (Turuq).
« Evite celui qui polémique sur les différents Wird
Car c’est une chose dont la nuisance est fortement avérée
Car cela conduit à la haine mutuelle
Et c’est quelque chose de répréhensible auprès du Seigneur Majestueux »,(cf. Fâkihatu Tullâb)
Serigne Touba le rejoint sur ce point précis en rappelant dans les vers 271-273 de Masâlikul Jinân, que
Tous les “wird” conduisent le pratiquant vers l’enceinte scellée de Dieu sans déviation aucune.
Peu importe que ce “wird” provienne de [Cheikh Abdul Qâdr] Al-Jîlânî, de Cheikh Ahmad Tijânî ou d’un autre parmi les éminents Pôles spirituels (Qutb).
Car ils sont tous dans la bonne direction »
Et autour de Cheikh Ahmadou Bamba de nous mettre en garde contre le mépris ou la critique malveillante d’une confrérie ou d’un Wird quelconque (vers 275, Masâlik)
« Tous les “wirds” sont dans la rectitude et le Droit Chemin;
Garde-toi donc, toute ta vie, d’en mépriser ou d’en critiquer un quelconque».
Revivifiant les enseignements d’Ibn Atâ Allah al-Iskandarî, Serigne Touba, s’appuie ainsi sur d’irréfutables classiques du soufisme, notamment ses Hikam (Sagesses), mais aussi Al-Kawkabul Waqqâd (La Planète Lumineuse) de Cheikh Sayyid Al-Mukhtar Al-Kuntî, pour démontrer cette « rectitude » des différents Wird, rappelant le devoir de respect mutuel afin d’éviter les polémiques que Cheikh El Hadji Malick décrivait, dans Fâkihatu Tullâb, comme conduisant à cette répréhensible haine « Li-annahû yufdî ila-t-tahâqudi ».
Aussi bien dans leur démarche que par la terminologie qui structure leur pensée, Cheikh El Hadji Malick Sy et Cheikh Ahmadou Bamba ont bien intégré cette pluralité de la manifestation de l’Unique tel que le magnifiait, entre autres soufis, Jalâlu Dîn Rûmî. Les formules peuvent donc bien différer sur le plan éxotérique pour exprimer au degré ésotérique une même réalité et la rendre accessible aux différents niveaux d’entendement. Comme le dit si bien Cheikh Ahmed Tidiane Sy, c’est simplement « une question de dosage, de discernement mais surtout d’éducation mystique ». Lui qui voyait les confréries, malgré leurs différences, comme de simples « clubs mystiques où se forment continuellement les athlètes de la Religion »…
Ainsi, pour aller au-delà de l’apparence d’un éclatement des voies et des méthodes, il conviendra certainement d’accéder à une profonde conscience du message commun et de son essence. En usant de termes au pluriel comme « Masâlik », signifiant « itinéraires menant à la félicité» et de « Mashârib », signifiant « points de ressourcement spirituel » (pluriel interne ou brisé appelé jam’u taksîr, dans la terminologie grammaticale arabe) pour traiter d’une telle subtilité, Bamba et Maodo, ont su opportunément exprimer cet esprit de la Tarîqa, qui n’est en réalité qu’une manifestation particulière de l’universalité d’un message spirituel sans espace ni temps comme l’expliquait Al-Jîlânî, le saint de Baghdad dans Al-Insân al-Kâmil.
Ces deux grands maîtres ont, par cette même occasion, enseigné une forme de tolérance respectueuse des vues et des itinéraires qu’il appartiendra à chaque Murîd (aspirant spirituel) d’emprunter pour arriver à la fin commune : la Vérité.
Voilà qu’un important jalon est posé par le message du Khalife Général des Mourides et il appartient, dorénavant, à la jeune génération et aux adeptes des différentes confréries du pays, de donner corps à cet esprit de concorde ou du moins lui insuffler une nouvelle âme.
Il revient incontestablement à Serigne Cheikh Sidy Makhtar Mbacké le mérite d’avoir remis à l’ordre du jour une telle réalité et d’appeler, comme avait coutume de le faire El Hadji Abdou Azîz Sy Dabakh, à une véritable union des cœurs et à la fraternité entre tous les membres de la communauté musulmane.
Mais au-delà même de la sphère religieuse, au moment où la société sénégalaise, dans son ensemble, est traversée par d’innombrables interrogations, un tel message n’est-il pas aussi à verser sur l’énorme capital symbolique dont dispose notre pays et que nous nous devons de réinvestir pour, ainsi, redonner du sens à notre contrat social ?
Bakary Sambe, Docteur en Sciences politiques, Spécialiste du monde musulman à la European Foundation for Democracy (EFD), Bruxelles

