Lutte contre le terrorisme – Bakary Sambe (CRAC- UGB) contribue à la bande dessinée pédagogique : « Prévenir les extrémismes »

24 février 2015

bakary.jpg« Je crois à l’efficacité des deux redoutables armes que sont l’éducation et la justice sociale. Il faut privilégier la prévention à l’intervention ». Telle a été la conclusion de l’intervention de Dr. Bakary Sambe (Centre d’étude des religions Crac-UGB) l’un des scénaristes de la bande dessinée Afrique Citoyenne dont le dernier numéro est intitulé « prévenir les extrémismes » destinée aux élèves de l’Afrique

. La prévention à la place de l’intervention est la meilleure manière de lutter contre le terrorisme et l’extrémisme à travers l’éducation. C’est l’avis de Bakary Sambe, professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, le jeudi 19 février dernier, lors de la cérémonie de lancement de la bande dessinée pédagogique Afrique Citoyenne intitulée «Prévenir les extrémismes» à la fondation Konrad Adenauer. «Les armes les plus redoutables contre l’extrémisme et le terrorisme sont l’éducation: un système éducatif performant, la tolérance et surtout, la prévention à la place de l’intervention» selon toujours Bakary Sambe, un des conférenciers lors de la cérémonie de lancement, jeudi, de la bande dessinée.
 «Personne n’ignore l’importance de la prévention dans cette lutte contre l’extrémisme et le terrorisme. J’ai tendance à dire que si on attend que ces groupes s’installent chez-nous et qu’on arrive avec des chars et des armes pour les combattre, la grande bataille est perdu dans cette guerre contre le terrorisme et l’extrémisme», fait-il comprendre. Avant de préciser que ce phénomène ne peut être éradiqué que par «l’éducation, la prévention, la promotion de la bonne gouvernance, l’éradication de l’injuste sociale qui sont à la base des frustrations récupérées par ces groupes extrémistes qui, aujourd’hui, menacent la stabilité du Sahel et des pays africains de manière générale». Selon le professeur, le Sénégal doit se doter de texte contre tout discours de promotion de la haine qui attise les tensions alors que notre pays et surtout le continent africain a aujourd’hui besoin d’apaisement, de paix, de sécurité, de développement durable.
Pour le professeur, même les pays qui ont un système de sécurité le plus performant sont menacés, à plus forte raison des pays africains, comme le Sénégal, qui doivent encore faire des efforts dans le domaine sécuritaire et de la défense du territoire. Il ajoute que la nouvelle Afrique Citoyenne va permettre la conscientisation des jeunes et la promotion d’une nouvelle citoyenneté basée sur l’engagement responsable des jeunes dans les espaces scolaire, universitaire, au niveau de la société, de la nation. Elle contribuera à une sensibilisation sur les dangers des extrémistes.

Dr. Bakary SAMBE : « It is time the UN considers Boko Haram a priority »

22 janvier 2015

« When the abuses of an organization cause tens of thousands of displaced persons and refugees, massive killings and destabilize border States, it can no longer be considered a strictly Nigerian problem, » alarmed Bakary Sambe, teacher-researcher at the Centre for the study of religions at the University of Gaston Berger of Saint – Louis, in an interview with Dakaractu.

According to him, « incursions of Boko Haram in Cameroon, the security challenges that the organization poses to countries like Niger are likely to compromise the principle of sovereignty and cause, medium-term conflict which may exacerbate instability in the region. »

For the Coordinator of the Observatory of the radicalism and religious conflicts in Africa (ORCRA) « pre-election context prevailing in Nigeria is fraught with all the uncertainties about the stability of the country and the dangers of a poll at high risk if one knows that even the elections of 2011 was relatively quieter than usual had caused at least 1000 dead ».

To add a certain perception within the political class, Nigeria considers the North as rather favourable to the opposition and that supporters of Goodluck Jonathan would not complain unduly, of the destabilization of this region », noted Bakary Sambe to Dakaractu.

The recent attacks on the Tijaniyya sheikhs and the mosque in Kano without counting the manifold exactions against the civilian population are a sign of a resurgence in an international context. For Sambe, « it isn’t mere coincidence if at the same time where Al Baghdâdî men claim an Islamic State, Boko Haram proclaims a Caliphate, in the wake of the spectacular actions of the jihadists as Jund al-Khilafa factions ».

To Sambe, « the urgency of international mobilisation is no longer discussing if we know the humanitarian crises that already affect the States of Borno and Adamawa with inevitable repercussions in Niger, Cameroon and even beyond. For these reasons and with regard to the consequences of a territorial expansion of the phenomenon, the United Nations has an interest to deal with the Boko Haram issue as a top international priority », concluded Bakary Sambe.

Dr. Bakary Sambe du Centre d’Etude des Religions (CRAC-UGB) : « Les sociétés européennes et leurs communautés musulmanes doivent exorciser leur mal de vivre-ensemble ! »

22 janvier 2015

Dr. Bakary Sambe du Centre d’Etude des Religions (CRAC-UGB) : « Les sociétés européennes et leurs communautés musulmanes doivent exorciser leur mal de vivre-ensemble ! » dans ABOUT USLes événements qui viennent de secouer la France sont le signe tragique d’un « conflit de cultures et de visions du monde » qu’on a rarement cherché à résoudre d’après le Dr. Sambe. Tout au mieux, le traitement de cette question s’est limité à des solutions conjoncturelles alors que par le jeu des extrémistes politiques et religieux, on est comme obnubilé par les oppositions systématiques entre l’Islam et l’Occident. Et on en arriverait, aujourd’hui …au clash.

Le Dr. Bakary Sambe, coordinateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux au Centre d’Etude des religions de l’Université Gaston Berger décrypte pour Dakaractu, ce profond malaise qui traverse les sociétés européennes en général, dans leur rapport avec l’islam et leurs communautés musulmanes.

Avec les attentats et prises d’otage en France, on dirait que l’islam est de nouveau sur la sellette …

On ne peut faire porter de tels actes ni à l’islam ni aux musulmans, notamment ceux de France qui ont dans leur écrasante majorité, condamné les attentats. La position du Conseil Français du culte musulman a été sans équivoque et cette institution a été parmi les premières à élever la voix contre la folie meurtrière. Les jeunes présumés auteurs de ces attaques sont des citoyens français qui sont nés et qui ont grandi en France, le seul pays qu’ils connaissent et qui est le leur. La France compte des millions de musulmans, plus que nombre de pays de l’OCI, autant que la Jordanie et presque deux fois plus que le Koweït. L’une des questions qu’il faut se poser est surtout : comment en est-on arrivé là, à ce que des citoyens d’un pays s’attaquent à leur propre patrie ? Il y a quelque chose qui n’a pas fonctionné dans la politique d’intégration et d’insertion. Les frustrations accumulées ainsi que des incohérences dans la gestion de la diversité confessionnelle ont dû avoir leurs effets. Au-delà des solutions purement sécuritaires, la France devrait plutôt, pour prévenir des situations similaires, puiser dans les ressources dont elle regorge en matière d’éducation, de citoyenneté mais surtout d’ouverture philosophique au monde. Car, bien au-delà de la seule France, c’est le symbole même d’un vivre-ensemble, autour de valeurs universelles, en Europe qu’il faudra sauvegarder face aux sirènes des extrémismes et des discours de haine de tous bords.

