Archive de la catégorie ‘DIVERSITE’

Bakary SAMBE to Associated Press : Terrorism: Senegalese perception has completely changed

Vendredi 26 février 2016

Senegal (AP) — Dozens of armed security forces descended on the Quranic school at night, arresting an imam suspected of having links to Islamic extremists in Nigeria.

As the forces encircled the home of Imam Alioune Badara Ndao, 300 boys from his boarding school ran into the dirt courtyard, panicked at the sudden appearance of the gendarmes in this peanut-industry town.

More arrests were carried out in the weeks that followed, including of three other imams accused of supporting Boko Haram, stoking fears that extremism could be sprouting in this predominantly Muslim, moderate nation that prides itself on its tolerance and co-existence with the Christian minority population.

 The Associated Press

« Until now the debate on terrorism was considered a distant one, but with these new arrests Senegalese perception has completely changed, » said Bakary Sambe, an expert on radicalism and religious conflict in Africa who is based at Gaston Berger University in Saint-Louis, Senegal. « People are starting to see this as a local reality. »

Authorities said they found a video on the night of Ndao’s arrest at the Quranic school last October that they said « glorified terrorism » and believe the imam had been meeting regularly with a Senegalese jihadist looking to set up a Boko Haram cell here after living and training in Nigeria.

Ndao vigorously denies the accusations.

Recent al-Qaida attacks on hotels frequented by foreigners in two other West African countries, Mali and Burkina Faso, that killed dozens of people have elevated fears that extremist attacks are creeping further out from North Africa. Even before the Burkina Faso attack, Senegal’s president was calling for the burqa to be banned, saying the long shapeless garment worn by conservative Muslim women also could be used by suicide bombers to hide explosives.

Senegal is stepping up security at possible targets, including large hotels and foreign embassies. Authorities are increasing surveillance too. Police have detained more than 500 people in Senegal this year as part of an anti-extremism effort though most offenses were for counterfeit currency or not having the proper paperwork for vehicles.

In Kaolack, some 112 miles (180 kilometers) from the capital, there is still shock over the raid and disbelief that Ndao could have supported Boko Haram, a Nigerian group which has pledged allegiance to the Islamic State. Neighbors and supporters say Ndao is well-respected in the community and led a local league of imams and preachers. His attorney insists any jihadist propaganda found on the premises were for research.

« Imam Ndao is a scholar who is doing research on terrorism, and so it is not surprising that he would have this video, » says his lawyer Babacar Ndiaye.

However, others maintain that the connection between Ndao and the extremist group is far more direct, including regular meetings with the Senegalese jihadist named Makthar Diokhane who is currently jailed in Niger and accused of trying to set up a Boko Haram cell in his home country with at least four accomplices also being held in Niger.

It was Diokhane’s travels that apparently led authorities to arrest the imams, as his movements were being tracked by intelligence services from at least two countries before he was arrested last year.

Diokhane had visited Ndao at his Quranic school in Kaolack on several occasions. The imam’s lawyer, though, insists Diokhane was a former student whom the imam had lost touch with until only very recently.

Diokhane’s wife was also arrested, allegedly in possession of more than 23,000 euros worth of currency.

Now the four imams, Diokhane’s wife and a second woman are facing a variety of charges ranging from money laundering to financing terrorism.

For some, Ndao’s arrest merely amounts to guilt by association — no information released publicly has implicated any of the suspects in plotting a specific attack or recruiting others to violent jihadism.


Dr. Bakary Sambe au Journal le Monde : « Le soufisme doit se renouveler pour séduire les jeunes attirés par le salafisme »

Vendredi 26 février 2016

Multiplication des contrôles de police, arrestations d’imams, fermeture de mosquée… L’Etat sénégalais a renforcé ses mesures de sécurité depuis les attentats de Bamako, fin novembre 2015, et de Ouagadougou, en janvier. Des événements qui marquent « la fin des exceptions en Afrique de l’Ouest », selon Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute African Center for Peace Studies et coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique.

Contre la menace terroriste qui plane désormais sur le Sénégal, celui-ci préconise une réactualisation du discours des guides religieux qui, depuis longtemps, constituent un élément de cohésion sociale auSénégal.

Peut-on parler d’une radicalisation islamique de la société sénégalaise ?

La radicalisation reste un phénomène marginal parce que l’islam majoritaire au Sénégal est essentiellement soufi, confrérique et tolérant. Le champ religieux sénégalais est diversifié depuis les années 1950. C’est à partir des années 1970-1980 que des mouvements sont nés sur la base de leur opposition au système confrérique, considéré par certains comme « impur ».

Ces mouvements sont animés par l’idéologie salafiste qui s’est diffusée depuis le Moyen-Orient par le biais de la prédication, la da’wa. Le terreau idéologique était certes bien là depuis longtemps, mais c’est le phénomène de la mondialisation et la réduction de l’espace par les moyens de communication modernes qui en ont accéléré la propagation.

Lire aussi : Quand Khartoum « éduque » et islamise l’Afrique

Aujourd’hui, on assiste donc à l’aboutissement d’une longue évolution. Et ce malgré l’illusion longtemps entretenue dans les études africaines d’un islam subsaharien qui serait en marge de l’évolution globale des sociétés musulmanes.

Le Sénégal est l’un des berceaux de l’islam confrérique d’Afrique subsaharienne. Comment l’islam soufi résiste-t-il à cet islamisme d’inspiration wahhabite ?

« Le Sénégal est resté un îlot de stabilité dans l’océan d’instabilité qu’est l’Afrique de l’Ouest »

Les confréries ont d’abord été des cibles idéologiques puisque la naissance de l’islam radical s’est faite sous la bannière de la contestation virulente de ces confréries. Mais, jusqu’à présent, le Sénégal est resté un îlot de stabilité dans l’océan d’instabilité qu’est l’Afrique de l’Ouest. Et ce, grâce aux confréries, qui ont ralenti la pénétration massive des salafistes. On peut donc, sur ce point, les considérer comme un rempart.

image: http://s1.lemde.fr/image/2016/02/10/768×0/4862566_7_6605_une-peinture-d-el-hadji-malick-sy-chef_dd05a5339a1a7a2545baf89f00eea59f.jpg

Une peinture d'El-Hadji Malick Sy, chef spirituel de la confrérie des tidjanes, à Dakar.

Une peinture d’El-Hadji Malick Sy, chef spirituel de la confrérie des tidjanes, à Dakar. CRÉDITS : SEYLLOU/AFP

Mais la question, aujourd’hui, est de savoir si ce rempart pourra tenir et s’adapter. Car, en face, on a une jeunesse en forte demande religieuse. Or les confréries peinent parfois à offrir un cadre spirituel adéquat et réactualisé. Du coup, certains de ces jeunes sont attirés par le semblant de modernité que leur offrent les salafistes.

Ces mouvements ont même investi l’espace universitaire en ayant pris, systématiquement, le contrôle des mosquées des deux grandes universités du pays : Cheikh-Anta-Diop à Dakar et Gaston-Berger à Saint-Louis. Depuis une quinzaine d’années, un travail de maillage s’est fait au niveau des étudiants et d’une élite intellectuelle que le discours traditionnel n’arrive plus à mobiliser. Ce qui contredit les analysesclassiques sur la paupérisation, la marginalisation et le mal-développement qui n’explique pas tout le phénomène de la radicalisation. Le soufisme doit se renouveler pour séduire les jeunes attirés par le salafisme.

Y a-t-il eu des initiatives des guides religieux face au terrorisme ?

