Tunisie, Egypte, le même but mais…
(Source: Agoravox)
Il est évident que le peuple égyptien s’est révolté, suivant l’exemple du tunisien, avec le même but, à savoir se débarrasser de son président, le « raïs », véritable potentat en place depuis un peu plus de…32 ans (contre 23 pour son « collègue » tunisien, en fuite).
Mais si ce peuple arrivait à ses fins – ce qui n’est pas encore le cas – quelles seraient les conséquences pour cette nation stratégique dans la région et riche de 80 millions d’âmes ?
Certainement pas les mêmes que celles qui s’installent actuellement en Tunisie.
Il faut tout d’abord souligner que les deux révoltes ont eu des sources différentes. Rurales en Tunisie, citadines en Egypte. Que la première a été a été assez rapidement encadrée, puis menée à son terme, par un syndicat puissant et surtout une classe moyenne mature et responsable, couche sociale très importante dans le pays, au contraire de l’Egypte.
La révolte de celle-ci, après les premiers soubresauts, a été par contre récupérée en grande partie par les « frères musulmans », religieux pugnaces, combattus fermement par le pouvoir. Le choix du vendredi, jour réservé à l’exercice de l’islam, pour lancer les manifestations de masse en témoigne. Comme les prières exécutées par des milliers de manifestants dans les rues et avenues devant les caméras et les cris de « Allah Akbar », « Dieu est Grand » qui ont conduit les cortèges.
Et c’est justement ce dernier élément qui fera la différence entre les deux mouvements si jamais les égyptiens arrivaient à se débarrasser de leur octogénaire raïs et de ses sbires. Il est indéniable que le pays des pharaons une fois libéré, serait soumis à une religiosité beaucoup plus présente qu’actuellement. Il ne faut pas oublier que la population des déshérités, beaucoup plus pauvre que celle de la Tunisie, constituera un ferment propice à la propagation du « refuge religieux ».
En Tunisie la question n’est pas trop d’actualité. Une fois le dictateur éjecté et après quelques jours de contestation devant le siège du Premier Ministre, le peuple a réussi à exclure du gouvernement dit « de transition » la quasi-totalité des représentants du parti alors au pouvoir, le RCD. Le cabinet en place, où ne siège aucun religieux, est chargé, rappelons le d’organiser des élections législatives comme présidentielles dans un délai de six mois, quitte à modifier certains articles de la constitution et du code électoral.
Mais, et il faut le souligner, dans la paix et la liberté de paroles revenues, la rue tunisienne discourt entre autres de l’éventuelle arrivée en politique d’un parti religieux légal et même de savoir s’il est toujours opportun de conserver dans la Constitution, la mention qui affirme que l’Islam est la religion de l’Etat.
Sur le sujet, les avis sont partagés. Certains prétendent que le parti religieux qu’on pourrait désigner comme « musulman démocratique » serait identique à la « démocratie chrétienne » de l’Occident. D’autres par contre, continuent de s’interroger. Il est vrai qu’apparemment – certains reportages télévisés l’ont hélas démontré – la majorité des religieux incarcérés sous l’ère Ben Ali et qui ont été récemment libérés sont apparus, quelquefois dans les paroles mais surtout dans les attitudes, parmi les plus fervents adeptes de l’Islam pur et dur.
Et compte tenu de l’énorme affluence populaire qui a réceptionné dimanche à Tunis le retour au pays après 20 ans d’exil de Rached Ghannouchi le leader islamiste, on se demande dès lors si d’une part les mosquées du pays resteront interdites d’accès en dehors des heures de prières comme elles l‘étaient jusque là, et d’autre part s’il sera désormais interdit à ces mêmes mosquées de dispenser l’enseignement primaire aux enfants qui ne sont pas encore en âge de scolarité. Quelques uns se mettent aussi à rêver qu’entre autres « libertés religieuses »,… le mariage civil (il n’en existe pas d’autre dans le pays) entre homme et femme de confessions différentes, soit enfin possible.
Tout laisse supposer toutefois que la laïcité qui nourrit la Tunisie depuis des lustres, à travers ses élites et la quasi-totalité de sa classe dite moyenne, la mettra à l’abri de tout excès religieux.
Ce qui n’est pas encore le cas en Egypte. D’autant que son armée, au contraire de la tunisienne, n’a pas encore pris parti pour le peuple. Le monde occidental, inquiet comme l’est son chef de file, les Etats Unis d’Amérique, principal bailleur de fonds du régime de Moubarak, n’a pas encore désavoué totalement le pouvoir du raïs. Il lui demande des réformes profondes plutôt que de « prendre la fuite comme l’autre ».
Il est donc fort à parier que la révolte sanglante des égyptiens ne conduira pas à une complète révolution. D’autant que la position géographique de cet énorme réservoir humain, se trouve, comme la Jordanie et la Syrie, aux pouvoirs semblables, bien proche d’Israël, le chouchou de ces mêmes occidentaux.
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