D.A : Mais aujourd’hui, Dr. Sambe, la déchirure est bien là, on ne peut le nier…

Ce conflit est profondément ancré dans une incompréhension dont jouent aussi bien les droites nationalistes européennes que les partisans d’une lecture moyenâgeuse des textes et des faits fondateurs de l’islam. Lorsque des textes d’Ibn Taymiyya comme Al-çârim al-maslûl ‘alâ shâti al-rasûl (l’épée brandie sur celui qui insulte le Prophète) sont pris, sans aucun recul, pour référence par les tenants du salafisme et que de l’autre côté, des islamophobes en déduisent une nature essentiellement violente de l’islam sans tenir en compte la diversité des réalités traversant cette religion, on en arrive au clash irréparable. Et la haine ne fait que produire encore plus de haine ; ce ne sera dans l’intérêt de personne. Ni de l’Europe, ni de ses citoyens musulmans.

Le conflit serait-il alors autour de la notion de liberté d’expression ?

D’un côté, nous avons les partisans de la défense d’une liberté d’expression poussée à son paroxysme et parfois utilisée à mauvais escient ou de manière inutile, même si on refuse quelques fois cette même liberté d’expression sur des sujets arbitrairement jugés non négociables. De l’autre, une catégorie agrippée sur ses croyances et ses symboles à travers lesquels elle est souvent stigmatisée, et dont la profanation n’est ni négociable ni compréhensible. Finalement, de part et d’autre, l’excès attise les passions et les attiseurs de haine – politiques comme religieux – n’ont plus qu’à souffler sur les braises. Devant une telle situation, l’attitude la plus aisée est d’entrer dans une logique de surenchère et un cercle vicieux d’action/réaction se referme comme un étau tuant complètement l’esprit de dialogue. C’est là où il faut être vigilant et de ne pas perdre le courage du dialogue et de l’apaisement devant la lâcheté de la haine et de la violence aveugle.

D.A : Les musulmans poseraient-ils alors problème aux sociétés européennes ?

Le véritable drame est qu’une telle situation arrive dans un pays comme la France qui a eu une longue tradition de vivre-ensemble avec l’islam même à des moments controversés de son histoire. On oublie que la France compte même plus de citoyens musulmans que certains pays membres de l’Organisation de Coopération Islamique. Il ne faudrait pas qu’on accepte les théories allant dans le sens d’une guerre entre l’Occident ou la France et l’Islam. Il s’agit d’un choc des extrêmes qui ont d’ailleurs tout intérêt à ce que prédomine un tel discours essentialiste. Après l’attaque meurtrière que la majorité des musulmans a tout de suite condamnée, d’incompréhensibles « représailles » surviennent contre des lieux de culte musulmans d’où des sermons de dénonciation émanent depuis ces attentats. Le pire serait qu’on en arrive à un point où les évènements prennent la tournure de la guerre intercommunautaire Si cela arrivait, il faudra malheureusement s’attendre à ce que cela déborde l’Hexagone et embrase d’autres pays voisins.

La cause de tels actes est-elle simplement religieuse ?

Il faut que la France cherche des solutions dans les ressources qui lui sont propres en termes d’intégration et de rétablissement de la justice sociale loin des discriminations et des stigmatisations inutiles. C’est pour cela qu’on doit être vigilant sur nos positions face à de tels évènements et surtout éviter les indignations sélectives si l’on veut rester conforme aux principes universels que l’on cherche à défendre que ce soit au sein des religions comme de la Vraie communauté internationale distincte du conglomérat des forts qui dictent la guerre comme la paix dans notre monde contemporain. Les damnés de la terre sont souvent vite séduits par des vendeurs d’illusions. La justice sociale à l’intérieur des Nations doit être renforcée par un tarissement des sources de l’injustice internationale et des politiques de deux poids-deux mesures dans ces mêmes instances internationales.

 

Mais tous parlent de liberté d’expression qui serait menacée par l’intégrisme religieux …

La liberté est un principe qui ne peut être à échelle variable. Soit on défend un principe ou on s’enferme dans le sectarisme et procède à l’indignation sélective. Cette schizophrénie de l’opinion dessert les causes nobles. Lorsqu’un journal pour sa  satire, un universitaire pour ses opinions ou un humoriste pour son spectacle sont attaqués, c’est la liberté d’expression dans son universalité qui est menacée comme quand une mosquée, une pagode, une église ou synagogue, un bois sacré ou des mausolées de saints, sont victimes de profanation, c’est la liberté de culte et de conscience qui est aussi frappée dans son cœur. Les esprits sont surchauffés, l’émotion à son comble, mais il ne faudrait pas déserter le combat pour la défense des principes et céder face aux minorités extrémistes aux voix amplifiées. Le choc des extrêmes tant redouté et qui semble se dessiner sous nos yeux n’apportera rien de positif à l’indispensable vivre-ensemble.

 

Avec ces évènements, y aurait-il une possibilité de cohabitation pacifique entre l’Islam et les sociétés européennes ?

La stigmatisation de l’Islam et des musulmans va malheureusement s’aggraver. Mais, aussi bien l’Europe que ses musulmans doivent avoir conscience de la nécessité d’exorciser leur mal de vivre-ensemble. L’Europe doit avoir l’intelligence de procéder à une forme d’ethnologie inversée et reconsidérer son regard sur elle-même car le monde a changé comme les sociétés européennes, elles-mêmes, sont dans une profonde mutation depuis des décennies sur le plan démographique comme culturel et religieux. L’autoglorification et l’apologie nombriliste ne peuvent plus avoir de sens. De même, les musulmans d’Europe comme d’ailleurs se doivent de sortir des oppositions fantasmagoriques entre l’Occident et l’islam qui n’ont plus aucun sens depuis la fin des aires culturelles et civilisationnelles homogènes par le biais de  la globalisation. La solution de leurs problèmes existentiels se trouve dans leur capacité de conjuguer leur passé et leur héritage au présent et de ne pas se livrer à une forme d’idolâtrie du passé ou d’ « entêtement rétrospectif » comme dirait Iqbal.

A la suite des premières caricatures publiées par le Jyllands posten avant d’être reprises plus tard par Charlie Hebdo, et, pour justement éviter les généralisations des deux côtés, je rappelais cette note très optimiste de Goethe qui disait : « J’ai toujours eu une grande estime pour la religion prêchée par Mohamed parce qu’elle déborde d’une vitalité merveilleuse. Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir d’assimiler la phase changeante de l’existence – pouvoir qui peut la rendre alléchante à toute période. J’ai étudié cet homme merveilleux, et, à mon avis, loin d’être un antéchrist, il doit être appelé le sauveur de l’humanité. (…) J’ai prophétisé sur la foi de Mohamed, qu’elle sera acceptable à l’Europe de demain comme elle commence à être acceptable à l’Europe d’aujourd’hui ».

source: http://www.dakaractu.com/Dr-Bakary-Sambe-du-Centre-d-Etude-des-Religions-CRAC-UGB-Les-societes-europeennes-et-leurs-communautes-musulmanes_a82242.html

Interview de Dr. Bakary Sambe sur Charlie Hebdo : «L’indignation sélective ne peut avoir sa place dans le combat pour la défense des libertés»

22 janvier 2015

Il est coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux, au Centre d’Etude des religions (CER) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UFR-CRAC). Enseignant-chercheur à l’UGB, Bakary Sambe analyse pour Seneweb la situation politique internationale marquée depuis mercredi par l’attaque des locaux de Charlie Hebdo en France, un pays «qui compte plus de citoyens musulmans que certains pays membres de l’OCI», tient à souligner le spécialiste de l’islam, qui estime qu’au-delà du sensationnel médiatique et de l’immédiateté des réactions contradictoires, on doit, toujours, «avoir le courage assumé du recul préalable à une approche objective des faits et des phénomènes».

