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Archive pour novembre 2010

Maghrébins et Subsahariens : Tous Africains ? Interrogations au-delà des tabous

Lundi 15 novembre 2010

Maghrébins et Subsahariens : Tous Africains ? Interrogations au-delà des tabous

Interview accordée au New African Magazine (Nov- Décembre 2010) par Dr. Bakary SAMBE
Propos recueillis par Aïssatou Diamanka-Besland

Comment expliquez-vous de nos jours les distensions entre les Maghrébins et les Africains subsahariens, y a-t-il une genèse à cela ?

D’abord, je voudrais dire qu’il n’y a pas à s’alarmer d’un affrontement entre Maghrébins et Subsahariens en Afrique mais certaines attitudes sont à souligner et à lier pour comprendre un phénomène beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Je pense que tout part de la vision intersubjective entre Noirs africains et Arabes en général. Il y a, entre autres, l’esclavage, les razzias des armées arabes et/ou berbères au Sud du Sahara. D’une part, chez les Africains du Maghreb, une africanité non assumée et de l’autre chez certains africains le sentiment d’un défaut de considération et de respect de leurs éventuels apports malgré le partage d’une même religion, l’islam, qui jusqu’ici aide à maintenir un sentiment de « fraternité » ou en tout cas de partages des choses fondamentales qui unissent. Néanmoins, au-delà de cette apparente et relative symbiose occasionnée par le partage d’une même religion, les rapports entre Arabes et Africains sont caractérisés par la persistance de préjugés. Les Arabes africains se trouvent eux-mêmes quelques fois habités par une déchirure culturelle lorsqu’il s’agit d’assumer leur africanité et oscillent entre leur appartenance à la « oumma islamique » et leur identité propre. Mais un retour sur le passé commun aux deux rives du Sahara peut constituer une ébauche du nécessaire dialogue interculturel entre Arabes et Noirs africains. Ce qui interroge, surtout, c’est le choc des nationalismes entre négritude d’une part et arabité de l’autre ; choc encore bien présent dans les milieux intellectuels.

Dans la plus part des pays magrébins, il y a une forte communauté noire, mais elle n’a pas une grande visibilité, est-ce une forme de xénophobie ?

Je crois que les choses sont plus compliquées que cela, et il ne faudrait pas tirer des conclusions hâtives. Récemment lors d’un colloque organisé par l’Unesco à Rabat, dans le cadre du projet « La route de l’esclave », je présentais une communication sur l’incidence du rapport servile dans le regard intersubjectif entre Noirs et Arabes en rappelant que derrière des comportements qui frisent le racisme aujourd’hui il y avait tout le poids d’un héritage historique. En Algérie les Noirs sont dits « kahloush », de « Kahl » qui viendrait en arabe de l’appellation du « Cohl » désignant la noirceur. Au Maroc, les enfants crient après des personnes noires en l’appelant « ‘azzî » qui serait la déformation de « Azîzî » (mon cher Maître) que ne pouvaient pas prononcer correctement les esclaves noirs pour répondre à leurs maîtres lorsqu’ils les appelaient ! En Tunisie, on parle des Noirs sous le vocable de « Wçif » avec une connotation de servitude, en tout cas d’un statut d’infériorité. En Mauritanie, les populations noires sont dites « harthani », rappelant cet esclave noir servant dans l’agriculture !
Vous voulez dire que l’explication est donc historique et non forcément culturelle ?

Je ne peux l’affirmer de manière si tranchée mais il est sûr qu’avec un aussi lourd passé, il est extrêmement difficile de ne pas tomber dans des considérations teintées d’un certain racisme ou en tout cas d’un sentiment de supériorité faussant complètement les rapports. Au Sénégal, dans la langue wolof les Arabes sont dits « naar » qui signifie le « feu » en arabe, rappelant des périodes sombres où les voisins mauritaniens venaient sur l’autre rive du fleuve pour capturer des femmes et enfants après avoir mis le feu au village !

C’est donc une culture d’esclavagisme qui se perpétue ?