En décembre 2015, lors du Mouloud, la célébration à Tivaouane – l’une des capitales spirituelles des tidjanes – de la naissance du prophète Mahomet, le thème retenu par les jeunes portait sur la lutte contre les radicalismes religieux. Un symposium s’est d’ailleurs tenu en présence des chefs religieux et du président sénégalais. Avant cela une conférence internationale sur l’initiative des niassènes de Kaolack, une grande famille religieuse au Sénégal, portait sur la paix et le refus de l’extrémisme. Les confréries ont donc pris la mesure de l’enjeu de la montée du radicalisme et tentent de la contrer par l’éducation à la paix et la prévention.

Lire aussi : Au Maroc, former des imams africains et français pour lutter contre le terrorisme

Seulement, pour que leur action devienne efficace, il faudrait une modernisation de leur discours, qui doit notamment s’adapter à la jeunesse constamment ciblée par les éléments de récit extrémistes et la propagande salafiste. Au-delà du Sénégal, les confréries et les autres organisations islamiques majoritaires dans les Etats de la sous-région prennent également des initiatives en faveur de la déradicalisation. En Mauritanie par exemple, la Ligue des oulémas utilise même d’anciens repentis djihadistes pour décourager l’enrôlement et le recrutement des jeunes.

image: http://s2.lemde.fr/image/2016/02/10/768×0/4862569_7_3710_des-membres-de-la-confrerie-des-tidjanes_ede440db1c4d27513a4bd30718ef94fa.jpg

Des membres de la confrérie des tidjanes autour du tombeau du cheikh Ahmed Tidjane Chérif, à Fès, au Maroc.

Des membres de la confrérie des tidjanes autour du tombeau du cheikh Ahmed Tidjane Chérif, à Fès, au Maroc. CRÉDITS : FADEL SENNA/AFP

La réponse africaine à l’extrémisme violent serait donc la promotion et la défense du soufisme ?

Oui. Cela passerait par une réactualisation du message du soufisme qui est davantage adapté à nos cultures. Au Sénégal, le soufisme est confrérique et offre un cadre de sociabilisation qui ne laisse pas beaucoup de place à la conquête des nouvelles idéologies. C’est un islam de paix qui, depuis des siècles, a su composer avec nos valeurs culturelles, et c’est pour cela que l’islamisation des sociétés africaines n’en a pas destructuré le fonctionnement.

« La conquête des cœurs est plus efficace et durable que la domination des corps »

Les salafistes au Mali ont détruit des mausolées qui faisaient partie du patrimoine national. Aux XVIIIe et XIXe siècles déjà, des figures historiques avaient tenté d’islamiser nos sociétés par le djihadisme. Cela n’a jamais véritablement prospéré. Car, à mon sens, la conquête des cœurs est plus efficace et durable que la domination des corps. Les soufis comme El-Hadj Malick Sy, El-Hadji Abdoulaye Niasse ou encore cheikh Ahmadou Bamba ont fait de l’islam au Sénégal un élément de cohésion sociale.

Lire aussi : « Le soufisme peut être un rempart à l’islam radical »

Et ce n’est pas un hasard si les premières cibles des djihadistes sont les confréries puisqu’elles constituent un verrou qui protège de la montée de l’extrémisme violent.

Comment la menace djihadiste est-elle perçue ?

« Depuis les attentats de Bamako et surtout de Ouagadougou, c’est la fin des exceptions en Afrique de l’Ouest »

Avant, le djihadisme était perçu comme un phénomène lointain. Mais depuis les attentats de Bamako et, surtout, de Ouagadougou, c’est la fin des exceptions en Afrique de l’Ouest. Avant, le Sénégal et le Burkina Faso étaient érigés en modèle avec des sociétés où l’islam était tolérant et la coexistence entre les confessions des plus harmonieuses. Les attaques de Ouagadougou inaugurent sans nul doute une nouvelle ère dans notre rapport au terrorisme.

image: http://s1.lemde.fr/image/2016/02/10/768×0/4862567_6_41c1_un-officier-senegalais-inspecte-les-voitures_3764107300c516c8a9042cacf7d85b72.jpg

Un officier sénégalais inspecte les voitures à l'entrée d'un hôtel dakarois, le 22 janvier 2016.

Un officier sénégalais inspecte les voitures à l’entrée d’un hôtel dakarois, le 22 janvier 2016. CRÉDITS : SEYLLOU/AFP

Que pensez-vous des critiques qui dénoncent une réaction démesurée des autorités sénégalaises face à la menace terroriste ?

A mon humble avis, l’Etat sénégalais, dont les représentants n’ont jamais été prolixes en la matière, est tellement soucieux des investissements étrangers, de la réussite du Plan Sénégal Emergent et du tourisme qu’il ne prendrait pas le risque d’évoquer cette menace s’il n’y avait pas le minimum d’éléments probants.

Lire aussi : Dakar muscle sa sécurité de crainte d’attentats terroristes

Dans l’une de vos conférences et lors des rencontres internationales, vous appelez les gouvernants à revoir les orientations éducatives…

Ce ne sont pas les interventions strictement militaires qui vont vaincre le terrorisme. En amont, il faudrait alors des politiques préventives qui passeraient par deux canaux : le système éducatif et, vœu pieux, une plus grande justice sociale dans nos pays et sur la scène internationale pour mettre fin aux frustrations génératrices de radicalismes et de terrorisme. Les partenaires internationaux de l’Afrique devraient l’intégrer dans leur politique de coopération : chez nous, parfois, un char d’occasion, vieux modèle, coûte plus cher que la construction d’une école. S’ils veulent, donc, vraiment nous aider, le bon choix est vite fait.

Bakary Sambe est l’auteur de l’ouvrage Boko Haram, du problème nigérian à la menace régionale (éd. Presses panafricaines, juillet 2015).
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/02/10/le-soufisme-doit-se-renouveler-pour-seduire-les-jeunes-attires-par-le-salafisme_4862570_3212.html#IL7PHzMUteuZEl6I.99

Expansion de l’extrémisme religieux en Afrique : Pr Bakary Samb appelle les gouvernants à revoir les orientations éducatives

Jeudi 10 décembre 2015

Pour faire face à l’expansion de l’extrémisme religieux et du terrorisme, il faut préconiser la solution de la prévention par l’éducation, estime le Pr Bakary Samb. Cet enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et spécialiste des mouvements djihadistes donnait, jeudi dernier, une leçon inaugurale lors du lancement du Master 2 Défense, sécurité et paix du Centre des hautes études de défense et de sécurité.

Comment combattre un ennemi diffus, insaisissable et parfois intérieur ? Que doit faire une armée conventionnelle devant un mouvement non conventionnel dont l’objectif est, entre autres, déstabilisation l’Etat voire la destruction en vue de lui substituer un Etat islamique ? Trouver une réponse à ces questionnements relève aujourd’hui d’un dilemme pour toutes les armées du monde, selon le Pr Bakary Sambe qui, par ricochet, ne manque pas de se poser la question de l’efficience de la solution strictement sécuritaire contre le terrorisme et l’extrémisme. D’autant plus que, prenant l’exemple de Boko Haram, il fait observer que ce mouvement, malgré tous les moyens militaires mobilisés contre lui par une coalition de pays, continue ses exactions macabres au-delà des frontières nigérianes.

Dès lors, le nouveau défi n’est-il pas la prévention pour éviter l’intervention qui semble n’avoir pas eu les effets escomptés ? A cette question, le Pr Bakary Sambe répond par l’affirmative. « La lutte contre le terrorisme en amont avec une politique de prévention par l’éducation, le renforcement des capacités, la résorption des inégalités et la promotion d’espaces de socialisation alternatives au tout religieux, aux surenchères ethnico-confessionnelles paraîtraient plus efficaces que les formes de guerres asymétriques », argue-t-il. Cet enseignant à l’université de Saint-Louis et spécialiste des mouvements djihadistes donnait, jeudi dernier, une leçon inaugurale à l’occasion du lancement du Master 2 Défense, sécurité et paix du Centre des hautes études de défense et de sécurité
Etant d’avis que la radicalisation est « l’enfant issu du mariage entre l’injustice et l’ignorance », le Pr Sambe invite les gouvernants africains à agir sur les orientations éducatives et les programmes favorisant une plus grande inclusion des laissés pour compte afin d’éviter un plus grand émiettement des structures sociales et étatiques. « Au regard de son enjeu et de sa corrélation avec l’expansion des idéologies djihadistes violentes, la question éducative mérite aujourd’hui une interventionétatique africain, onusien, en faisant de la prévention par la socialisation le socle de la lutte contre le radicalisme religieux et l’extrémisme violent dans les décennies à venir », ajoute-t-il.