L’attaque, qualifiée d’attentat islamiste par le président français, n’est pas sans rapport avec le contexte international marqué par le retour du religieux, la recrudescence du djihadisme. Al Qaida, Aqmi, l’EI, Boko Haram : Bakary Sambe scrute aussi d’un œil interrogateur la polémique autour de l’enseignement coranique au Sénégal, la modernisation des daaras qui prévoie l’introduction du français comme l’envisage le gouvernement. «Il ne faut pas que notre pays tombe dans les travers d’une guerre des élites francophones et arabophones aussi nuisible au contrat social sénégalais qu’à notre cohésion nationale dans l’avenir», préconise-t-il d’emblée. Insistant sur la nécessité d’un dialogue des cultures pour un monde apaisé et sans extrémisme, il invite les musulmans en France comme ailleurs, «à sortir des oppositions fantasmagoriques entre l’Occident et l’islam virtuellement entretenues par ceux qui y ont un intérêt politique immédiat». Entretien.

1.  Peut-on dire qu’on assiste au retour du religieux dans le contexte international

Le religieux n’a jamais quitté la scène internationale. Il y a eu un moment marqué par la mode d’une théorie du désenchantement du monde. Malgré la sécularisation poussée de certaines sociétés, notamment occidentales, la quête de sens a demeuré inhérente à l’humain. Malgré, aussi, la désaffection par rapport aux relations classiques traditionnelles dans le contexte européen, d’autres formes de religiosités dites sectaires ont ressurgi et ont reposé l’éternelle question du sens même refoulée. Il est vrai que la disparition du communisme politique et la perte de vitesse des mouvements de gauche à l’échelle planétaire ont fait de l’islam, plus particulièrement, le réceptacle aussi bien de plusieurs formes de rejet de l’ultralibéralisme économique que de la contestation d’un monde injuste avec des puissances hégémoniques. De ce fait, on a pu entendre parler de « péril vert » dans un contexte où de « nouveaux barbares » fortement stigmatisés étaient désormais les ennemis désignés de « l’Empire ». L’Occident a eu, donc, dû mal gérer cette « fin de l’histoire » dogmatique dans le sens d’une vision unique et globalisée du monde et de ses réalités et, de ce fait a été, dans ses franges extrêmes et radicales, vite piégé par les approches essentialistes prophétisant un inéluctable « choc des civilisations » érigé finalement en doctrine politico-stratégique. Voilà qui a conduit à un découpage virtuel et tendancieux du monde en civilisations ennemies qui ne pourraient dialoguer et qu’on en arrive aujourd’hui au choc des extrêmes politiques (droites nationalistes européennes, néoconservateurs américains) et religieux (extrémistes se réclamant des religions). De même, dans le monde musulman de ces dernières décennies, suite à des politiques incohérentes souvent fondées sur des despotismes et des régimes impopulaires ne pouvant offrir aucun horizon aux jeunes désœuvrés et aux laissés pour compte, il y a eu une montée de l’extrémisme avec la religion comme refuge et souvent alibi à tous les excès.  Après les guerres du Golfe, le 11 septembre, les massacres contre des populations civiles en Palestine et ailleurs, sous le regard bienveillant d’une communauté internationale, malheureusement, de moins en moins crédible à force de « deux poids-deux mesures », nous avons assisté cette semaine à une illustration de cet esprit de surenchère néfaste pour le vivre ensemble et la paix.

.      Quelle lecture vous inspire l’attentat contre Charlie Hebdo qui a coûté la vie à 12 personnes ce mercredi ?

Au-delà du sensationnel médiatique et de l’immédiateté des réactions contradictoires, le chercheur doit, toujours, avoir le courage assumé du recul préalable à une approche objective des faits et des phénomènes. Malheureusement, on ne nous laisse pas souvent le temps de l’analyse à postériori. Mais, on assiste là à une parfaite et douloureuse illustration d’un conflit de cultures et de visions du monde qu’on a rarement cherché ces dernières années à faire dialoguer, tant on était obnubilé par les oppositions systématiques qui sont, toujours, le fait des extrémistes politiques et religieux cités plus haut. D’un côté, les partisans de la défense d’une liberté d’expression poussée à son paroxysme même si on refuse quelques fois cette même liberté d’expression sur des sujets arbitrairement jugés non négociables, et, de l’autre, une catégorie érigeant son dogme et ses symboles comme inviolables car tellement sacrés dans leur conception qu’ils ne peuvent faire l’objet d’aucune profanation dans le sens premier d’un rapport profane quel qu’il soit (académique, littéraire, artistique etc.). De part et d’autres, des excès ont été commis et le fil du dialogue a dû se perdre dans l’incompréhension mutuelle nourrie par les attiseurs de haine des deux côtés. Et cela a abouti au drame que l’on vit présentement. Tout ce qu’il faudra éviter c’est de s’inscrire dans une logique de surenchère et d’enfermement qui nous projettera en plein milieu d’un cercle vicieux d’actions et de réactions souvent disproportionnées. Le plus dommageable est qu’on en arrive à une telle situation dans un pays, la France, qui a eu une longue tradition de cohabitation avec l’islam ; comptant même plus de citoyens musulmans que certains pays membres de l’OCI. Il ne s’agit donc point d’une guerre entre l’Occident ou la France et l’Islam mais d’un choc des extrêmes. Il y a eu une attaque meurtrière condamnable à tout point de vue, mais soudain suivie d’incompréhensibles représailles contre des lieux de culte musulmans dont la majorité dénonce le même crime, à haute voix depuis mercredi.  Hélas, les choses se compliquent davantage avec la prise d’otages de cet après-midi où les évènements prennent la tournure de guerre intercommunautaire tant redoutée en France et qui se pointe à l’horizon. Et il faut attendre que cela déborde la France et embrase d’autres pays européens.

3.      -  Pouvait-on s’attendre à une réaction de cette nature après les menaces formulées contre le journal satirique ?

4.      Où commence la satire où s’arrête la liberté d’expression ? La presse doit-elle s’imposer des garde-fous ?

La liberté est un principe indissociable. Lorsqu’un organe de presse pour son style, un universitaire pour ses thèses sont la cible d’attentats, c’est la liberté d’expression qui est menacée comme quand une mosquée, une pagode, une église ou synagogue, un bois sacré ou des mausolées de saints, sont victimes d’attaques, c’est la liberté de culte et de conscience qui est aussi frappée dans son cœur. Mais l’indignation sélective ne peut avoir sa place dans le combat pour la défense des libertés. Je le sais l’heure est grave, les esprits sont surchauffés mais ne cédons pas à la stigmatisation de communautés et de nations entières, elles-mêmes victimes de leurs minorités extrémistes. Le choc des extrêmes tant redouté et qui semble se dessiner sous nos yeux n’apportera rien de positif à l’indispensable vivre-ensemble. Ces extrêmes politiques et religieuses auront toujours, malheureusement, la ferme volonté de d’ériger des murs de haine entre les peuples et les communautés, mais que cela n’infléchisse jamais celle des artisans de la paix d’ériger des ponts du dialogue.