Mendicité, écoles coraniques : Au-delà des symptômes, interrogation sur le vrai mal

Mercredi 8 septembre 2010

Par Idrissa Seck, Maire de Thies,
Ancien Premier Ministre du Sénégal

J’ai toujours défendu avec force la nécessité de donner à l’enseignement coranique la place qu’il mérite dans notre système éducatif en lui garantissant tous ses droits. On sait aussi ma grande préoccupation pour que cette forme d’enseignement accomplisse sa mission d’éducation et de formation en répondant aux exigences d’efficacité et de performance dans le respect des Droits de nos enfants, évitant ainsi toute déviation de ses objectifs fondamentaux.

Ma conviction est que l’enseignement coranique, au lieu de représenter une quelconque barrière à la scolarisation formelle, y joue, au contraire, un rôle éminemment positif de complémentarité si on lui donne tous les moyens nécessaires et qu’il ne soit pas le prétexte à l’aliénation des droits de l’enfant ou toute autre forme d’exploitation et de maltraitance. C’est pourquoi, je salue et encourage la récente initiative du Premier Ministre Souleymane Ndéné Ndiaye de lutter vigoureusement contre la maltraitance et l’exploitation des enfants sous prétexte d’enseignement coranique. Allah lui même suggère que l’aumône soit destinée « aux nécessiteux…que l’ignorant croit riches parce qu’ils ont honte de mendier-tu les reconnaitras à leur aspect- Ils n’importunent personne en mendiant”. S2V273.

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Il faut cependant éviter l’amalgame, voulant condamner l’enseignement coranique qui n’aurait comme corollaire que l’exploitation, la maltraitance et la mendicité. Comme j’y ai appelé récemment, le statut et la place de cet enseignement, son avenir ainsi que sa gestion par les pouvoirs publics méritent une profonde réflexion mais surtout une plus large concertation.

Il n’y a, à mon sens, aucune raison de se contenter de répression face à des phénomènes qui sont le signe d’un peuple traversé par des demandes et de légitimes interrogations. Agir de la sorte serait un aveu d’échec. Comme le serait une stigmatisation de l’enseignement coranique, le premier, en réalité, qu’a connu notre pays et qui continue à lui donner des cadres de haute valeur comme je le rappelais, il y a quelques semaines, lors de la cérémonie de dédicace du livre du Dr. Bakary Sambe à Thiès. Le traitement de la question des talibés, malgré l’urgence, ne doit pas se dispenser de réflexions mûries, de pédagogie et de mesures d’accompagnement qui me semblent beaucoup plus appropriées que le tout répressif. C’est ce qu’on a pu sentir dans les déclarations du Collectif national des associations des écoles coraniques du Sénégal qui s’est réuni à Thiès, le 2 septembre dernier.

Un phénomène n’apparaît jamais ex nihilo et l’on doit toujours replacer ceux qui nous interrogent dans les contextes socioculturels qui les ont générés. Ce système des écoles coraniques aujourd’hui décrié, il est vrai, à cause de dysfonctionnements qui n’épargnent même pas l’éducation formelle, est ancré dans notre culture et notre héritage historique comme dans nombre de sociétés à majorité musulmane. Ce sont bien les madâris (medressas), l’équivalent maghrébin de nos daaras, qui ont donné naissance à la Qarawiyyine de Fès, la plus vieille université du monde encore en exercice, fondée depuis 788 ap-JC ! et la prestigieuse Al Azhar d’Egypte. L’Université de Pire jusqu’à sa destruction par Pinet Laprade a été le lieu d’excellence ayant accueilli des sommités africaines et non des moindres, El Hadji Omar et tant d’autres. Tout près, à Tivaouane, on formait des savants en tous domaines dont l’astronomie et la philosophie sans parler du séminaire de Ndiarndé qui rayonna dans tout le Sénégal. Les daara de Touba, Ndame et leurs annexes ont produit des universités modernes de la trempe des instituts Al-Azhar partout implantés aujourd’hui grâce aux inlassables efforts de feu Serigne Mourtada Mbacké. On ne peut compter dans le Saloum les foyers de science de Diamal à Médina Baye ou encore Léona Niassène. Qui passerait sous silence les centres emblématiques tels que Kokki, celui de Serigne Mor Mbaye Cissé et tant d’autres ?