Pas forcément, ce serait trop simpliste de toujours voir les choses sous cet angle. Pour ce qui est de la xénophobie, je crois qu’il faudrait aussi prendre en compte la dimension migratoire : les pays du Maghreb sont devenus des passages pour les immigrés bannis (je n’aime pas le mot clandestins car l’émigration est un droit et qu’à chaque fois qu’un peuple a eu soif de liberté ou a aspiré a de meilleures conditions de vie, il a cherché à aller ailleurs !). Les pays Maghrébins sont devenus des agents de contrôles de l’immigration subsaharienne avec l’incitation des pays européens qui subventionnent une telle lutte ! N’oublions pas non plus que l’émigré, l’étranger de passage, surtout de couleur différente a toujours été pris pour cible et la xénophobie, malheureusement, est l’une des choses les mieux partagées dans toutes les sociétés en proie à la crise comme c’est le cas actuellement en Europe et en France notamment.

Les frontières entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne existent-elles vraiment ?

Si vous me posez cette question, je vais être contraint de revenir à des développements historiques. Vous savez, le Sahara n’a jamais été une barrière infranchissable mais « une mer intérieure » qui a toujours invité à passer d’un rivage à l’autre. Nos amis anglo-saxons parlent de « geographic likage area » pour le cas du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. L’établissement de liens et la circulation des savoirs ont accompagné le développement du commerce et ont suivi les routes et les caravanes des pèlerinages à travers ce vaste espace transsaharien. Au regard des nombreuses ressources historiques attestant de leur ancienneté, les échanges entre les deux rives du Sahara ne devraient, aucunement, trouver de difficultés à s’expliquer ou se justifier. Ils n’avaient plus qu’à se dérouler sur les sentiers balisés par des siècles d’histoire commune. Les récits se rapportant aux interactions entre les deux rives du Sahara ne manquent pas.

Vous voulez dire que cette histoire est ignorée ? N’est-elle pas plutôt occultée ?

Disons qu’elle n’est pas assez connue, comme cela méritait de l’être ! Il est curieux qu’une certaine version de l’histoire dissimule des faits importants ! Les déplacements d’hommes et de marchandises à travers le grand désert se situent bien avant l’arrivée des explorateurs européens au XVIème siècle. Ces derniers ne pénètreront véritablement à l’intérieur des régions ouest-africaines qu’au XIX ème siècle. Rappelons, de manière peut-être ironique que le plus vieil émissaire européen en Afrique noire, René Caillé, n’atteindra Tombouctou qu’en 1827, huit siècles après Al Bakrî alors que ce dernier notait, déjà à son époque, la conversion de plusieurs chefs politiques à la « nouvelle religion » qu’était l’Islam. Mais, il est vrai que le XI ème siècle est le vrai début de l’islamisation de l’Afrique de l’Ouest qui s’étalera sur une longue période, connaîtra plusieurs étapes et revêtira diverses formes.

Donc, les premiers rapports entre le Nord et le Sud du Sahara se sont établis à travers les routes commerciales. Justement comment ce processus d’islamisation s’est-il dessiné ? un mouvement uniforme ou en plusieurs étapes ?

Il y a d’abord la période où les premiers contacts ont fait que l’islam a commencé à gagner des fidèles dans l’aristocratie et les riches commerçants. Ainsi, il restera, longtemps, une religion d’élites lettrées et de souverains africains. Déjà en 1085, le Roi du Kanem se convertit à l’islam et entretint les meilleurs rapports avec les chefs politiques de Berbérie et de l’Egypte. Mais, le commerce transsaharien qui enregistrait le gros de ses échanges entre Berbères et Soudanais (du pays des Noirs), au début, prendra d’autres dimensions dès la première moitié du XI ème siècle.

Qu’est-ce qui faisait alors, historiquement, cet attrait pour l’Afrique subsaharienne chez les Maghrébins ?