5.      Faut-il craindre une stigmatisation accrue des musulmans après l’affaire Charlie hebdo ?

Cette stigmatisation est malheureusement bien effective. Mais, aussi bien l’Europe que ses musulmans doivent entreprendre un travail sur eux-mêmes. Les Européens doivent impérativement accepter, par une rupture paradigmatique, l’urgence d’une ethnologie inversée et reconsidérer leur regard sur eux-mêmes à la lumière des nouvelles réalités du monde, de leurs sociétés changeantes, et ne pas tomber dans l’angélisme des donneurs de leçons, poussant à toujours comparer ce qu’on croit avoir de mieux avec ce que les autres auraient de pire pour se faire la meilleure image de soi. De même les musulmans sont contraints aujourd’hui à sortir des oppositions fantasmagoriques entre l’Occident et l’islam virtuellement entretenues par ceux qui y ont un intérêt politique immédiat. A la suite des premières caricatures publiées par le Jyllands posten avant d’être reprises par Charlie Hebdo, et, pour justement éviter les généralisations stigmatisantes des deux côtés, je concluais une tribune sur une note très positive de Goethe qui disait : « J’ai toujours eu une grande estime pour la religion prêchée par Mohamed parce qu’elle déborde d’une vitalité merveilleuse.

 Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir d’assimiler la phase changeante de l’existence – pouvoir qui peut la rendre alléchante à toute période. J’ai étudié cet homme merveilleux, et, à mon avis, loin d’être un antéchrist, il doit être appelé le sauveur de l’humanité. (…) J’ai prophétisé sur la foi de Mohamed, qu’elle sera acceptable à l’Europe de demain comme elle commence à être acceptable à l’Europe d’aujourd’hui ».

Pourquoi donc toujours se focaliser sur les seuls diseurs de mal ?

6.      Que doit être l’attitude du monde musulman après ce drame qui a ému le plus d’un ?

Je dois dire qu’il faut arrêter de faire porter de tels actes à l’islam et à la communauté musulmane, notamment celle de France qui appelle à des sermons de condamnation de l’attentat ce vendredi. Le Conseil Français du culte musulman a été parmi les premières organisations à réprouver cette attaque. Les jeunes présumés auteurs de ces attaques sont quand même français, nés en France et qui y ont grandi, ne connaissant aucun autre pays que celui-là. La grande interrogation pour moi  est : comment en est-on arrivé là, à ce que des citoyens d’un pays s’attaquent à leur propre patrie ?

7.      Al-Qaida, Aqmi, l’EI : Que vous inspirent les nouvelles figures ou entités du djihadisme international ?

Al-Qaida semble souffrir de la disparition de Ben Laden malgré les tentatives d’affirmation de leadership au sein de l’organisation. Mais cette nébuleuse a complètement changé de stratégie depuis l’expérience afghane, ne s’inscrivant plus dans des causes globales, se contentant de récupérer, d’islamiser des conflits locaux et de franchiser voire labelliser des actions spectaculaires à travers le monde. Elle n’a jamais eu à vrai dire d’organisation centralisée, les différentes émanations de l’organisation fonctionnent plus sous la forme de franchises. Aqmi a du mal à se recomposer efficacement suite à l’opération Serval. Que ce soit dans les grottes d’Agharghart ou de Timidghin ou encore dans le Sud libyen, la guerre des chefs mine cette autre nébuleuse entrée depuis peu en concurrence avec des éléments se réclamant de l’EI et la résurgence de mini-organisation comme Jund al-Khilâfah. Malheureusement, pour la stabilité de notre sous-région, Boko Haram, lui est dans une logique de guerre totale et de terre brûlée massacrant civiles et innocents, déstabilisant des Etats voisins, profitant des failles sécuritaires de l’armée nigeriane surtout à l’approche des joutes électorales ; Abooubakar Shekau poussant à l’extrême cette folie meurtrière et n’a pas pu, véritablement entrer dans la peau d’un leader depuis la mort d’Ahmed Youssouf en 2009. Mais je le réaffirme encore comme lors du récent Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique : les armes les plus efficaces contre le terrorisme ne sont pas les drones, les missiles et les chars, mais des systèmes éducatifs performants et plus de justice sociale au local comme au global.

8.  Un mot sur la réforme annoncée des daaras avec l’introduction de l’enseignement du français.

Il est très tôt de tirer des conclusions. Dans mon travail de terrain, j’ai pris connaissance du texte de loi et de ses dispositions ne se réduisant pas à la seule introduction du français. De même, la plupart des acteurs de la contestation du projet avec qui j’ai eu à discuter, ne rejettent pas l’idée de modernisation elle-même mais décrient ce qui serait apparenté, selon eux, à une absence de concertation. Je crois qu’à ce stade, avant l’entrée en jeu des récupérateurs de frustrations, un dialogue serein peut encore être instauré dans le cadre d’une meilleure vulgarisation de tous les aspects de la réforme mais aussi d’une médiation. Il ne faut pas que notre pays tombe dans les travers d’une guerre des élites francophones et arabophones aussi nuisible au contrat social sénégalais qu’à notre cohésion nationale dans l’avenir.

Recueillis par Seneweb News

Bakary Sambe (UGB) : « Les différentes stratégies Sahel ont 40 ans de retard sur les réseaux qu’elles cherchent à éradiquer »

29 décembre 2014

« Les terroristes disposent abondamment de deux choses qui manquent cruellement à nos Etats sous pression : le temps et l’argent », dira Bakary Sambe en guise d’introduction de son exposé reprenant les grandes lignes du document de travail qu’il a publié en collaboration avec la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS).

S’exprimant lors du panel consacré au terrorisme qu’il partageait, entre autres, avec l’Envoyé Spécial des Nations Unies et d’autres experts internationaux, le Sénégalais, Dr. Bakary Sambe a voulu dès l’entame de son propos, « attirer l’attention de la communauté internationale sur les risques d’en arriver à une amère impression d’un second ‘trop tard’ si l’on continue à privilégier les solutions strictement militaires en négligeant l’approche sociologique et préventive du phénomène terroriste ».

Pour le coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes religieux à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, « les différentes stratégies Sahel qui gagneraient d’ailleurs à être harmonisées accusent un retard d’au moins 40 ans sur les réseaux qu’elles veulent éradiquer », rappelant que « la région du Sahel a souffert des sécheresses des années 70 et des politiques d’ajustement des années 80 pendant que l’Europe, subissant les effets du choc pétrolier, n’avait aucune politique d’anticipation au moment où les pétrodollars avaient envahi l’espace du social et de l’humanitaire  dans un contexte d’affaiblissement aggravé des Etats africains ».

