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Archive pour février 2012

Le régime d’Abdoulaye Wade : Des mesures liberticides à la profanation de la Zawiya Tijâniyya

Mardi 21 février 2012

Par Dr. Bakary Sambe

Source : oumma.com

Les images de ce vendredi, de fidèles qui s’étouffent et suffoquent en plein Dzikr (invocation), dans une mosquée bondée aux vitres cassées et assaillie de policiers à la chasse aux opposants, n’augure rien de souhaitable pour le Sénégal.

A force de vouloir se perpétuer, même illégalement, pour un troisième mandat anticonstitutionnel, le régime d’Abdoulaye Wade veut-il en arriver à casser le « contrat social sénégalais » ? Ce pays était connu dans le monde par l’harmonie presque parfaite entre ses communautés religieuses.

Heureuse exception dans  « l’Afrique des dictatures », le Sénégal, ce pays de 95 % de Musulmans, fut dirigé pendant vingt ans par Léopold Sédar Senghor, un président de confession catholique, soutenu par la plupart des confréries musulmanes. D’ailleurs, avant l’indépendance, le même Senghor était député du Sénégal colonial au Palais Bourbon, pendant longtemps plébiscité par les marabouts contre un musulman du nom de Lamine Guèye. Cela n’a jamais posé problème aussi bien au sein des communautés musulmanes que dans l’élite religieuse du pays de manière générale.

Mais, ces dernières semaines, cette « vitrine démocratique de l’Afrique » a commencé à s’écarquiller et la communauté internationale découvre un visage méconnu du Sénégal. Celui d’Abdoulaye Wade qui, non content de restreindre les libertés individuelles et politiques (interdictions de manifester et de se réunir), s’attaque maintenant à celle du culte.

La scène est insoutenable en plein centre de Dakar. En pleine séance de hadratoul Joumou’a (Dzikr du vendredi), un des piliers de la confrérie Tijâniyya qui se pratique, le vendredi après-midi, entre les prières d’Al –Asr et du Maghrib, les éléments de la police sénégalaise ont « bombardé » la foule de fidèles avec des lacrymogènes et autres projectiles, faisant fi des circonstances sacrées et du respect minimum dû à un lieu de culte.

La dérive liberticide s’installe au pays de la Teranga (hospitalité et savoir vivre) et n’épargne même plus des espaces aussi symboliques de l’islam et de la Tijâniyya . Cette Zawiya ainsi profanée a été fondée, au début du 20è siècle, par Cheikh El Hadji Malick Sy, une des « figures historiques de l’islamisation en profondeur du Sénégal » (voir oumma.com), en pleine période coloniale. C’était un des symboles de la résistance culturelle à la politique d’ « assimilation de l’indigène », chère à la troisième République.

Pourtant, beaucoup de témoignages rappellent que, même durant la colonisation, malgré la proximité géographique entre la Zawiya et le Palais du Gouverneur de l’Afrique occidentale française (AOF), l’Administration a toujours couvert d’un certain respect ce lieu « sacré » malgré les « gênes occasionnées par le muezzin ».

Mais, le régime de Wade n’en est pas à sa première profanation et violation de la liberté de culte comme d’opinion. En 2007, un haut responsable de l’opposition avait été arrêté à sa sortie de messe à l’occasion de la fête religieuse de Pâques au grand dam des autorités de l’Eglise et des défenseurs des Droits humains. C’est, aussi, sous Abdoulaye Wade que des évêques ont reçu des menaces de mort, à l’époque, unanimement condamnées par la classe politique du pays.

Cependant, l’évènement de ce vendredi 17 février, à une semaine d’un scrutin incertain tant la candidature de Wade est largement contestée bien que « validée » par un Conseil constitutionnel dont le salaire des membres fut généreusement augmenté à une semaine du dépôt des listes. Rappelons qu’il y a, à peine deux mois, Abdoulaye Wade avait même fait appel au lobbying de juristes français pour contrecarrer l’avis des constitutionnalistes sénégalais unanimes sur l’inconstitutionnalité de sa troisième candidature.

L’on se souvient la manière dont les conséquents per diem de ceux appelés les « tirailleurs français » de Wade, à la charge du contribuable sénégalais, ont fait l’objet de toutes les dénonciations dans la classe politique.

Aujourd’hui, la timide réaction des chancelleries occidentales, le soutien des caciques du régime et de leurs clientèles, semblent conforter Abdoulaye Wade dans sa volonté de vouloir rester illégalement à la tête du Sénégal. Hier, encore (17/02/2012), Karim, son fils et probable héritier d’une « république bananière » en gestation, était l’hôte de la société de communication Image Sept, sur les Champs Elysées pour prédire les résultats des élections de la semaine prochaine : 53 % pour Wade qui passerait au premier tour !

Les services d’un proche d’Alain Madelin, Anne Méaux de l’Agence Image Sept, dont nul n’ignore le passé militant au sein du Groupe Occident, assurent la communication de Wade comme elle s’occupait, jusqu’à sa chute, de l’image d’un certain Ben Ali. Le grand Cabinet parisien a bien pris le soin d’affecter la très connue sur la place du Paris communiquant, Marie Luce Straborsky, comme « coach » de l’« ami sénégalais », Abdoulaye Wade, pour les besoins d’un forfait qui se trame.

Presque sûr des résultats que l’opposition sénégalaise dit être « préfabriqués », le régime d’Abdoulaye Wade persiste dans la violation des libertés fondamentale après celle de la Constitution.

Mais les images de ce vendredi, de fidèles qui s’étouffent et suffoquent en plein Dzikr (invocation), dans une mosquée bondée aux vitres cassées et assaillie de policiers à la chasse aux opposants, n’augure rien de souhaitable pour le Sénégal.

Pourtant, à l’origine de tout cet acharnement, un simple rassemblement pacifique qu’un candidat de l’opposition voulait tenir à la mythique Place de l’indépendance et arbitrairement interdit par le régime de Wade. L’opposant « historique » de naguère qui a bien vite oublié les raisons et les circonstances de sa victoire contre Abdou Diouf avec tous les sacrifices consentis par notre génération. D’ailleurs, un de ses plus sérieux challengers, Idrissa Seck, en concluait hier que c’était bien « le Jour 1 de la dictature au Sénégal ».

Cet évènement inédit dans l’histoire politique et religieuse du Sénégal a, d’ailleurs, été à l’origine de violentes manifestations dans la ville de Tivaouane, capitale de la Tijâniyya sénégalaise et même dans d’autres cités religieuses du pays.

La vigilance est, donc, de mise car le Sénégal des poèmes de Senghor, chantre de la Négritude, le Sénégal de l’alternance politique pacifique en 2000, celui de la coexistence harmonieuse des religions et des peuples, des idéaux de la démocratie et de la Civilisation de l’Universel, est vraiment en pleine zone de turbulence.