Dans la recherche de solutions, il appelle à intégrer la dimension anthropologique et à mettre à profit les ressources culturelles africaines en termes de médiation et de socialisation alternative. « Tant qu’on va continuer à privilégier l’intervention en lieu et place de la prévention par l’éducation et la justice sociale dans des régions où l’achat d’un vieux char coûte souvent plus cher que la construction d’une école, on ne s’en sortira pas », prévient-il.

Dans un autre registre, le Pr Bakary Sambe regrette le fait que le radicalisme religieux gagne du terrain sur le continent sous plusieurs formes au moment où les gens sont restés pendant longtemps enfermés dans de vieilles grilles d’analyse rarement renouvelées sur un islam africain qui serait naturellement et durablement pacifique. Cela est d’autant plus préjudiciable que, fait-il remarquer, « les pays du Sahel souffrent toujours d’une dualité du système éducatif avec l’école officielle francophone et la multiplication d’écoles coraniques, arabes, franco-arabes ». Ce qui, aux yeux du Pr Sambe, « représente un grand danger pour ce qui est de la cohésion nationale dans le processus de la construction de l’Etat sous sa forme jacobine ». Et, selon lui, dans les prochaines années, il y a à craindre que le choc des extrême, islamisme radical et christianisme évangélique deviennent source de tensions ethnico-religieuses, notamment en Côte d’Ivoire, au Nigéria, au Cameroun, au Bénin et dans une moindre mesure au Sénégal. Même s’il trouve louables les efforts faits par les autorités sénégalaises notamment dans la reconnaissance du bac et l’ouverture d’une section Arabe à l’Ena pour intégrer ces arabophones, le Pr Sambe n’en estime pas moins qu’il faut faire plus.

Elhadji Ibrahima THIAM

Bakary Sambe : « Daech cherche à embraser le Moyen-Orient et le monde musulman à travers le clivage sunnite-chiite »

Lundi 29 juin 2015

Pour Bakary Sambe, coordinateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux au Centre d’Etude des religions (CER) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, « la vague d’attentats meurtriers de vendredi dernier a voulu, au-delà de la seule symbolique de l’anniversaire du califat d’Al-Baghdâdî, s’attaquer en même temps à l’économie, la cohésion sociale et la stabilité de la Tunisie, de la France, de la Somalie et du Koweït ».

Selon Bakary Sambe, « la Tunisie frappée en plein cœur de son économie touristique est une cible-symbole, Daesh ne peut supporter la relative réussite du processus démocratique dans ce pays qui paradoxalement compte de nombreux combattants dans les rangs de l’Organisation de l’Etat islamique ».
Mais, d’après Sambe, « l’attaque la plus pernicieuse est celle perpétrée contre la mosquée chiite d’Imâm Sâdiq, au Koweït, qui vise expressément à embraser le Moyen-Orient et le monde musulman en soufflant sur la braise confessionnelle, notamment le dangereux clivage sunnite-chiite en pleine guerre du Yémen en utilisant, de surcroît, un kamikaze saoudien ».
« La Oummah islamique doit se mobiliser à travers des instances comme l’OCI et l’ISESCO pour que ce feu de la guerre interconfessionnelle ne prenne des proportions incontrôlables et en arriver à anéantir les maigres espoirs d’unité et de concorde rongés de jour en jour », conclut Bakary Sambe.

Observation du croissant lunaire-Docteur Bakary Samb « Notre pays est en train de traverser une phase charnière »

Vendredi 26 juin 2015

La communauté musulmane sénégalaise peine à accorder ses violons pour l’observation du croissant lunaire. Pour le docteur Bakary Samb, enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB), cette désunion s’explique par le fait que ‘’notre pays est en train de traverser une phase charnière’’.

 

 

Le Sénégal n’a pas encore tranché le débat sur l’observation du croissant lunaire. Cette année encore c’est en rang dispersé que les musulmans du Sénégal ont commencé le jeûne.

« En observant sociologiquement ce débat sur le croisant lunaire je me rends compte que notre pays est en train de traverser une phase charnière, dans laquelle il y a en même temps une volonté d’affirmation d’une unité de toutes les confréries qui se reconnaissent dans une commission ce qui est salutaire. En même temps, l’islam est devenu un fait transnational et que notre islam local maintenant s’efface aux contraintes des appartenances mondialisées. Le temps que ces contradictions se résolvent, je pense que notre pays pourra avancer vers de meilleures solutions pour que ces cacophonies qui ne sont pas positives pour l’image de l’islam », a expliqué le docteur Bakary Samb, enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB).

Pour autant ce chercheur estime que ce débat entre dans l’ordre naturel des choses et que les oulémas les plus érudits n’ont pas encore tranché.

«  La société musulmane sénégalaise est dans un débat, ce débat peut prendre du temps. Ce qui est souhaitable c’est que ce débat prenne fin et qu’on arrive enfin à une sorte de cohésion et d’attente. Entre cette volonté locale d’unification autour des confréries avec un pôle soudé et autour des confréries, et que de l’autre coté la volonté de faire appel à des formes d’appartenance mondialisée, ce sont des choses qui font partie de l’évolution des sociétés », a ajouté Dr Samb.

Par ailleurs, il souligne que les musulmans se féliciteraient qu’il y ait non pas un guide suprême mais une instance suprême qui pourrait donnait de grandes orientations qui pourraient être traduites dans les différentes civilisations en concordance avec les réalités locales pour que l’esprit général de l’islam puisse subsister.

 

Pour sa part, le président du Conseil départemental a salué la qualité du débat. « Tous les chefs religieux qui étaient présents ont dit avoir appris quelque chose. Pour moi, l’objectif est attient. Je veux que le Mbourois soit fier de lui, croit en lui et c’est en sens qu’on pourra penser à l’émergence de notre département », a laissé entendre le président du Conseil département de Mbour, Saliou Samb.

Le Conseil département de Mbour a organisé une conférence publique portant sur le thème ‘’Paix et religion au Sénégal : les chefs religieux, vecteurs de stabilité et de développement’’.

Elle est organisée dans le cadre de ‘’la vulgarisation des initiatives et actions du président Macky Sall pour la paix au sein de la Ummah islamique’’.

 

Cette activité a été clôturée par une séance de dédicace d’un ouvrage littéraire réalisé par le Dr Bakary Samb sur ‘’Les enjeux de la paix et de la sécurité en Afrique’’.

 

El Hadji Alassane Diallo

M’bour : Conférence de Bakary SAMBE sur le rôle des chefs religieux dans la paix et la stabilité, ce 20 juin

Vendredi 26 juin 2015
Le Conseil départemental de M’bour organise une conférence nationale sur le rôle des chefs religieux dans la paix et la stabilité du Sénégal.
Selon Saliou Samb, le Président de ladite collectivité, c’est  »d’abord une manière de rendre hommage à tous les chefs religieux du Sénégal de toutes les confessions, au regard de leur action pour la paix, ce qui nous a jusqu’ici épargné les situations que connaissent certains pays de la sous-région. »
Le Président du Conseil départemental de M’bour dit s’inscrire dans la continuité des« messages de paix lancés par le Président Macky Sall en direction de la Oummah, mais aussi dans la valorisation de notre patrimoine religieux depuis qu’il a donné aux quais du Port de Dakar, le nom de ces personnalités qui font la fierté de notre pays. »
La conférence sera animée par le Dr. Bakary Sambe, penseur sénégalais originaire de M’bour, à l’occasion de laquelle, il présentera pour la première fois depuis sa sortie, son nouveau livre sur Boko Haram.
Des personnalités de tous bords sont attendues à M’bour, y compris des chefs de représentations diplomatiques du monde musulman accréditées au Sénégal.