« Sans une harmonisation de ces différentes stratégies dites du Sahel de la part des partenaires au développement, elles perdront de leur efficacité comme cela a été le cas pour l’aide bilatérale ou encore multilatérale », dira Bakary Sambe.

D’après cet enseignant-chercheur au Centre d’Etude des Religions (CER) de l’UGB, « les groupes terroristes comme Al-Qaida ont radicalement changé de stratégie, loin des actions à visée globale, se suffisant de parasiter les conflits locaux tout en attirant l’Occident  dans le piège de l’interventionnisme lui-même générateur de frustrations et de radicalisation ».

Dr Bakary Sambe : « La première des sécurités dans notre combat contre les jihadistes, est la justice sociale et un système éducatif performant! »

22 décembre 2014

En marge du Forum sur la paix et la sécurité en Afrique, Dakaractu a rencontré Monsieur Bakary Samb, directeur de l’Observatoire sur le radicalisme religieux et les conflits en Afrique. Depuis longtemps il mène une réflexion sur les causes de la radicalisation de nos jeunes sur le plan religieux, et sur un relatif effacement de nos guides religieux face aux menées des salafistes. Il nous apprend à ne pas banaliser les actes posés par des mouvements dits religieux et qui servent de cheval de Troie à des individus autrement plus dangereux pour notre jeunesse. Entretien…

Dakaractu : Un Forum sur la paix et la sécurité en Afrique, pour quoi faire ?

Bakary Samb : Les organisateurs de ce forum disent inscrire celui-ci dans la suite du sommet de l’Elysée, l’an dernier, sur la sécurité en Afrique, convoqué naguère par François Hollande et qui avait accueilli les chefs d’Etat du Sénégal, du Mali, de la Mauritanie et même du Nigéria, entre autres. Ce Forum de Dakar s’intéresse donc aux problématiques de sécurité des frontières, celles sanitaires, et celle évidemment liée au terrorisme qui ensanglante la bande du Sahel.

Dakaractu : La présence des Chefs d’Etat, de militaires, de ministres de la Défense, notamment celui de la France, laisse-t-elle penser que l’Afrique est en guerre contre le terrorisme et les jihadistes ?

B. S. : Certains observateurs avisés ont relevé qu’aujourd’hui, le continent africain est fortement militarisé, avec une forte présence étrangère. On l’a vu au Mali dans le cadre de l’opération Serval et Barkhane, en Centrafrique, et certains émettent même l’idée d’intervenir au Nigéria avec Boko Haram, qui à mon sens ne relève plus d’un problème nigérian ou africain, mais est devenu un problème international qui devrait être traité comme tel par les Nations-Unies. Alors, peut-on dire que nous sommes plus en sécurité avec ces armées étrangères déployées sur notre continent ? Je ne le crois pas. Il convient d’abord de s’attaquer aux racines du mal, à ses causes plutôt qu’à ses symptômes.

Dakaractu : La solution militaire ne traduit-elle pas le fait que la bataille est déjà perdue ?

B. S. : Je l’ai dit plusieurs fois, notamment avec des experts de l’Union Européenne, que l’achat d’un vieux char d’occasion valait plus cher que la construction d’une école. L’image est forte, mais elle dit que si on attend que les jihadistes, les salafistes ou autres, s’installent au nord du Mali, en Libye, ou en Algérie, c’est qu’on a déjà perdu la bataille contre le terrorisme, qui à mon sens doit se gagner par l’éducation et la justice sociale.
L’éducation parce que dans nos pays, nos Etats africains sont parmi les rares au monde où l’Etat n’a pas une totale maîtrise sur le système éducatif. Imaginez un pays qui veut construire un type de citoyen, transmettre des valeurs, pour faire un citoyen modèle, et jouer son rôle d’Etat qui s’occupe de socialisation, et qui a plusieurs systèmes éducatifs. Un système éducatif reconnu, officiel, d’écoles publiques et laïques, et un autre système éducatif qui lui échappe totalement, en termes de financement, d’orientations pédagogiques et de curriculum. Cela conduit à un choc entre différentes élites qui n’ont pas les mêmes systèmes de socialisation, pas les mêmes valeurs et qui tôt ou tard vont s’affronter sur des questions fondamentales telles que la nature laïque de l’école, voire la constitution ou la vision même de nos Etats.
Nous sommes en face de problèmes que nos Etats doivent traiter de façon très sérieuse. La communauté internationale, si elle vise à aider l’Afrique, doit accompagner nos Etats dans ce sens-là. D’autre part, nos Etats sont perdus dans des « stratégies Sahel » qui sont souvent contradictoires et sans harmonisation.

Dakaractu : Par rapport à la salafisation de notre espace religieux, quel aurait dû être le rôle des confréries au Sénégal, pour juguler ce qui se répand de façon insidieuse.

B. S. : Les confréries jouent un rôle important de rempart contre l’idéologie salafiste et wahabite, qui à mon sens est bien implantée dans notre pays. Cette idéologie, à l’origine de massacres ou de la destruction des mausolées de Tombouctou, est bien présente chez nous et depuis bien longtemps, incarnée par des mouvements qu’on connaît, qui ont pignon sur rue et qui parfois, par une stratégie de dissimulation de leur agenda, infiltrent la société civile, la classe politique et s’affirment comme tels, étant dans un pays où la Constitution ne permet pas l’érection de partis politiques d’obédience religieuse.
D’un autre côté, je crois que les confréries pourraient jouer un rôle beaucoup plus important, si elles s’attelaient à un véritable travail de modernisation de leur discours, pas dans le sens de la perte de leurs valeurs fondamentales, mais dans le sens d’une nouvelle pédagogie du soufisme. Car nous sommes en présence d’une nouvelle jeunesse de plus en plus exigeante dans sa compréhension de la religion, et qui est en demande forte de spiritualité. Si les confréries n’offrent pas ce cadre-là, nos jeunes vont regarder ailleurs. Nous sommes dans un monde globalisé, dans un marché de biens symboliques, où circulent des offres, et les consommateurs que sont nos enfants ne consommeront que des offres bien modelées sur ce marché-là.
Or, ces confréries offrent des choses archaïques, qui ne collent pas avec les réalités du moment. Pour jouer leur rôle de rempart, ce discours doit être travaillé et revu. Ces confréries doivent aussi cesser leurs accointances répétitives avec le pouvoir politique, qui les décrédibilisent complètement. Il y a un paradoxe dans le paysage islamique sénégalais, c’est qu’une frange de la population se détourne des confréries, non pas en étant contre leurs enseignements des anciens comme Cheikh Amadou Bamba, ou El Hadj Malick Sy, mais par déception vis-à-vis d’un discours qui ne tient pas compte de leurs réalités. Cette frange de la population, malheureusement, se dirige vers des mouvements allant de l’idéologie des Frères Musulmans à certains cercles salafistes, comme celui qui contrôle la Mosquée de l’Université de Dakar, où derrière un décor de modernité, sous un discours d’un Islam rationnalisé, on transmet une idéologie des plus rétrogrades de l’Islam. Les confréries doivent jouer leur rôle, car elles ont une force, un impact sur la réalité et sur la vie des gens, de sorte qu’aujourd’hui, elles ne peuvent pas se mettre à l’écart de ce combat pour leur survie et la pérennisation d’un modèle religieux qui a façonné l’espace sénégalais, mais aussi parce qu’il y a un enjeu global de sécurité.
Au Nigéria, on a vu des gens instruits, complètement rejetés par le marché du travail, en dehors du système politique et économique, qui se radicalisent et combattent leur propre société.