Je suis convaincu qu’une réelle conscience de notre histoire métissée exigerait que l’on ne puisse rejeter aucun des aspects de nos héritages conjugués, qu’il s’agisse de celui transmis par le passé colonial ou celui arabo-musulman, si l’on ne veut pas en mutiler la réalité. Sur le plan historique, géographique et culturel le Sénégal constitue le pont entre le Magreb et l’Afrique noire. Un pont entre deux mondes. Le Sénégal doit assumer sa vocation naturelle de pont entre les cultures. Un pont culturel entre l’Orient auquel nous lie l’Islam et l’Occident auquel nous lie les valeurs de la République et de la Démocratie.

Je suis sûr que nos partenaires au développement, les ONG et les promoteurs des Droits de l’enfant, le comprendraient aisément et seraient aidés dans leur nécessaire connaissance de nos sociétés où ils veulent agir en toute efficacité. Dans ce sillage, un arrêté portant sur la reconnaissance des écoles coraniques a été pris par le gouvernement du Sénégal, récemment, en février 2010, bien qu’au sein du Ministère de l’Education nationale subsiste un simple service de l’enseignement franco-arabe au lieu d’une véritable direction de l’enseignement confessionnel donnant toute sa place, de manière égalitaire, au privé musulman à côté de ceux catholique et protestant. C’est pourquoi je pense qu’il faudra aller plus loin et, par la volonté politique, traduire ces vœux en réalité.

Dans ce flou total où aucune statistique, ni gouvernementale, ni privée (des ONG s’affrontant sur des chiffres allant du simple au triple) n’arrive à capter l’ampleur du phénomène des écoles coraniques, il serait appréciable de revenir sur une situation que seule peuvent appréhender des réflexions prenant en compte son extrême complexité. Derrière ce qui était, naguère, vu comme la « négligence des parents », le démographe, directeur de recherche à l’IRD, Marc Dilon a bien pu expliciter la notion d’un « confiage » dont le but, dans certaines cultures ouest-africaines, était purement éducatif.

D’autres sont allés plus loin en mettant en parallèle l’intention de donner la meilleure éducation et le défaut des moyens matériels pour y parvenir. C’est là qu’il faudrait concentrer la réflexion sur le phénomène de la mendicité et de la dite exploitation en se rappelant, par exemple, comment les conditions socioéconomiques des Misérables de Hugo avaient bien pu générer, dans la France du XIXe siècle, l’histoire de Cosette dont l’intention des parents contrastait bien avec le sort qui lui fut réservé. Le parallélisme est frappant entre certaines de nos écoles coraniques et ces écoles romaines où « les enseignants mal payés par les pères des élèves » étaient « assez autoritaires avec les élèves battus au moyen d’une baguette de bois, la férule, ou même avec des lanières de cuir » et où l’enseignement était « basé sur le par cœur et l’imitation … ». La question des talibés et de la mendicité serait, donc, beaucoup plus liée à des déterminants économiques, sociologiques et culturels qu’à la nature même de l’école coranique et de l’enseignement qui y est dispensé !

Une belle expérience à saluer est en train d’être menée par les Daaras de Hizbut Tarqiya dans ses locaux de la ville sainte de Touba, où filles et garçons suivent, en arabe, une scolarité exemplaire en accédant à tous les domaines de connaissances avec une méthodologie et une démarche pédagogique mûrement réfléchies mettant à profit toutes les possibilités offertes par les nouvelles technologies.

Ainsi donc et, contrairement aux idées reçues, l’enseignement coranique n’a jamais véritablement été une barrière à la scolarisation formelle. Les plus récentes et sérieuses recherches en éducation comme celles menées par Pierre André et Jean-Luc Demonsant ont pu démontrer que les enfants qui fréquentaient l’école coranique pendant quelques années, avaient une plus grande probabilité de fréquenter l’école primaire formelle que ceux qui ne vont pas à l’école coranique tout court. De même, ces études ont établi que l’amélioration de la qualité de l’enseignement coranique pourrait impacter positivement sur celle de la scolarisation formelle.

Mais, là où de telles recherches devraient nous interroger, c’est lorsqu’elles montrent que la tendance à suivre l’enseignement coranique à temps plein est un signe de la pauvre qualité du système scolaire formel. Voila de nouveaux éléments à prendre en compte dans l’approche d’un système d’enseignement qui, comme tous les autres, est capable de s’aligner et de suivre l’avancée des techniques pédagogiques modernes pour devenir de plus en plus performant. En témoignent les efforts de modernisation et d’innovation dans de multiples daaras qui continuent à assurer une mission d’éducation et d’instruction et produire d’éminents intellectuels, véritables acteurs conscients de leur époque, la plupart du temps, sans aucun financement étatique.