Dr Bakary SAMBE, enseignant à l’UGB : «Boko Haram s’inscrit dans la logique d’une sordide manipulation politique des symboles religieux »

Vendredi 6 mars 2015

Dr Bakary SAMBE, enseignant à l’UGB : «Boko Haram s’inscrit dans la logique d’une sordide manipulation politique des symboles religieux » dans ABOUT US boko%20haram%20motard

Dr Bakary SAMBE, enseignant à l’UGB : «Boko Haram s’inscrit dans la logique d’une sordide manipulation politique des symboles religieux »

Dr Bakary Sambe est le coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique (Orcra) au Centre d’étude de religions (Cer) une structure unique en son genre sur le continent, créée, il y a deux ans, par l’université Gaston Berger de Saint-Louis. M. Sambe est, par ailleurs, expert international ayant été chargé de la préparation du récent document d’analyse sur Boko Haram du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest (Unowa), du rapport Paix et sécurité dans l’espace Cedeao (2013), sur le radicalisme religieux et la menace terroriste en collaboration avec l’Institut d’Etude de sécurité (Iss) de Dakar. Politologue, il est spécialiste du monde musulman, plus spécifiquement des relations arabo-africaines, du militantisme islamique et des réseaux transnationaux. Dans cet entretien, il décortique l’objectif et le modus operandi de Boko Haram, ainsi que ses liens avec les autres mouvements terroristes.

Comment expliquez-vous la naissance de l’extrémisme en Afrique et surtout de Boko Haram ?
Lorsque le phénomène Aqmi s’est déclaré dans les sociétés maghrébines, il fallait s’attendre à sa propagation au moins idéologique au sud du Sahara. Bien avant cela, depuis les années 70, suite aux vagues de désertification, les pays du Sahel ont été le lieu de déploiement de toutes sortes d’organisations alliant « da’wah » (prédication) et « ighâtha » (secours, humanitaire) pour l’exportation d’idéologies telles que celles qui ont cautionné la destruction des mausolées de Tombouctou. Ces idéologies sont présentes dans tous les pays de la bande sahélienne et inspirent le « takfîr », le fait de déclarer « impies » même certaines franges des musulmans comme le fait exactement Boko Haram. La négation du système étatique, de son système d’éducation pour une prétendue « islamisation » de la société et de l’Etat.
C’est en 2002 que Muhammad Yusuf, issu du Mouvement des Yan Brothers finalement appelé « yusufî », crée la Jamâ’atou Ahli Sunnah li da’wati wa –l-jihad plus connue sous le nom de Boko Haram mettant la question éducative au centre de son combat contre « l’Etat injuste » parce que n’appliquant pas ce que le mouvement considère comme la charia. C’est une rupture d’imaginaire et de repères entre le gouvernement d’Abuja et cette jeunesse du Nord dont une partie est enrôlée par Boko Haram opposant au modèle d’Etat à l’occidentale, celui de Sokoto et d’Ousmane Dan Fodio. Cette rupture est consommée et l’affrontement reste le seul lien. Il est aujourd’hui difficile de sortir de cette spirale de la violence.

Boko Haram sème la terreur au sein de la population en enlevant des lycéennes, commet des attentats dans les marchés voire les mosquées. Pourtant, ces éléments se réclament de l’Islam. Qu’en dites-vous ?
Boko Haram s’inscrit dans la logique de ces mouvements qui se sont toujours adonnés à une sordide manipulation politique des symboles religieux. Les actions de tels mouvements favorisent la stigmatisation des musulmans et de leur religion alors que l’islam est une religion de paix. De la même manière que les extrémistes de tous bords se réfugient derrière la religion pour commettre leurs forfaitures, les éléments de Boko Haram utilisent l’islam pour solder leur compte avec l’Etat fédéral nigérian ; leurs victimes dépassent largement le cadre de ceux qu’ils veulent combattre comme des « impies », selon leur expression et englobe en grande majorité même des musulmans qui ne partagent pas leur vision étriquée de l’islam. La racine du mal est dans ce salafisme exclusif qui prétend détenir le dogme véritable « al-aqîdah al-çahîha » et s’accapare même l’appellation de sunnite insinuant par exemple que les adeptes des Tarîqa sont dans la déviance. Il faudra que l’on y prenne garde, même chez nous, au Sénégal.

Des jeunes vulnérables sont souvent la cible de ce mouvement. Est-ce à dire que c’est la pauvreté qui favorise l’éclosion et l’essor de ces mouvements. S’il y en a d’autres causes, quelles sont-elles ?
La paupérisation aggravée de certaines franges de la population, la marginalisation poussée de jeunes désœuvrés sont parmi les facteurs explicatifs de la radicalisation. Mais la source principale se trouve dans l’affaiblissement des Etats sahéliens à partir des sécheresses des années 1970 suivies des politiques drastiques dites d’ajustement structurels ayant porté un rude coup aux secteurs de l’éducation, de la santé du travail social. Ce sont ces secteurs que les mouvements radicaux ont investis avec la stratégie d’islamisation par le bas reposant sur deux socles : la « da’wah » (prédication) et « ighâtha », le travail social et humanitaire. Par ce biais, le salafisme dont le but premier est la destruction de l’islam local notamment confrérique s’est largement répandu jusqu’à prendre aujourd’hui la forme djihadiste comme au Nord du Mali. S’y ajoute que suite à la chute du mur de Berlin, l’islam est devenu, pour certaines sociétés du Sud comme d’autres marginalisées du Nord, une forme d’alternative à opposer à l’ultralibéralisme dévastateur du lien social et des économies, mais sert aussi de résistance à l’arrogance des plus puissants comme des régimes despotiques du monde musulman.

Boko Haram s’attaque aux pays voisins du Nigeria (Cameroun, Tchad, Niger) au point que ces derniers sont obligés d’intervenir dans le territoire nigérian. Mieux, une force a été constituée pour aller à l’assaut du mouvement. Quelle analyse en faites-vous ?
Il ne faut pas exclure que ce qui se déroule au Moyen-Orient avec l’organisation de l’Etat islamique inspire une volonté d’établir l’Etat islamique dont rêvait Muhammad Yusuf autour du bassin du lac Tchad. Al-Qaida a changé de stratégie depuis l’expérience afghane : au lieu d’une politique globale avec une direction centralisée, l’idéologie djihadiste se limite à une récupération opportuniste des conflits locaux en les « islamisant » comme au Nord du Mali. Il est à craindre que ce bassin du Lac Tchad devienne une nouvelle zone d’instabilité au cœur du continent s’ajoutant au Sud libyen, au Nord Mali. Les inéluctables interventions militaires qui se profilent ne régleront, malheureusement, pas le problème malgré leur nécessité conjoncturelle pour reprendre le contrôle de ses territoires. Boko Haram, d’un problème originellement nigérian, s’est muée en une menace régionale à laquelle il faut désormais faire face.