Dakaractu : Le terrain d’adhésion n’est-il pas celui que proposent à des jeunes désœuvrés ou non instruits, les nouveaux jihadistes?

B. S. : Nous avons longtemps dormi sur nos lauriers et sur le mythe du sénégalais naturellement non violent, qui veut accréditer l’idée que cela ne peut nous arriver ici, comme cela s’est produit au Mali et à Tombouctou. Je crois qu’un jeune, désespéré au point de s’immoler devant les grilles du Palais présidentiel ou dans le campus universitaire, ce jeune-là est capable s’il est endoctriné, de porter une ceinture d’explosifs et de se faire sauter avec. Et puis, sur le terrain, à Tombouctou, durant l’opération Serval, on a retrouvé des sénégalais, venant de  France certes, mais aussi du Sénégal, qui faisaient partie d’un mouvement salafiste et qui ont été à Tombouctou pour faire le Jihad. Des témoignages existent dans ce sens. Ce mythe du sénégalais naturellement non violent ne tient plus la route. Quand l’Etat faillit, quand l’éducation échoue, quand la justice sociale n’est pas au rendez-vous, quand la démocratie se réduit seulement à une démocratie électorale, alors que dans la redistribution des richesses, l’Etat ne joue pas son rôle, nos jeunes peuvent être embrigadés ou endoctrinés par ces mouvements qui leur vendent des illusions. Les terroristes ont deux choses que nos Etats n’ont pas : le temps et l’argent.

Dakaractu : La première des sécurités n’est-elle pas de rétablir la justice sociale et de donner un avenir à ces jeunes ?

B. S. : La base de la sécurité est la justice sociale et aussi que l’Etat joue pleinement son rôle, que l’éducation soit assurée, que les inégalités soient résorbées. L’approche militaire et seulement sécuritaire ne peut épuiser la question, d’autant que Al Quaïda a changé de stratégie depuis l’Afghanistan, et ne s’investit plus dans des causes globales et internationales, mais se limite à récupérer des conflits locaux, à les islamiser et à attirer l’occident dans le piège de l’intervention, ce qui va leur donner de nouveaux arguments de l’anti-Islam de l’occident. Il nous faut avoir le courage de considérer la réalité de la menace. Je ne suis pas un pyromane, ni un alarmiste, mon rôle de chercheur m’amène à dire que ce qui s’est passé ailleurs peut se passer ici chez nous. L’idéologie salafiste qui a conduit à la destruction des mausolées de Tombouctou est bien chez nous. Maintenant, l’opérationnalité de la menace n’est qu’affaire de circonstances, et ces circonstances malheureusement ne sont pas maîtrisables, il nous faut donc être vigilants et mener une politique de prévention.
Dakaractu : Depuis 2012, vous ne cessez de tirer la sonnette d’alarme. Que vous répondait-on ?

B. S. : Dans le contexte malien, nous nous étions rendu compte que le discours émergeait, attirait notre attention sur un certain endoctrinement dont le support était l’enseignement incontrôlé, et des liens avec certaines organisations en dehors du Sénégal, qui avaient l’intention d’exporter leur idéologie dans notre pays. Je suis un patriote, je ne veux pas nuire à l’image de mon pays, à des investissements probables, au tourisme, mais nos autorités publiques doivent prendre leurs responsabilités en tenant compte de la menace. Il nous faut gérer cette menace avec vigilance et prévention, et surtout utiliser les ressorts qui existent dans notre société, comme l’idéologie soufie, les paroles de nos guides qui portent et qui sont écoutées.
Il ne faut pas se leurrer! Le Sénégal ne peut demeurer cette oasis de stabilité, dans un océan d’instabilité, si on ne prend pas nos responsabilités et qu’on ne résout pas les frustrations de notre jeunesse, qui peut être à la merci de certains vendeurs d’illusions.

Dakaractu Bi Hebdo

« Il est temps que l’ONU considère Boko Haram comme un problème international prioritaire! »

14 décembre 2014

Il est temps que l’ONU considère Boko Haram comme un problème international prioritaire

« Lorsque les exactions d’une organisation causent des dizaines de milliers de déplacés et de réfugiés, des tueries massives et peuvent déstabiliser les Etats frontaliers, elle ne peut plus être considérée comme  un problème strictement nigerian » s’alarme Bakary Sambe, enseignant-chercheur au Centre d’étude des religions de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, dans un entretien accordé à Dakaractu.
Selon lui, « les incursions de Boko Haram au Cameroun, les défis sécuritaires que l’organisation pose à des pays comme le Niger sont de nature à compromettre le principe même de souveraineté et à causer, à moyen terme, des conflits pouvant aggraver l’instabilité de la région »
Pour le coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique (ORCRA) « le contexte préélectoral qui prévaut au Nigeria est lourd de toutes les incertitudes quant à la stabilité du pays et les dangers d’un scrutin à haut risque si l’on sait que même les élections de 2011 relativement plus calmes que d’habitude avaient causé au moins 1000 morts ».« S’y ajoute qu’une certaine perception au sein de la classe politique nigeriane considère le Nord comme plutôt favorable à l’opposition et que les partisans de Goodluck Jonathan ne se plaindraient pas, outre mesure, d’une déstabilisation de cette région », confie Bakary Sambe à Dakaractu.
« Les récentes attaques contre des cheikhs de la Tijaniyya et la mosquée de Kano sans compter les multiples exactions sur les populations civiles sont le signe d’une recrudescence dans un contexte international fortement marqué pas les évènements qui secouent le Moyen-Orient avec Daech ». Pour Bakary Sambe, « ce n’est pas une simple coïncidence si au même moment où les hommes d’Al Baghdâdî revendiquent un Etat dit islamique, Boko Haram proclame un califat, dans le sillage des actions spectaculaires des groupuscules djihadistes comme Jund al-Khilâfa ».
« Mais au moment où l’armée nigeraine a tout le mal du monde à reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire et où on s’interroge sur le sort de soldats qui auraient déserté pour se réfugier au Cameroun, il devient légitime, surtout en cette période préélectorale, que la communauté internationale se mobilise autour de l’équation Boko Haram », rappelle Dr. Sambe.
D’après Bakary Sambe, « l’urgence d’une mobilisation internationale n’est plus à discuter si l’on sait les crises humanitaires qui affectent déjà les Etats de Borno et de l’Adamawa avec des répercussions inéluctables au Niger, au Cameroun voire au-delà ».
« Pour toutes ces raisons et au regard des conséquences d’une expansion territoriale du phénomènel’ONU a tout intérêt à traiter de la question Boko Haram comme une priorité internationale absolue », conclut Bakary Sambe.

L’Afrique doit rester le bastion d’un islam de paix et de tolérance

14 décembre 2014
Bakary Sambe (CRAC-UGB) en Conférence à Montréal : « Les Africains musulmans ont une alternative à proposer à la Oummah et au monde arabe en crise »
  • Pour Bakary Sambe, « le continent ne doit pas se suffire d’importer des crises exogènes en même temps que des modèles idéologiques, mais doit plutôt s’efforcer d’exporter l’alternative d’un islam de paix et cohésion sociale tel que nous le connaissons au Sénégal ».