Il faut savoir que l’Afrique subsaharienne fut, très tôt, un grand fournisseur d’or à l’Afrique du Nord. Le trafic du précieux métal dura plusieurs siècles et lia les confins du bilâd Sûdân au Maghreb et à l’Egypte par les routes transsahariennes. Ce commerce concernait, aussi, d’autres denrées comme le sel qui, malgré le succès de l’or, connut une grande importance. Savez-vous que le sel était devenu, à une certaine époque, une « denrée de luxe qui s’échangeait contre son poids en or » . C’était un produit devenu stratégique dans ce commerce.

Mais était-ce toujours pour de simples raisons économiques ou n’y avait-il pas une volonté de conversion, de prosélytisme ?
A cet enjeu purement économique s’est très rapidement greffé, un autre – cette fois-ci religieux – : la lutte opposant une frange de l’islam sunnite, le Malikisme (al-mâlikiyya), l’ibâdisme (al-‘ibâdhiyya). A cette lutte politique aux mobiles économiques on s’efforcera, toujours, de trouver un fondement religieux. Ce fut le début des razzias et des guerres mises sur le compte du Jihâd pour ceux qui attaquaient et sur celui de la fitna pour ceux qui les subissaient. C’est, là, une donnée fondamentale pour la compréhension des rapports ultérieurs entre le Maghreb et le Sud du Sahara qui n’ont jamais été isolés. Mais vous savez quelques fois l’histoire n’enseigne que le bon usage du doute ! Beaucoup de questions restent non encore élucidées !

Revenons, alors, au présent Si l’on prend l’exemple de l’Algérie, il a fallu plus d’une cinquantaine d’années pour qu’enfin un joueur métis intègre l’équipe nationale, comme percevez-vous ce fait social ?

Même s’il ne s’agit pas toujours d’un racisme dans son sens moderne, l’image du Noir a beaucoup souffert de ce poids historique. Ce fait est vu par certains intellectuels maghrébins, non pas comme une organisation ségrégative des places dans la société en fonction de la couleur de la peau ou de l’appartenance linguistico-culturelle, mais une simple difficulté à assumer le carrefour où se croisent arabo-berbères et négro-africains.
Ce sens de la mesure n’est pas du tout partagé au Moyen-Orient et dans la presqu’île arabique où l’esprit esclavagiste domine dès qu’il s’agit des rapports avec des personnes de couleur noire. Notons que dans l’arabe même moderne, l’usage du terme « ‘abd » (esclave) dans les parlers du Proche-Orient est encore courant.

Donc cette image d’infériorité lui colle à la peau si on ose dire…

C’est une image ambivalente et qui va de la considération au mépris ou de la méconnaissance à la fascination dans certains cas. Dans le Munjid, l’un des dictionnaires arabes contemporains les plus utilisés présentement, on peut encore retrouver « fustuq al-‘abîd » (pistache d’esclaves) pour désigner les arachides cultivées en Afrique subsaharienne. En Algérie ou en Tunisie on peut encore s’arrêter sur des expressions pleines de non-dits. L’expression indignée « Tu me prends pour ton wocif ou quoi ?!», utilisée fréquemment renvoie à cette position inférieure du « serviteur noir ». Et les exemples manifestant un imaginaire trouble du noir dans les sociétés maghrébines sont nombreux. Citons celle utilisée lors d’une crise épileptique qui atteint un membre de la famille : «Jaat’hou l’gnawa taâ l’wusfân ! » (Les esprits des Noirs viennent encore le posséder !) C’est une expression qui allie au dédoublement de la figure du noir, une certaine confusion entre les Gnâwa (confrérie de Noirs du Maroc) et les esprits qui possèdent (wusfân, pluriel de wasîf). De même, ce dédoublement de la figure du noir touche son rôle de « possédant » et de «guérisseur ». Une chanson populaire marocaine invoque le « k-hal » pour délivrer les possédés du mal : « Jiboub li al-khal ysawwab li al-‘aql » (Appelez-moi le Noir pour qu’il me rende l’esprit).


Pour les subsahariens, le Maghreb serait-il en dehors du continent africain ?