L’heure n’est-elle donc pas à plus de considération et à une écoute attentive des demandes avant tout sociales émanant de citoyens se sentant à la marge de l’Etat providence dans un domaine aussi crucial que l’Education ? »

Idrissa Seck, Maire de Thiès, Ancien Premier Ministre du Sénégal

ISLAM ET DIPLOMATIE : Bakary Sambe théorise leur interconnexion

Lundi 6 septembre 2010

ISLAM ET DIPLOMATIE : Bakary Sambe théorise leur interconnexion

Écrit par OUSMANE DIOP
Source: lobservateur.sn

«On ne peut plus analyser les relations internationales sans prendre en compte le religieux», estime Bakary Sambe, expert en relations internationales et spécialiste des relations arabo-africains. Il défend cette idée dans «Islam et diplomatie : la politique africaine du Maroc», son ouvrage dont la cérémonie de dédicace a eu lieu, hier, à Dakar.

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La réflexion sur la question des relations internationales ne doit plus être seulement l’affaire des politiques et des États, mais aussi celle des communautés religieuses. Car, dans le contexte actuel des rapports entre l’Afrique subsaharienne et le monde arabe, les Oulémas devraient bénéficier d’avantage d’intérêt de la part des autorités étatiques, dans l’objectif d’améliorer les relations entre les deux parties. C’est en somme l’idée défendue par Bakary Sambe, à travers son ouvrage intitulé «Islam et diplomatie : la politique africaine du Maroc». Docteur en Sciences politiques, spécialiste des rapports arabo-africains et politologue, il explique dans ce livre l’importance du rôle que les croyances religieuses peuvent jouer dans les relations internationales. Pour étayer son point de vue, il s’est appuyé sur les bons rapports qu’entretiennent le Sénégal et le Maroc, grâce aux «acteurs incontournables» que sont les groupes religieux, notamment des confréries soufies.

Par ailleurs, l’écrivain estime que ce n’est pas souvent le cas avec l’État qui «tente de ménager des acteurs internes (…) pouvant, très souvent, lui garantir une onction religieuse, pour la légitimation de ses choix et orientations politiques». Convaincu que «Islam et diplomatie peuvent aller ensemble», M. Sambe est aussi d’avis qu’«on ne peut plus faire abstraction de ce à quoi les gens croient». «On ne peut plus analyser les relations internationales sans prendre en compte le religieux», a-t-il déclaré, hier, en marge de la cérémonie de dédicace de l’ouvrage lors de laquelle le ministre d’État, ministre de l’Economie et des Finances, Abdoulaye Diop, ainsi que celui des Collectivités locales, Alioune Sow, étaient présents. Ainsi, le jeu d’interaction, oscillant entre usage politique de symboles religieux et perpétuelle négociation de leur sens, avec des acteurs aux intérêts divergents ou complémentaires, est l’essence de cet ouvrage qui prend l’exemple du Maroc.

«L’Islam n’est pas le terrorisme, la peur, ni la violence, mais une religion de tolérance», a-t-il martelé, pour répondre à ceux qui placent les pays musulmans dans l’«Axe du mal», dont George Bush. D’ailleurs, pour étayer ses dires, il affirme que «96% des attentats en Europe sont faits par des non musulmans».

A travers Bakary Samb, Idrissa Seck rend un hommage aux «intellectuels arabisants”

Lundi 6 septembre 2010

A travers Bakary Samb, Idrissa Seck rend un hommage aux «intellectuels arabisants”

Source : Lequotidien.sn

Idrissa Seck est pour une autre approche dans l’enseignement confessionnel dans notre pays. Le maire de Thiès l’a fait savoir samedi au cours de la cérémonie de dédicaces de l’ouvrage intitulé : Islam et Démocratie : la politique africaine du Maroc, de l’universitaire Mbourois Bakary Sambe, chercheur et expert à la Fondation européenne pour la démocratie.

Idrissa Seck pour une autre approche dans l’enseignement confessionnel

Samedi, au cours de la cérémonie de dédicaces de l’ouvrage Islam et Démocratie : la politique africaine du Maroc, du chercheur Bakary Sambe, Idrissa Seck, le maire libéral de la ville de Thiès, «la plus arabisante du Sénégal», a commencé par rendre un hommage manifestement partisan aux «intellectuels arabisants» en affirmant avec force qu’une «telle élite doit être consultée sur les affaires de notre pays car (leur) savoir et (leur) savoir-faire sont indispensables à notre développement». Idris sa Seck qui se réfère à la bonne et solide formation universitaire de ces cadres, dans tous les temples du savoir islamique de par le monde et leur emploi à l’extérieur, invite l’Etat à faire bénéficier le pays de telles compétences.