C’était lors d’une conférence intitulée « le modèle islamique sénégalais à l’épreuve du radicalisme », en marge d’un colloque international sur « l’islam politique au Grand Moyen-Orient et en Afrique de l’Ouest », organisé par l’Institut des Hautes Etudes Internationales (HEI) de l’Université Laval du Québec.

Dr. Bakary Sambe, connu pour ses positions en faveur de la valorisation de la contribution africaine au patrimoine islamique, a été l’invité du Regroupement général des Sénégalais du Canada (RGSC) et de l’Association des étudiants sénégalais de Montréal dans le cadre d’une conférence modérée par le philosophe Dr. Khadim Ndiaye en présence des responsables de la communauté.

Dès l’entame de son propos, il dira que « cette minorité dans la Oummah que représente le monde arabe devrait apprendre à s’inspirer des modèles islamiques qui ont réussi ailleurs comme en Asie et en Afrique ».

Selon ce spécialiste du monde musulman au Centre d’étude des religions de l’Université Gaston Berger, « il est de l’intérêt même de la Oummah que les africains musulmans se départissent de tous les paternalismes d’Occident comme d’Orient et s’affirment avec responsabilité en porteurs d’une alternative à l’extrémisme violent ».

Une réponse africaine à l’extrémisme violent : Promouvoir et défendre le soufisme pour vaincre le Djihadisme

3 novembre 2014

L’Afrique et ses oulémas ont tout intérêt à repréciser leur discours et à réaffirmer ce mode d’islam pacifique complètement en harmonie avec nos sociétés et nos cultures au lieu d’essayer d’importer des idéologies telles que le salafisme, le wahhabisme ou le jihadisme qui répondent à d’autres circonstances politiques, d’autres contingences culturelles qui ne sont pas forcément les nôtres.

J’ai toujours lancé un appel aux chefs confrériques soufis qui ont une responsabilité historique. Leur responsabilité historique est la suivante : ce sont des personnalités qui ont voix au chapitre, ce sont des personnalités qui ont presque le monopole du discours religieux et ce sont ces personnalités-là qui doivent aujourd’hui se faire entendre ou en tout cas adhérer à ce discours-là pour que l’Afrique, le modèle religieux, le modèle islamique qui a préservé la paix sociale dans certains de nos pays jusqu’à présent – exception faite de la situation malienne et de quelques autres pays comme le Niger – que cet islam-là ne soit pas supplanté par toutes ces « stratégies du Sahel ». Je les appelle « stratégies du Sahel », elles ont été développées dans les années 1970 de la part de ces pays et organisations malheureusement du monde arabe qui font passer des idéologies, exportent des idéologies qui n’ont rien à voir avec le contexte africain, et ces idéologies sont productrices de violence, de haine et d’une certaine instabilité telle qu’on le voit au Moyen-Orient et dans certaines régions du Maghreb.

La vraie réponse contre le djihadisme et l’extrémisme violent doit d’abord être une réponse pédagogique et surtout préventive. La lutte contre le terrorisme, c’est d’abord une bataille idéologique, elle se gagne par l’éducation, elle se gagne par la prise de conscience. J’ai coutume de dire aux partenaires européens et à d’autres Occidentaux que si on attend que des jihadistes, que des milices soient installées dans le nord du Mali, dans le sud du Niger, je ne sais où, ou dans le sud libyen pour qu’on arrive avec des drones, des chars de combat, il faut avouer que nous avons perdu une grande bataille dans cette guerre contre le terrorisme. Cette guerre se mène par l’éducation, par la généralisation de l’éducation, par une prise de conscience citoyenne, par la démocratie, par la lutte contre les injustices et les inégalités sociales. Mais là, la méthode répressive est la moins bonne des réponses, parce que justement elle n’a pas d’efficacité.

Il y a des prises de position claires, notamment au sein des confréries soufies traditionnelles, mais aussi dans certaines organisations religieuses elles-mêmes. Certaines organisations se réclament du salafisme ou du wahhabisme au Sénégal, au Mali, mais dans le discours public, elles ont renoncé au jihadisme. En tout cas, elles l’ont crypté dans leurs discours publics : on rejette le jihadisme et la violence, en rappelant les principes de l’islam sur ce point précis, en rejetant toute forme de violence dont la base serait islamique.

Le phénomène n’est pas encore bien répandu en Afrique subsaharienne, mais rien n’empêche que l’on puisse réfléchir à des moyens de prévenir cela. Il revient aux Etats africains, aux sociétés civiles africaines, aux personnalités musulmanes africaines de produire une réflexion claire et précise sur cette question-là et de prévenir que ce danger jihadiste, que cette tentation jihadiste, puisse s’installer, en tout cas puisse avoir l’impact qu’elle a eu au Moyen-Orient, au Maghreb, mais aussi en Europe.

Il y a des initiatives qui méritent encouragements. Des initiatives marocaines avec la formation des imams, avec certaines radios, l’organisation de prêches, les sensibilisations menées par des musulmans et par des leaders, des jeunes leaders musulmans, des politiques… Il y a eu récemment aussi, du côté de l’Algérie, le lancement de la Ligue des oulémas du Sahel pour un islam modéré, un islam pacifique, un islam vrai parce que le fond même de l’islam, c’est le pacifisme et la paix. Il y a des initiatives, donc je pense que ce discours mérite encore d’être développé au sein des confréries qui doivent prendre leurs responsabilités, sortir des discours purement traditionnels pour répondre aux exigences des temps modernes, mais aussi pour répondre aux aspirations d’une jeunesse de plus en plus demandeuse de spiritualité et qui, si elle n’est pas satisfaite, peut lorgner ailleurs.

 

 

Interview de Bakary Sambe dans le Süddeutshe Zeitung sur la « montée du radicalisme dans le Sahel » Vier Jahrzehnte Verspätung

21 septembre 2014

Bakary Sambe 

Vier Jahrzehnte Verspätung 
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Interview von Tobias Zick 

Der senegalesische Politikwissenschaftler Bakary Sambe forscht zum Einfluss transnationaler islamistischer Netzwerke in Afrika. Zum Interview in einem belebten Café in der Hauptstadt Dakar erscheint er in Begleitung seines Assistenten. « Aus Sicherheitsgründen », sagt er. 

SZ: Herr Sambe, eigentlich kennt man Senegal doch als Hort eines friedlichen, absolut toleranten Islam. 

Bakary Sambe: Ja, aber die radikalen Einflüsse nehmen zu. Am Stadtrand von Dakar haben Wahhabiten eine Moschee erobert und mit Gewalt den Imam abgesetzt, um einen anderen zu installieren. Der bisherige, sagten sie, predige nicht den wahren Islam. An der Universität von Dakar hält eine salafistische Studentenvereinigung die traditionellen Bruderschaften davon ab, ihr Ritual zu praktizieren. 

Seit wann gibt es diese Einflüsse? 

Seit den 1970er-Jahren verfolgen die Wahhabiten vom Golf eine Sahelstrategie. Wenn die Europäer nun über eine eigene Strategie für die Sahelzone reden, kommen sie mit vier Jahrzehnten Verspätung. 