Pourtant, l’Ua dispose d’une force d’intervention et la Cedeao a l’Ecomog, mais, ce sont des forces que l’on n’a pas vu sur le terrain ?
On sera sur le même scénario que lors de la crise malienne. La question logistique et celle du financement de cette opération militaire qui ne sera pas une promenade de santé se posera malheureusement à terme et l’on sera obligé de recourir à un mandat onusien avec une coalition internationale sans que les instances africaines puissent peser sur les grandes orientations à cause de leurs divisions et des querelles de leadership dans la sous-région.
Certains accusent le gouvernement nigérian de laxisme vis-à-vis de Boko Haram. Pensez-vous que le Nigeria, première puissance économique du continent, met tous les atouts de son côté pour éradiquer le fléau ?
Au Nigeria, la sécurité engloutit le quart du budget fédéral évalué à coups de milliards de dollars. Paradoxalement, aux trois Etats du Nord les plus touchés par le phénomène Boko Haram, seuls 2 millions de dollars sont alloués. S’y ajoute que depuis le tournant de 2009 et l’opération dite « Flush out », les forces de sécurité nigériane perdent de plus en plus la bataille du renseignement avec une population entenaillée entre les accusations de connivence et les exactions de Boko Haram leur reprochant de collaborer avec « l’Etat impie et injuste » (al-hukûma al-jâ’ira ». La confusion suite à la création des Civilian Task Forces comme des milices d’autodéfense en plus des inter-manipulations entre Boko Haram et la classe politique plonge le Nord Nigeria dans une situation d’insécurité endémique. C’est le président Jonathan lui-même qui déclare fin 2014 : « Boko Haram has infiltrated my government » (Boko Haram a infiltré mon gouvernement).

En s’attaquant à des églises, Boko Haram ne risque-t-il pas de créer ce que vous avez l’habitude d’appeler « le choc des extrémismes » ?
Boko Haram a toujours voulu jouer sur la dialectique entre un Nord majoritairement musulman exclu de l’exercice du pouvoir – surtout depuis l’élection de Goodluck Jonathan – et d’un Sud chrétien et animiste qui serait sous influence de l’Occident, accaparant le pouvoir et perpétuant le projet « occidental » de christianisation du pays « ‘amaliyyat tancîr » comme disait Muhammad Yusuf dans ses premiers sermons. Parmi les cibles privilégiées du mouvement, les chrétiens, considérés dans l’univers discursif et idéologique de Boko Haram, comme les « suppôts » de l’Occident et de son modèle. Heureusement que les leaders religieux musulmans comme chrétiens, dans leur majorité, ne sont jamais tombés dans ce piège de Boko Haram voulant provoquer une guerre totale entre les composantes confessionnelles d’un pays déjà fragilisé.
Mais, la crainte est partagée d’un affrontement inéluctable, en Afrique, entre l’évangélisme prosélyte et l’islam radical conquérant. Les deux ont les mêmes méthodes : s’occuper des populations démunies pour, plus tard, préoccuper l’Etat affaibli qui, souvent, brille par le déficit d’Etat dans des secteurs aussi névralgiques que l’éducation, la santé, le social. Comme j’ai eu à le dire franchement aux partenaires au développement lors du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, les différentes stratégies au Sahel qui se mettent en place, parfois par des schémas top-down, sans ancrage sociologique, doivent, malheureusement, avouer un retard de quarante ans par rapport aux réseaux qu’elles visent à éradiquer aujourd’hui. Les extrémismes de tous bords disposent abondamment de deux ressources faisant cruellement défaut à nos Etats assaillis par les urgences: le temps pour dérouler leurs stratégies à long terme (par fois au prix de compromis temporaires « taqiyya ») et l’argent pour se substituer à l’Etat avant de l’affaiblir à défaut de l’anéantir.

Avec la chute de Khadafi, la Libye est devenue l’épicentre de ce terrorisme qui impose un défi de type nouveau parce que transnational, violent avec des hommes déterminés et aguerris dont le mode opératoire repose sur des attentats, enlèvements, piraterie, trafic d’armes, etc. Cela, face à un manque de moyens ou de stratégies des pays. N’est-ce pas un problème ?
La boîte de Pandore avait été ouverte depuis la partition du Soudan. Ce n’est pas un hasard si l’opération militaire en Libye est baptisée « l’aube de l’Odyssée ». Le continent est embarqué, pour au moins un quart de siècle, dans un cycle d’instabilité que ne pourront régler les seules opérations militaires. L’opération Serval est passée, Barkhane se met en place mais les groupes djihadistes sont encore plus que déterminés et mieux armés dans le Sud libyen comme dans les zones rocailleuses d’Agharghart ou de Timidghin (Sud algérien) mais aussi le Nord Mali avec des attaques récurrentes. La leçon à retenir est qu’on ne vainc pas le terrorisme avec des chars et des drones. Il faut investir dans la prévention, dans des systèmes éducatifs performants, promouvoir la bonne gouvernance et la justice sociale. C’était le sens de la Bande dessinée « prévenir les extrémismes » lancée à Dakar et réalisée en coopération avec la Fondation Konrad Adenauer pour les écoles africaines. Aucun Etat au monde ne peut lutter seul contre le terrorisme. Il faut une coopération internationale donnant sa chance à la prévention si l’on ne veut pas s’embourber davantage dans l’interventionnisme qui alimente le djihadisme et fait le lit de situations dramatiques exploitées à leur tour par l’extrémisme violent.

Comment faire pour juguler l’action du mouvement qui, vous le disiez tantôt, a des ramifications (liens avec d’autres mouvements extrémistes) ? 
La pire des choses à craindre est que Boko Haram devienne un label inspirant les laissés-pour-compte de nos systèmes éducatifs, souvent, dans une dualité improductive, génératrice de frustrations et de marginalisation. Entre Boko Haram et les autres mouvances djihadistes opérant dans le Sahel et à l’international, la connivence idéologique en termes de discours et d’objectifs est bien établie. Malgré les déclarations d’Abubakar Shekau faisant allégeance à l’Organisation de l’Etat islamique en Irak, on ne peut prouver de liens organisationnels avec un commandement centralisé entre Boko Haram et Al-Qaida ou même Aqmi. La naissance du Mujao avait été expliquée par beaucoup d’experts comme un repli identitaire des islamistes noirs africains souffrant d’une discrimination de la part des « Algériens » d’Aqmi, Boko Hram reste la manifestation d’un djihadisme africain se nourrissant beaucoup plus de l’imaginaire de Sokoto et d’Usma Dan Fodio que des théories d’Al Baghdâdî. Le fond idéologique reste, toutefois, le même comme il y a un partage de vue sur la création de l’Etat islamique tant rêvé. De plus en plus, le parallélisme entre l’action d’Al-Baghdadi en Irak et celle des hommes de Shekau dans le bassin du lac Tchad est brandi comme pour prouver l’unité du mouvement djihadiste. Sur le plan opérationnel, il n’est pas à exclure que des entraînements de combattants soient les premiers jalons d’une coopération entre factions djihadistes sur le continent et au-delà.

Propos recueillis par  Daouda MANE

Dr. Bakary SAMBE : « It is time the UN considers Boko Haram a priority »

Jeudi 22 janvier 2015

« When the abuses of an organization cause tens of thousands of displaced persons and refugees, massive killings and destabilize border States, it can no longer be considered a strictly Nigerian problem, » alarmed Bakary Sambe, teacher-researcher at the Centre for the study of religions at the University of Gaston Berger of Saint – Louis, in an interview with Dakaractu.

According to him, « incursions of Boko Haram in Cameroon, the security challenges that the organization poses to countries like Niger are likely to compromise the principle of sovereignty and cause, medium-term conflict which may exacerbate instability in the region. »

For the Coordinator of the Observatory of the radicalism and religious conflicts in Africa (ORCRA) « pre-election context prevailing in Nigeria is fraught with all the uncertainties about the stability of the country and the dangers of a poll at high risk if one knows that even the elections of 2011 was relatively quieter than usual had caused at least 1000 dead ».

To add a certain perception within the political class, Nigeria considers the North as rather favourable to the opposition and that supporters of Goodluck Jonathan would not complain unduly, of the destabilization of this region », noted Bakary Sambe to Dakaractu.