C’est un sujet qui revient très souvent dans les débats sur une certaine africanité du Maghreb. Il ne faut quand même pas oublier que le nom du continent vient de celui qui désignait la région la plus septentrionale de la Tunisie l’Ifriqiyya (l’Africa romaine). Le terme « rencontre » est le plus utilisé dans les travaux sur les relations entre le Maghreb et la région subsaharienne. Ces interactions culturelles sont, en grande partie, le résultat de longs siècles d’échanges sur le plan commercial. Mais le tissage de tels rapports est facilité par l’existence de cette zone commune dite de « geographic linkage area » occupée par des pays qui ont la particularité d’être, en même temps, des Etats arabes et africains. C’est pourquoi, à mon sens, sens que l’usage de l’expression « relations arabo-africaines » mérite quelques éclaircissements d’ordre géographique.
Mais, on continue quand même de voir des spécialistes comme vous utiliser des termes comme « relations arabo-africaines », les mots sont quand même importants….
Il est sûr qu’une telle expression peut sembler confuse lorsqu’elle laisse entendre une scission entre deux zones ou une différenciation entre deux « entités » géographiquement et historiquement distinctes. C’est pourquoi, l’expression « arabo-africain » me semble tellement imprécise et artificielle si l’on sait que 60 % des populations désignées comme Arabes vivent sur le continent africain et que les 2/3 des territoires considérés comme faisant partie du monde arabe se trouvent en Afrique.
Les Maghrébins sont-ils alors pour vous, des Arabes ou des Africains à part entière ?
Un Africain sur quatre est arabe et certains estiment que, par nombre de locuteurs, l’arabe est la première langue parlée en Afrique.. Dans cette expression plus que confuse mais très souvent admise pour un usage général, il faut, donc, entendre par « Arabes » ces populations maghrébines en plus de l’Egypte dans différents Etats d’Afrique du Nord, dans la terminologie des différents spécialistes de la question. Ey je ne veux pas entrer dans le débat sur la classification des ethnies du Maghreb consistant à désigner qui serait vraiment arabe ou berbère. Il serait intéressant de noter qu’en Afrique subsaharienne, notamment au Sénégal, ce débat n’a jamais été posé. En wolof, on appelle « naar », « arabe », toutes les populations à partir de la rive droite du fleuve. Cette région a été, très tôt, en contact avec les populations venues du Nord, depuis ses premières organisations politiques. Les Mauritaniens sont appelés « naaru gannaar », arabes de Mauritanie et les Marocains sont les « naaru Faas », ces arabes de « Fès » toujours objets de fascination mais aussi de respect, au Sud du Sahara ou encore « naaru Beyrouth » pour désigner les Syro-libanais. Cette perception positive du Maroc, par exemple, est certainement due à la fonction spirituelle remplie par la capitale religieuse du royaume chérifien surtout auprès des adeptes de la Tijâniyya représentant 55 % des Musulmans sénégalais.

Mais avec tout cet héritage que vous évoquez comment expliquer le rapport des Maghrébins à l’Afrique ?

Il est vrai que le mot « Afrique » ne cesse d’interroger le maghrébin. Notre ami A. Chaouite exprime bien cette situation confuse entre l’appartenance géographique au continent «noir» et le fait de se reconnaître dans sa culture et son identité. Il se définissait une mentalité de maghrébin-deuxième-moitié-de-ce-siècle pour qui le mot Afrique est un mot géographiquement familier et mythologiquement et historiquement plutôt étranger. Cette déchirure culturelle est partagée par plusieurs peuples dits de carrefour, c’est-à-dire à la lisière entre l’Afrique noire et l’Afrique blanche, comme Yves Lacoste aimait délimiter ce continent. On partage, géographiquement, l’appartenance à un continent dit noir mais on est habité par cette volonté de se différencier pour pouvoir partager, aussi, la fierté d’appartenance à la culture arabe ou arabo-islamique. Cette tension est omniprésente. Ainsi, le monde noir, si proche de l’environnement saharien, renvoie pour bon nombre de populations à sa lisière, à un monde imaginaire, invisible et caché jusqu’à la rencontre que rendent possible des contingences culturelles.

Vous reconnaissez alors qu’il a une véritable de déchirure culturelle ?