Womit begann die islamistische Sahelstrategie? 

In den 1970er-Jahren grassierten hier Dürren und Hungersnöte. Europa und die USA steckten damals in der Ölkrise, allein die Golfstaaten hatten reichlich Geld. Die Ölmonarchien entwarfen eine Strategie auf zwei Säulen: Da’wa (Predigt), und Ighatha (Wohltätigkeit). Konkret heißt das: Man ersetzt den Staat – im sozialen Sektor, bei der Bildung, der Gesundheit. Eine Strategie, die vor allem auf die Ärmsten zielt. In den 1980er-Jahren konnte sich das umso besser verbreiten, als die westlichen Geberländer den afrikanischen Staaten Anpassungsprogramme aufnötigten. Die verhinderten, dass diese Länder selbst in Bildung und Gesundheit investieren konnten. Da taten sich große Lücken auf, in die islamische Organisationen vorstoßen konnten. 

Ganz abwesend ist der Staat heute nicht. 

Nein, und dort, wo er präsent ist, herrschen enorme Spannungen. Etwa in der Bildung. Senegal ist eines der wenigen Länder der Welt, wo sich neben dem offiziellen Bildungssystem ein paralleles etabliert hat; in arabischer Sprache, mit einer ganz eigenen Agenda. Über dieses System hat der Staat keine Kontrolle – weder über die Finanzierung noch über die pädagogische Ausrichtung und die Lehrpläne. Und es bringt eine frustrierte Elite hervor; junge Leute, die in Saudi-Arabien gewesen sind, kehren zurück, finden keine Arbeit, haben nichts zu tun. Beste Bedingungen für radikale Gruppen. 

Welche Ziele verfolgen diese Gruppen? 

Manche sind klar politisch ausgerichtet und mit den ägyptischen Muslimbrüdern verbandelt, andere zielen auf religiöse Reform ab. Sie bekämpfen den Islam der traditionellen Sufi-Bruderschaften. Sie behaupten, ihr Ziel sei die Errichtung einer echten islamischen Gesellschaft. 

95 Prozent der Senegalesen sind doch bereits Muslime. 

Wir haben seit Jahrhunderten einen Islam, der friedfertig ist und nie Probleme bereitet hat. Diese Organisationen wollen den senegalesischen Islam politisieren, indem sie ihn mit salafistischen und wahhabitischen Ideologien infizieren und Konflikte der arabischen Welt in die hiesige Gesellschaft importieren. 

Was versprechen sie sich davon? 

Dahinter steckt ein arabischer Paternalismus, der davon ausgeht, dass die afrikanischen Muslime zu wahren Muslimen gemacht werden müssten. Die arabische Welt nimmt uns Afrikaner gewissermaßen als Unter-Muslime wahr, aber das ist nichts Neues. 

Sondern? 

Schon 1591 kam der Sultan von Marokko und sagte, er wolle jetzt Mali islamisieren – da war Timbuktu schon längst eines der größten islamischen Zentren überhaupt. Das eskalierte dann in der Schlacht von Tondibi, etwa 60 Kilometer nördlich von Gao. Als im Jahr 2012 die Dschihadisten die Mausoleen in Timbuktu zertrümmerten, steckte dahinter abermals die Botschaft, dass wir Afrikaner nichts zum Islam beigetragen hätten – und man uns einen reinen Islam bringen müsse. Der kulturelle Beitrag der afrikanischen Muslime zur islamischen Zivilisation soll zerstört werden. 

Worin genau besteht dieser Beitrag? 

Die Afrikaner haben etwas Außergewöhnliches vollbracht: eine kritische Assimilierung der Religion. Sie haben die Zugehörigkeit zum Islam mit den bestehenden kulturellen Realitäten vereint – mit der Folge, dass der Islam zur integrierenden Kraft wurde, basierend auf Frieden und Dialog. Ein friedfertiger, spiritueller Islam, der keine Spannungen zwischen Kultur und Religion erzeugt. Ein Glaube, der den Islam nicht politisiert, sondern für sozialen Zusammenhalt sorgt. 

Wie könnte man heute die Radikalisierung aufhalten? 

Der Westen muss sich klar werden, dass der Krieg gegen Terror ein ideologischer Kampf ist, den man nicht mit Panzern und Drohnen gewinnt, sondern mit Bildung . Eine vernünftige Sahel-Strategie müsste darin bestehen, die afrikanischen Staaten handlungsfähig zu machen. Diese Staaten müssen ihre Grenzen kontrollieren können. Wir brauchen eine Strategie der kollektiven Sicherheit, wie sie die Afrikanische Union anstrebt. 

Welcher Beitrag kann aus Senegal selbst kommen? 

Hier haben wir den Vorteil, dass – anders als in Mali – der Islam der Bruderschaften noch nicht zerstört worden ist. Die Bruderschaften bilden noch starke Bollwerke gegen die gewaltsame Radikalisierung – vorausgesetzt, sie erneuern ihren Diskurs; der ist bislang vor allem theologisch, theoretisch, repetitiv. Mehr der Vergangenheit zugewandt als der Zukunft. 

Wie könnten die Bruderschaften die frustrierten Jungen erreichen? 

Sie müssten die wahren Probleme ansprechen: Armut, Korruption – bisher sind die Bruderschaften Kollaborateure der Regierung. Wenn sie daran festhalten, werden die Jungen sich auch gegen die Bruderschaften stellen, sich von deren Islam abwenden und sich einem Islam anschließen, der fordernder auftritt, kämpferischer – und sich so als modern präsentiert. 

Für Senegal besteht also, verglichen mit Mali und Nordnigeria, noch Grund zur Zuversicht? 

Ich bin optimistisch, aber vorsichtig: Sobald eine Ideologie, wie sie zur Zertrümmerung der Mausoleen von Timbuktu geführt hat, erst einmal in der Gesellschaft verankert ist, wird die Handlungsbereitschaft nur noch eine Frage der Gelegenheit sein. Und Gelegenheiten kommen immer überraschend. Die Senegalesen müssen mit dem Mythos der Gewaltlosigkeit ihres eigenen Volkes aufräumen. Vor einigen Jahren haben sich Jugendliche, getrieben von Armut und Elend, im Protest gegen die Mächtigen vor den Toren des Präsidentenpalastes selbst verbrannt. Wer zu so etwas bereit ist, der kann sich eines Tages auch einen Sprengstoffgürtel umbinden.

Tobias Zick 
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Tobias Zick, Jahrgang 1977, hat nach der Henri-Nannen-Schule den Journalistenverbund Plan 17 mitgegründet, als freier Journalist in Genua gelebt und für Magazine wie Stern, Geo, Neon, Brand Eins, Mare, Dummy u.a. geschrieben. Für sein Buch « Heimatkunde » erkundete er Deutschland zu Fuß. Er war Redakteur bei Neon, IJP-Stipendiat in Kairo, freier Textchef und Kolumnist bei Natur, Seminarleiter und Dozent für Reportage/Magazingeschichte sowie Vorstandsmitglied der Freischreiber. Träger des EU Health Prize for Journalists. Seit Anfang 2013 Afrika-Korrespondent der Süddeutschen Zeitung in Nairobi.

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