The recent attacks on the Tijaniyya sheikhs and the mosque in Kano without counting the manifold exactions against the civilian population are a sign of a resurgence in an international context. For Sambe, « it isn’t mere coincidence if at the same time where Al Baghdâdî men claim an Islamic State, Boko Haram proclaims a Caliphate, in the wake of the spectacular actions of the jihadists as Jund al-Khilafa factions ».

To Sambe, « the urgency of international mobilisation is no longer discussing if we know the humanitarian crises that already affect the States of Borno and Adamawa with inevitable repercussions in Niger, Cameroon and even beyond. For these reasons and with regard to the consequences of a territorial expansion of the phenomenon, the United Nations has an interest to deal with the Boko Haram issue as a top international priority », concluded Bakary Sambe.

Dr. Bakary Sambe du Centre d’Etude des Religions (CRAC-UGB) : « Les sociétés européennes et leurs communautés musulmanes doivent exorciser leur mal de vivre-ensemble ! »

Jeudi 22 janvier 2015

Dr. Bakary Sambe du Centre d’Etude des Religions (CRAC-UGB) : « Les sociétés européennes et leurs communautés musulmanes doivent exorciser leur mal de vivre-ensemble ! » dans ABOUT USLes événements qui viennent de secouer la France sont le signe tragique d’un « conflit de cultures et de visions du monde » qu’on a rarement cherché à résoudre d’après le Dr. Sambe. Tout au mieux, le traitement de cette question s’est limité à des solutions conjoncturelles alors que par le jeu des extrémistes politiques et religieux, on est comme obnubilé par les oppositions systématiques entre l’Islam et l’Occident. Et on en arriverait, aujourd’hui …au clash.

Le Dr. Bakary Sambe, coordinateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux au Centre d’Etude des religions de l’Université Gaston Berger décrypte pour Dakaractu, ce profond malaise qui traverse les sociétés européennes en général, dans leur rapport avec l’islam et leurs communautés musulmanes.

Avec les attentats et prises d’otage en France, on dirait que l’islam est de nouveau sur la sellette …

On ne peut faire porter de tels actes ni à l’islam ni aux musulmans, notamment ceux de France qui ont dans leur écrasante majorité, condamné les attentats. La position du Conseil Français du culte musulman a été sans équivoque et cette institution a été parmi les premières à élever la voix contre la folie meurtrière. Les jeunes présumés auteurs de ces attaques sont des citoyens français qui sont nés et qui ont grandi en France, le seul pays qu’ils connaissent et qui est le leur. La France compte des millions de musulmans, plus que nombre de pays de l’OCI, autant que la Jordanie et presque deux fois plus que le Koweït. L’une des questions qu’il faut se poser est surtout : comment en est-on arrivé là, à ce que des citoyens d’un pays s’attaquent à leur propre patrie ? Il y a quelque chose qui n’a pas fonctionné dans la politique d’intégration et d’insertion. Les frustrations accumulées ainsi que des incohérences dans la gestion de la diversité confessionnelle ont dû avoir leurs effets. Au-delà des solutions purement sécuritaires, la France devrait plutôt, pour prévenir des situations similaires, puiser dans les ressources dont elle regorge en matière d’éducation, de citoyenneté mais surtout d’ouverture philosophique au monde. Car, bien au-delà de la seule France, c’est le symbole même d’un vivre-ensemble, autour de valeurs universelles, en Europe qu’il faudra sauvegarder face aux sirènes des extrémismes et des discours de haine de tous bords.

D.A : Mais aujourd’hui, Dr. Sambe, la déchirure est bien là, on ne peut le nier…

Ce conflit est profondément ancré dans une incompréhension dont jouent aussi bien les droites nationalistes européennes que les partisans d’une lecture moyenâgeuse des textes et des faits fondateurs de l’islam. Lorsque des textes d’Ibn Taymiyya comme Al-çârim al-maslûl ‘alâ shâti al-rasûl (l’épée brandie sur celui qui insulte le Prophète) sont pris, sans aucun recul, pour référence par les tenants du salafisme et que de l’autre côté, des islamophobes en déduisent une nature essentiellement violente de l’islam sans tenir en compte la diversité des réalités traversant cette religion, on en arrive au clash irréparable. Et la haine ne fait que produire encore plus de haine ; ce ne sera dans l’intérêt de personne. Ni de l’Europe, ni de ses citoyens musulmans.

Le conflit serait-il alors autour de la notion de liberté d’expression ?

D’un côté, nous avons les partisans de la défense d’une liberté d’expression poussée à son paroxysme et parfois utilisée à mauvais escient ou de manière inutile, même si on refuse quelques fois cette même liberté d’expression sur des sujets arbitrairement jugés non négociables. De l’autre, une catégorie agrippée sur ses croyances et ses symboles à travers lesquels elle est souvent stigmatisée, et dont la profanation n’est ni négociable ni compréhensible. Finalement, de part et d’autre, l’excès attise les passions et les attiseurs de haine – politiques comme religieux – n’ont plus qu’à souffler sur les braises. Devant une telle situation, l’attitude la plus aisée est d’entrer dans une logique de surenchère et un cercle vicieux d’action/réaction se referme comme un étau tuant complètement l’esprit de dialogue. C’est là où il faut être vigilant et de ne pas perdre le courage du dialogue et de l’apaisement devant la lâcheté de la haine et de la violence aveugle.

D.A : Les musulmans poseraient-ils alors problème aux sociétés européennes ?

Le véritable drame est qu’une telle situation arrive dans un pays comme la France qui a eu une longue tradition de vivre-ensemble avec l’islam même à des moments controversés de son histoire. On oublie que la France compte même plus de citoyens musulmans que certains pays membres de l’Organisation de Coopération Islamique. Il ne faudrait pas qu’on accepte les théories allant dans le sens d’une guerre entre l’Occident ou la France et l’Islam. Il s’agit d’un choc des extrêmes qui ont d’ailleurs tout intérêt à ce que prédomine un tel discours essentialiste. Après l’attaque meurtrière que la majorité des musulmans a tout de suite condamnée, d’incompréhensibles « représailles » surviennent contre des lieux de culte musulmans d’où des sermons de dénonciation émanent depuis ces attentats. Le pire serait qu’on en arrive à un point où les évènements prennent la tournure de la guerre intercommunautaire Si cela arrivait, il faudra malheureusement s’attendre à ce que cela déborde l’Hexagone et embrase d’autres pays voisins.

La cause de tels actes est-elle simplement religieuse ?

Il faut que la France cherche des solutions dans les ressources qui lui sont propres en termes d’intégration et de rétablissement de la justice sociale loin des discriminations et des stigmatisations inutiles. C’est pour cela qu’on doit être vigilant sur nos positions face à de tels évènements et surtout éviter les indignations sélectives si l’on veut rester conforme aux principes universels que l’on cherche à défendre que ce soit au sein des religions comme de la Vraie communauté internationale distincte du conglomérat des forts qui dictent la guerre comme la paix dans notre monde contemporain. Les damnés de la terre sont souvent vite séduits par des vendeurs d’illusions. La justice sociale à l’intérieur des Nations doit être renforcée par un tarissement des sources de l’injustice internationale et des politiques de deux poids-deux mesures dans ces mêmes instances internationales.

 

Mais tous parlent de liberté d’expression qui serait menacée par l’intégrisme religieux …

La liberté est un principe qui ne peut être à échelle variable. Soit on défend un principe ou on s’enferme dans le sectarisme et procède à l’indignation sélective. Cette schizophrénie de l’opinion dessert les causes nobles. Lorsqu’un journal pour sa  satire, un universitaire pour ses opinions ou un humoriste pour son spectacle sont attaqués, c’est la liberté d’expression dans son universalité qui est menacée comme quand une mosquée, une pagode, une église ou synagogue, un bois sacré ou des mausolées de saints, sont victimes de profanation, c’est la liberté de culte et de conscience qui est aussi frappée dans son cœur. Les esprits sont surchauffés, l’émotion à son comble, mais il ne faudrait pas déserter le combat pour la défense des principes et céder face aux minorités extrémistes aux voix amplifiées. Le choc des extrêmes tant redouté et qui semble se dessiner sous nos yeux n’apportera rien de positif à l’indispensable vivre-ensemble.

