Par Danièle HUBERT
Il est aujourd’hui reproché aux dirigeants occidentaux de « n’avoir rien vu venir » à propos des révolutions en cours en Afrique du Nord. Facile à dire après coup : qui pouvait prévoir que le suicide d’un jeune marchand de quatre saisons allait enflammer le monde arabe ?
Mais il serait impardonnable qu’il en soit de même quant aux évolutions parfaitement prévisibles du reste de l’Afrique.
Chacun sait que le continent africain, réservoir de matières premières considérable, joue un rôle de plus en plus déterminant dans l’économie de la planète et les équilibres géostratégiques. Les entreprises multinationales y réalisent des bénéfices qu’elles veulent bien sûr préserver, mais le sous-sol africain suscite aussi la convoitise des pays émergents qui veulent assurer les approvisionnements indispensables à leur développement.
Parallèlement, la lutte contre le terrorisme et la nécessité de sécuriser les approvisionnements énergétiques amènent les grandes puissances à être particulièrement attentives à ce qui se passe en Afrique.
Malgré le trésor que constituent les ressources de son sol, l’Afrique peine à se développer. Ceci tient au fait que l’émergence de dirigeants pouvant permettre la mise en place d’un nouveau partenariat gagnant/gagnant avec les grandes puissances et les entreprises multinationales se trouve entravée par un management politique d’un autre âge, plus ou moins pérennisé par des acteurs internationaux qui manquent de vision : la communauté internationale et le monde entrepreneurial doivent cesser de soutenir de quelque manière que ce soit des régimes prévaricateurs, au Gabon ou ailleurs. Ils doivent refonder la préservation légitime de leurs intérêts sur le développement, l’enrichissement des populations et l’ouverture de nouveaux marchés potentiellement considérables. Tout le monde à tout à y gagner.
Incapables de considérer l’intérêt commun, les dirigeants de ces pays se montrent le plus souvent déconnectés des préoccupations de leurs peuples et détournent au profit de leur clan les richesses nationales, au lieu de gérer la part du commerce mondial qui leur revient dans l’intérêt de tous. Ces abus se traduisent par une misère inacceptable et des inégalités explosives (le Gabon enregistre le premier PIB d’Afrique avec 14 500 $ par habitant et par an, alors que 60% de la population y vit dans des bidonvilles au-dessous du seuil de pauvreté).
Les peuples protestent, font grève, manifestent, se mobilisent au travers d’associations… tandis que les pouvoirs issus de la prétendue démocratisation des années 1990, tendent à se crisper. Coups d’état, falsification des élections, manipulations constitutionnelles… maintiennent au pouvoir quasi systématiquement des régimes rejetés par des peuples résignés, et contraints au silence par la peur.
Dans la plupart des pays d’Afrique, près de la moitié de la population à moins de 15 ans. Souvent précarisées et sans perspectives, les nouvelles générations cherchent leur place. Dans les campagnes en crise, les ghettos urbains ou sur les campus paupérisés, elles inventent des références culturelles, alimentant de nouvelles formes de contestation. Dans cet univers mouvant où les réseaux sociaux prennent une importance majeure, la tentation de la violence s’installe comme une donnée sociale, un défi pour des populations en quête légitime d’un avenir meilleur, qu’elles savent à portée de main.
L’Afrique est riche. Une distribution plus juste de ses ressources en ferait pour demain l’un des marchés présentant les plus forts potentiels de développement, dans l’intérêt même des économies occidentales.
Les responsables de la diplomatie française comprendront-ils enfin que l’évolution démocratique de toute l’Afrique sub-saharienne est inévitable ? La France saura-t-elle se positionner favorablement pour accompagner un développement porté par une énergie populaire qui ne demande qu’à s’exprimer ? Qui en France saura impulser un nouveau partenariat avec les dirigeants de demain ?
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