Oui certainement mais une déchirure culturelle qu’il faudrait cependant nuancer à partir de faits rarement étudiés et qui méritent de l’être dans un choix de dialogue interculturel. Rapports historiques concrets et influences mutuelles ont toujours caractérisé le Maghreb méditerranéen et l’Afrique subsaharienne posés comme deux entités anthropologiquement discernables. Pour certains analystes, le Maghreb, quelles que soient ses spécificités anthropologiques, ferait pourtant partie intégrante de la pluralité africaine.

Mais à quoi est donc due cette hésitation ou ce positionnement hésitant ?

Un autre fait devrait nous interpeller : le rôle de carrefour qu’a joué le Maghreb. Toujours hésitant à se dévoiler à lui-même, le Maghreb ne peut qu’osciller entre son amazighité qui l’oriente vers le Nord, l’est et le Sud. Ce ne sont donc pas les passerelles culturelles ou les références historiques qui font défaut mais une réelle volonté d’assumer ce passé commun. Mais, par exemple, le Maroc l’a bien compris : coincé au Nord par l’Espagne et à l’Est par le voisin algérien, il a toujours cherché une profondeur africaine au Sud du Sahara.

Que préconisez-vous alors pour vaincre ces réticences, dépasser ces clivages et avancer ensemble ?

J’avais dit au Colloque de Rabat que seule, une sorte de « thérapie collective » par une revivification du passé positif pourrait palier ce manque de reconnaissance, source des préjugés persistants. Car le regard intersubjectif du Maghreb nordiste est voilé de l’impensé d’une africanité étrange et familière. Plus que du racisme, la difficulté du rapport entre Noirs africains et Arabes est imputable à la difficulté d’assumer le carrefour dans ses réalités, et une pluralité sur le même plan d’immanence. Comme l’autre qui que « le Sahara n’a jamais été une barrière infranchissable mais une mer intérieure qui invite à passer d’un rivage à l’autre » ? Il serait intéressant de se pencher plus souvent sur le passé commun tant négligé dans la tradition universitaire occidentale afin de rendre compte des points de convergence préalable à tout dialogue interculturel.

Justement vous évoquez à chaque fois un passé commun, mais qu’est-ce qui rapprochent ces deux peuples de part et d’autre du Sahara ?

Je crois qu’il y a avant tout l’impact de la langue arabe et la religion qui l’a inscrit dans les pratiques des sociétés subsahariennes. Le commerce
Transsaharien dont j’ai tant parlé qui s’est développé dès le Moyen-âge se servait de l’arabe et de son alphabet pour faciliter les échanges entre commerçants africains et arabes. D’ailleurs, l’impact de l’arabe sur les langues africaines est plus sensible dans le champ lexical du commerce (poids, mesures, temps etc.), ou encore de la perception, forcément religieuse, du monde et de l’univers – l’arabe étant la principale sinon la seule langue liturgique des musulmans. Cette sacralité nourrit l’importante production littéraire en arabe et en « ’ajami » (textes en langues locales transcrites avec l’alphabet arabe enrichi de signes diacritiques pour les sonorités étrangères à l’arabe). Par exemple, chez les Sénégalais, l’arabe jouit en effet, comme langue et mode de civilisation, garde un caractère sacralisé. Une conception déterminante dans le débat, ou querelle idéologique, sur le rapport de l’Africain à l’islam et sa place dans cette communauté transnationale.

Selon vous le dialogue Sud-Sud est-il vraiment possible et dans quelle mesure ?

Ce dialogue a tout un terrain devant lui balisé. Il ne lui reste qu’à s’y dérouler en mettant au profit un héritage millénaire en commun, une proximité géographique mais surtout des défis similaires à relever : l’affranchissement de la domination politique et économique du Nord, une affirmation plus importante sur la scène internationale et la proposition d’alternative surtout à un moment où les modèles économiques importés de l’Occident ont conduit aux crises que l’on sait. C’est le moment où jamais pour les Africains de profiter de cette situation de la fin des pré-carrés, pour multiplier et diversifier les partenaires notamment en Asie où d’autres modèles émergent et en Amérique du Nord et du Sud. En tout cas les Asiatiques ont donné le ton : il est tout à fait possible de connaître le développement et l’essor économique en s’enracinant dans sa culture et son système de valeur loin de toute acculturation au nom d’une ouverture à sens unique. Au regard des interrogations qui habitent les systèmes occidentaux et le désarroi devant les innombrables crises, e modèle peut bien venir de nous-mêmes !