 

Avec ces évènements, y aurait-il une possibilité de cohabitation pacifique entre l’Islam et les sociétés européennes ?

La stigmatisation de l’Islam et des musulmans va malheureusement s’aggraver. Mais, aussi bien l’Europe que ses musulmans doivent avoir conscience de la nécessité d’exorciser leur mal de vivre-ensemble. L’Europe doit avoir l’intelligence de procéder à une forme d’ethnologie inversée et reconsidérer son regard sur elle-même car le monde a changé comme les sociétés européennes, elles-mêmes, sont dans une profonde mutation depuis des décennies sur le plan démographique comme culturel et religieux. L’autoglorification et l’apologie nombriliste ne peuvent plus avoir de sens. De même, les musulmans d’Europe comme d’ailleurs se doivent de sortir des oppositions fantasmagoriques entre l’Occident et l’islam qui n’ont plus aucun sens depuis la fin des aires culturelles et civilisationnelles homogènes par le biais de  la globalisation. La solution de leurs problèmes existentiels se trouve dans leur capacité de conjuguer leur passé et leur héritage au présent et de ne pas se livrer à une forme d’idolâtrie du passé ou d’ « entêtement rétrospectif » comme dirait Iqbal.

A la suite des premières caricatures publiées par le Jyllands posten avant d’être reprises plus tard par Charlie Hebdo, et, pour justement éviter les généralisations des deux côtés, je rappelais cette note très optimiste de Goethe qui disait : « J’ai toujours eu une grande estime pour la religion prêchée par Mohamed parce qu’elle déborde d’une vitalité merveilleuse. Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir d’assimiler la phase changeante de l’existence – pouvoir qui peut la rendre alléchante à toute période. J’ai étudié cet homme merveilleux, et, à mon avis, loin d’être un antéchrist, il doit être appelé le sauveur de l’humanité. (…) J’ai prophétisé sur la foi de Mohamed, qu’elle sera acceptable à l’Europe de demain comme elle commence à être acceptable à l’Europe d’aujourd’hui ».

source: http://www.dakaractu.com/Dr-Bakary-Sambe-du-Centre-d-Etude-des-Religions-CRAC-UGB-Les-societes-europeennes-et-leurs-communautes-musulmanes_a82242.html

Interview de Dr. Bakary Sambe sur Charlie Hebdo : «L’indignation sélective ne peut avoir sa place dans le combat pour la défense des libertés»

Jeudi 22 janvier 2015

Il est coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux, au Centre d’Etude des religions (CER) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UFR-CRAC). Enseignant-chercheur à l’UGB, Bakary Sambe analyse pour Seneweb la situation politique internationale marquée depuis mercredi par l’attaque des locaux de Charlie Hebdo en France, un pays «qui compte plus de citoyens musulmans que certains pays membres de l’OCI», tient à souligner le spécialiste de l’islam, qui estime qu’au-delà du sensationnel médiatique et de l’immédiateté des réactions contradictoires, on doit, toujours, «avoir le courage assumé du recul préalable à une approche objective des faits et des phénomènes».

L’attaque, qualifiée d’attentat islamiste par le président français, n’est pas sans rapport avec le contexte international marqué par le retour du religieux, la recrudescence du djihadisme. Al Qaida, Aqmi, l’EI, Boko Haram : Bakary Sambe scrute aussi d’un œil interrogateur la polémique autour de l’enseignement coranique au Sénégal, la modernisation des daaras qui prévoie l’introduction du français comme l’envisage le gouvernement. «Il ne faut pas que notre pays tombe dans les travers d’une guerre des élites francophones et arabophones aussi nuisible au contrat social sénégalais qu’à notre cohésion nationale dans l’avenir», préconise-t-il d’emblée. Insistant sur la nécessité d’un dialogue des cultures pour un monde apaisé et sans extrémisme, il invite les musulmans en France comme ailleurs, «à sortir des oppositions fantasmagoriques entre l’Occident et l’islam virtuellement entretenues par ceux qui y ont un intérêt politique immédiat». Entretien.

1.  Peut-on dire qu’on assiste au retour du religieux dans le contexte international

Le religieux n’a jamais quitté la scène internationale. Il y a eu un moment marqué par la mode d’une théorie du désenchantement du monde. Malgré la sécularisation poussée de certaines sociétés, notamment occidentales, la quête de sens a demeuré inhérente à l’humain. Malgré, aussi, la désaffection par rapport aux relations classiques traditionnelles dans le contexte européen, d’autres formes de religiosités dites sectaires ont ressurgi et ont reposé l’éternelle question du sens même refoulée. Il est vrai que la disparition du communisme politique et la perte de vitesse des mouvements de gauche à l’échelle planétaire ont fait de l’islam, plus particulièrement, le réceptacle aussi bien de plusieurs formes de rejet de l’ultralibéralisme économique que de la contestation d’un monde injuste avec des puissances hégémoniques. De ce fait, on a pu entendre parler de « péril vert » dans un contexte où de « nouveaux barbares » fortement stigmatisés étaient désormais les ennemis désignés de « l’Empire ». L’Occident a eu, donc, dû mal gérer cette « fin de l’histoire » dogmatique dans le sens d’une vision unique et globalisée du monde et de ses réalités et, de ce fait a été, dans ses franges extrêmes et radicales, vite piégé par les approches essentialistes prophétisant un inéluctable « choc des civilisations » érigé finalement en doctrine politico-stratégique. Voilà qui a conduit à un découpage virtuel et tendancieux du monde en civilisations ennemies qui ne pourraient dialoguer et qu’on en arrive aujourd’hui au choc des extrêmes politiques (droites nationalistes européennes, néoconservateurs américains) et religieux (extrémistes se réclamant des religions). De même, dans le monde musulman de ces dernières décennies, suite à des politiques incohérentes souvent fondées sur des despotismes et des régimes impopulaires ne pouvant offrir aucun horizon aux jeunes désœuvrés et aux laissés pour compte, il y a eu une montée de l’extrémisme avec la religion comme refuge et souvent alibi à tous les excès.  Après les guerres du Golfe, le 11 septembre, les massacres contre des populations civiles en Palestine et ailleurs, sous le regard bienveillant d’une communauté internationale, malheureusement, de moins en moins crédible à force de « deux poids-deux mesures », nous avons assisté cette semaine à une illustration de cet esprit de surenchère néfaste pour le vivre ensemble et la paix.

.      Quelle lecture vous inspire l’attentat contre Charlie Hebdo qui a coûté la vie à 12 personnes ce mercredi ?