En prenant exemple sur le spécialiste Bakary Sambe, le maire de Thiès a étendu son champ de réflexion aux autres intellectuels arabisants en insistant sur leur capacité à donner le meilleur d’eux-mê mes à leur pays. Un domaine com me la diplomatie, «en tant qu’art ou comme science», a été cité comme pouvant accueillir ces intellectuels arabisants afin de permettre à notre pays de «revivifier (nos) relations avec des pays partenaires traditionnels du Sénégal». Pour Idrissa Seck, ces intellectuels arabisants «constituent un immense espoir surtout à un moment où notre diplomatie devant se moderniser, a plus que besoin d’avis éclairés et constructifs dans la rationalisation de ses choix diplomatiques». M. Seck reste con vain cu que «l’implication accrue dans la conception et la conduite de notre diplomatie en direction du monde musulman», d’intellectuels arabisants comme Bakary Sambe «don nerait plus d’éclat aux importantes rencontres internationales initiées par notre pays et éviterait que des prises de position insuffisamment éclairées viennent à froisser certains partenaires-clés du Sé né gal».

Par ailleurs, l’ancien Premier ministre qui se dit favorable à la lar ge concertation que le président de la République a ouverte sur l’avenir des «daaras» (écoles coraniques) et leur modernisation et le recrutement d’enseignants en langue arabe, souhaite voir les pouvoirs publics aller plus loin en formalisant cet enseignement avec la création «d’une grande direction chargée du privé confessionnel, donnant toute sa place à l’enseignement privé mu sulman aux côtés de ceux catholiques et protestants». Pour Idrissa Seck, «il y va de notre laïcité garantissant l’égal traitement de toutes les confessions qui doivent ainsi s’épanouir dans un cadre apaisé fait d’une harmonieuse cohabitation et de tolérance».

L’OUVRAGE EN QUESTION

Le Dr en Sciences politiques, Bakary Sambe, pénètre, dans cet essai, les relations internationales à travers le facteur religieux. Un facteur, selon lui, rarement pris en compte, à tort, par les chercheurs qui tentent d’étudier les enjeux des rapports entre l’Afrique subsaharienne et le monde arabe. Ces derniers se focalisent sur l’économie, la géopolitique ou leurs seuls intérêts stratégiques. Cette approche institutionnaliste des relations internationales néglige, à son avis, la place de l’individu, des groupes religieux, ainsi que l’efficacité politique des symboles permettant la mise en place de réseaux informels, alors que des confréries soufi, par exemple, s’imposent depuis toujours comme des acteurs incontournables dans la coopération entre le Maroc et le Sénégal.

Irruption «des individus et des acteurs ordinaires» dans le champ des rapports internationaux a donc créé, selon l’auteur, une rivalité avec l’Etat, désormais fortement concurrencé de toutes parts dans son action, faisant même croire parfois à «une diplomatie parallèle dans bien des cas». Ce qui amène l’Etat, en tant qu’institution, à adapter ses stratégies face à cette nouvelle donne. Bien que forte de sa souveraineté, cet Etat tente, selon l’auteur, de ménager des acteurs internes aux relations et réseaux internationaux plus que performants, pouvant, très souvent, «lui garantir une onction religieuse, pour la légitimation de ses choix et orientations politiques». C’est ce jeu d’interaction mettant en scène des acteurs aux intérêts divergents ou complémentaires qui est au centre de cet ouvrage qui se propose d’analyser un tel fait en appuyant sur le cas du Maroc.

En plus, l’auteur revient sur la particularité de ce pays frère, le Maroc au sein du Maghreb et du monde arabe, «qui en fait un pays au carrefour de l’africanité, de la berbérité et de l’arabité, mais depuis toujours impliqué en Afrique sub-saharienne». L’ouvrage analyse les facteurs qui garantissent au Maroc, «un pays de ressourcement spirituel pour des millions d’Africains», «son prestige diplomatique» sur le continent qui est fondé, selon Bakary Sambe, sur «l’histoire et son modèle religieux».

Particularité de cette cérémonie de dédicaces : aucune critique assez osée n’a été faite sur le travail de l’intellectuel arabisant. Seul un proche du maire de la ville, l’enseignant en langue arabe, Cheikh Tidiane Djité, s’est permis de faire remarquer à l’auteur que nulle part dans son livre, il ne s’est référé au Livre Saint pour montrer combien la diplomatie était tenue en compte dans l’Islam. Cet enseignant renvoyait son collègue à l’histoire de l’arrivée du Prophète Mohamed (Psl) à la Mecque, qui n’a pu se réaliser que grâce à des négociations, tel que c’est écrit dans les versets 63 à 64 de la sourate «Al Imrane».

Correspondant
lequotidien.sn