A propos de Dr. Bakary SAMBE
Arrivé du Sénégal en 1993 pour ses études à l’Université Lumière-Lyon 2 et à Sciences Po Lyon, Bakary Sambe est spécialiste des relations internationales. Titulaire d’un Master en langues et civilisations étrangères, Il obtient ensuite, un doctorat en sciences politiques. Depuis 2003, il est chercheur associé au Groupe de Recherches sur la Méditerranée et le Moyen-Orient GREMMO à la Maison de l’Orient de Lyon. Politologue, spécialiste des rapports arabo-africains, du militantisme islamique et des réseaux transnationaux, il vient de publier Islam et diplomatie : la politique africaine du Maroc (juillet 2010). Après avoir enseigné à l’Ecole internationale de Commerce et Développement (3A Amérique-Afrique- Asie), à l’Aga Khan University- Institute for the Study of Muslim Civilisations, de Londres, il rejoint, comme chercheur et expert, la European Foundation for Democracy (EFD) à Bruxelles. Il se dit vouloir être un « pont intellectuel » entre l’Europe, le monde arabe et son Afrique natale, il est également membre du Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences sociales en Afrique (CODESRIA) depuis 2008 et membre fondateur de la Fondation Europe – Méditerranée pour la coopération en sciences culturelles et pour l’échange culturel dans l’espace euro-méditerranéen. Très impliqué sur la question de la diversité en France, il fut invité, récemment aux Etats-Unis, par le Département d’Etat Américain dans le cadre du International Visitors leadership Program.

Présentation à Casablanca de l’ouvrage « Islam et diplomatie: la politique africaine du Maroc » de son auteur Bacary Sambe

Lundi 1 novembre 2010

26/10/2010 08:07.
(MAP) Maghreb Arabe Presse

Paru en langue française aux éditions « Marsam », cet essai de 238 pages met en lumière les liens séculaires entre le Maroc et le Sénégal en particulier et les pays de l’Afrique de l’Ouest en général. Des liens séculaires où la dimension religieuse revêt une importance particulière, compte tenu du rayonnement spirituel du Royaume au niveau du continent africain qu’illustre parfaitement la « Tariqa Tijaniya », qui compte des millions d’adeptes dans les pays d’Afrique de l’Ouest, a tenu à expliquer M. Sambe dans une déclaration à la MAP.

Pour M. Abdelwahab Maalmi, professeur des relations internationales à la faculté de Droit de Casablanca, l’ouvrage retrace l’histoire du Maroc, « carrefour entre l’arabité, la berbérité et l’africanité » qui reste « ce pays, cet arbre, avec la posture singulière de pouvoir autant tendre ses branches vers la Méditerranée que de persévérer dans la préservation de ses racines africaines ».

Cette oeuvre tente également d’analyser les facteurs qui garantissent au Maroc, « pays de ressourcement spirituel pour des millions d’Africains, son prestige diplomatique en Afrique », fondé sur l’histoire, l’imaginaire et surtout son statut de « modèle religieux », a dit M. Maalmi, précisant que cet essai part du passé historique pour déboucher sur les stratégies africaines du Maroc contemporain « qui a toujours pu s’appuyer sur un héritage largement nourri de références religieuses et spirituelles ».

Ont assisté à la cérémonie de présentation de cette Âœuvre une palette d’intellectuels ainsi que des politologues, des chercheurs et des hommes de lettres.

Bakary Sambe est docteur en Sciences politiques spécialisé en Relations internationales (IEP de Lyon) et titulaire d’un Master en langues et civilisations étrangères. Il est chercheur au sein du Groupe de recherches sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMMO) connu pour ses études des rapports arabo-africains.