Au-delà du sensationnel médiatique et de l’immédiateté des réactions contradictoires, le chercheur doit, toujours, avoir le courage assumé du recul préalable à une approche objective des faits et des phénomènes. Malheureusement, on ne nous laisse pas souvent le temps de l’analyse à postériori. Mais, on assiste là à une parfaite et douloureuse illustration d’un conflit de cultures et de visions du monde qu’on a rarement cherché ces dernières années à faire dialoguer, tant on était obnubilé par les oppositions systématiques qui sont, toujours, le fait des extrémistes politiques et religieux cités plus haut. D’un côté, les partisans de la défense d’une liberté d’expression poussée à son paroxysme même si on refuse quelques fois cette même liberté d’expression sur des sujets arbitrairement jugés non négociables, et, de l’autre, une catégorie érigeant son dogme et ses symboles comme inviolables car tellement sacrés dans leur conception qu’ils ne peuvent faire l’objet d’aucune profanation dans le sens premier d’un rapport profane quel qu’il soit (académique, littéraire, artistique etc.). De part et d’autres, des excès ont été commis et le fil du dialogue a dû se perdre dans l’incompréhension mutuelle nourrie par les attiseurs de haine des deux côtés. Et cela a abouti au drame que l’on vit présentement. Tout ce qu’il faudra éviter c’est de s’inscrire dans une logique de surenchère et d’enfermement qui nous projettera en plein milieu d’un cercle vicieux d’actions et de réactions souvent disproportionnées. Le plus dommageable est qu’on en arrive à une telle situation dans un pays, la France, qui a eu une longue tradition de cohabitation avec l’islam ; comptant même plus de citoyens musulmans que certains pays membres de l’OCI. Il ne s’agit donc point d’une guerre entre l’Occident ou la France et l’Islam mais d’un choc des extrêmes. Il y a eu une attaque meurtrière condamnable à tout point de vue, mais soudain suivie d’incompréhensibles représailles contre des lieux de culte musulmans dont la majorité dénonce le même crime, à haute voix depuis mercredi.  Hélas, les choses se compliquent davantage avec la prise d’otages de cet après-midi où les évènements prennent la tournure de guerre intercommunautaire tant redoutée en France et qui se pointe à l’horizon. Et il faut attendre que cela déborde la France et embrase d’autres pays européens.

3.      -  Pouvait-on s’attendre à une réaction de cette nature après les menaces formulées contre le journal satirique ?

4.      Où commence la satire où s’arrête la liberté d’expression ? La presse doit-elle s’imposer des garde-fous ?

La liberté est un principe indissociable. Lorsqu’un organe de presse pour son style, un universitaire pour ses thèses sont la cible d’attentats, c’est la liberté d’expression qui est menacée comme quand une mosquée, une pagode, une église ou synagogue, un bois sacré ou des mausolées de saints, sont victimes d’attaques, c’est la liberté de culte et de conscience qui est aussi frappée dans son cœur. Mais l’indignation sélective ne peut avoir sa place dans le combat pour la défense des libertés. Je le sais l’heure est grave, les esprits sont surchauffés mais ne cédons pas à la stigmatisation de communautés et de nations entières, elles-mêmes victimes de leurs minorités extrémistes. Le choc des extrêmes tant redouté et qui semble se dessiner sous nos yeux n’apportera rien de positif à l’indispensable vivre-ensemble. Ces extrêmes politiques et religieuses auront toujours, malheureusement, la ferme volonté de d’ériger des murs de haine entre les peuples et les communautés, mais que cela n’infléchisse jamais celle des artisans de la paix d’ériger des ponts du dialogue.

5.      Faut-il craindre une stigmatisation accrue des musulmans après l’affaire Charlie hebdo ?

Cette stigmatisation est malheureusement bien effective. Mais, aussi bien l’Europe que ses musulmans doivent entreprendre un travail sur eux-mêmes. Les Européens doivent impérativement accepter, par une rupture paradigmatique, l’urgence d’une ethnologie inversée et reconsidérer leur regard sur eux-mêmes à la lumière des nouvelles réalités du monde, de leurs sociétés changeantes, et ne pas tomber dans l’angélisme des donneurs de leçons, poussant à toujours comparer ce qu’on croit avoir de mieux avec ce que les autres auraient de pire pour se faire la meilleure image de soi. De même les musulmans sont contraints aujourd’hui à sortir des oppositions fantasmagoriques entre l’Occident et l’islam virtuellement entretenues par ceux qui y ont un intérêt politique immédiat. A la suite des premières caricatures publiées par le Jyllands posten avant d’être reprises par Charlie Hebdo, et, pour justement éviter les généralisations stigmatisantes des deux côtés, je concluais une tribune sur une note très positive de Goethe qui disait : « J’ai toujours eu une grande estime pour la religion prêchée par Mohamed parce qu’elle déborde d’une vitalité merveilleuse.

 Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir d’assimiler la phase changeante de l’existence – pouvoir qui peut la rendre alléchante à toute période. J’ai étudié cet homme merveilleux, et, à mon avis, loin d’être un antéchrist, il doit être appelé le sauveur de l’humanité. (…) J’ai prophétisé sur la foi de Mohamed, qu’elle sera acceptable à l’Europe de demain comme elle commence à être acceptable à l’Europe d’aujourd’hui ».

Pourquoi donc toujours se focaliser sur les seuls diseurs de mal ?

6.      Que doit être l’attitude du monde musulman après ce drame qui a ému le plus d’un ?

Je dois dire qu’il faut arrêter de faire porter de tels actes à l’islam et à la communauté musulmane, notamment celle de France qui appelle à des sermons de condamnation de l’attentat ce vendredi. Le Conseil Français du culte musulman a été parmi les premières organisations à réprouver cette attaque. Les jeunes présumés auteurs de ces attaques sont quand même français, nés en France et qui y ont grandi, ne connaissant aucun autre pays que celui-là. La grande interrogation pour moi  est : comment en est-on arrivé là, à ce que des citoyens d’un pays s’attaquent à leur propre patrie ?

7.      Al-Qaida, Aqmi, l’EI : Que vous inspirent les nouvelles figures ou entités du djihadisme international ?

Al-Qaida semble souffrir de la disparition de Ben Laden malgré les tentatives d’affirmation de leadership au sein de l’organisation. Mais cette nébuleuse a complètement changé de stratégie depuis l’expérience afghane, ne s’inscrivant plus dans des causes globales, se contentant de récupérer, d’islamiser des conflits locaux et de franchiser voire labelliser des actions spectaculaires à travers le monde. Elle n’a jamais eu à vrai dire d’organisation centralisée, les différentes émanations de l’organisation fonctionnent plus sous la forme de franchises. Aqmi a du mal à se recomposer efficacement suite à l’opération Serval. Que ce soit dans les grottes d’Agharghart ou de Timidghin ou encore dans le Sud libyen, la guerre des chefs mine cette autre nébuleuse entrée depuis peu en concurrence avec des éléments se réclamant de l’EI et la résurgence de mini-organisation comme Jund al-Khilâfah. Malheureusement, pour la stabilité de notre sous-région, Boko Haram, lui est dans une logique de guerre totale et de terre brûlée massacrant civiles et innocents, déstabilisant des Etats voisins, profitant des failles sécuritaires de l’armée nigeriane surtout à l’approche des joutes électorales ; Abooubakar Shekau poussant à l’extrême cette folie meurtrière et n’a pas pu, véritablement entrer dans la peau d’un leader depuis la mort d’Ahmed Youssouf en 2009. Mais je le réaffirme encore comme lors du récent Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique : les armes les plus efficaces contre le terrorisme ne sont pas les drones, les missiles et les chars, mais des systèmes éducatifs performants et plus de justice sociale au local comme au global.

8.  Un mot sur la réforme annoncée des daaras avec l’introduction de l’enseignement du français.

Il est très tôt de tirer des conclusions. Dans mon travail de terrain, j’ai pris connaissance du texte de loi et de ses dispositions ne se réduisant pas à la seule introduction du français. De même, la plupart des acteurs de la contestation du projet avec qui j’ai eu à discuter, ne rejettent pas l’idée de modernisation elle-même mais décrient ce qui serait apparenté, selon eux, à une absence de concertation. Je crois qu’à ce stade, avant l’entrée en jeu des récupérateurs de frustrations, un dialogue serein peut encore être instauré dans le cadre d’une meilleure vulgarisation de tous les aspects de la réforme mais aussi d’une médiation. Il ne faut pas que notre pays tombe dans les travers d’une guerre des élites francophones et arabophones aussi nuisible au contrat social sénégalais qu’à notre cohésion nationale dans l’avenir.

Recueillis par Seneweb News

123456