Guerres sans fin : L’homme africain entrera-t-il un jour dans la fin de l’Histoire ?

12 décembre 2013

Dans un discours à Dakar qui avait fait scandale, Nicolas Sarkozy avait évoqué la difficulté de l’Homme africain à rentrer dans l’Histoire. Au regard des conflits sans fin qui déchirent l’Afrique, la question qui se pose à elle est plutôt celle de sa capacité à sortir, comme l’Europe avant elle, d’une histoire faite de guerres et de violences.

Atlantico : Alors que François Hollande a reçu les chefs d’État africains à l’Élysée pour le sommet pour la paix et la sécurité en Afrique ce week-end, la France a lancé une intervention en Centrafrique.Quelles sont les zones actuelles de conflits en Afrique ?

Bakary Sambe : Le continent est devenu un terrain de jeux d’influences : intérêts et puissances s’y affrontent pendant que les États qui se délitent font face au défi du déficit d’État. L’Afrique vit pleinement le choc entre le principe de souveraineté et la trans-nationalité des acteurs. A l’Est, sur la corne de l’Afrique la Somalie fait face aux attaques des Shebabs. Alors que la République démocratique du Congo se déchire encore, la Centrafrique est entré dans un cycle de violence dont la fin n’est pas du tout proche, le nord du Nigeria vit au rythme des attentats terroristes et des attaques de Boko Haram qui étend ses opérations jusqu’au nord-Cameroun de temps à autre. Pendant ce temps, au Mali, après plusieurs mois d’occupation au Nord, les élections se sont bien passées mais les problèmes persistent avec le MNLA qui déclare la reprise de la guerre contre le pouvoir de Bamako. Et de temps en temps, les incursions djihadistes et les attaques spectaculaires rappellent que, malgré l’efficacité temporaire de l’Opération Serval, on ne vainc jamais le terrorisme par des blindés. D’ailleurs, l’opération française en Centrafrique sera beaucoup plus compliquée que Serval. Ce sera une guerre urbaine, sans front ni ennemi identifié sur fond de surenchère ethnico-confessionnelle, véritable bourbier pour les armées conventionnelles dont les stratégies de combat sont rendues obsolètes à l’ère de la guerre asymétrique imposée par les guérillas et les groupes terroristes.

De quelle nature sont ces différents conflits ? Quelles en sont les causes ?

La chute du mur de Berlin a consacré l’obsolescence de la guerre dans le sens d’un affrontement entre armées conventionnelles. Les types de conflits que l’on rencontre en Afrique sont de différents types : les irrédentismes et guérillas engagés dans des luttes politico-nationalistes comme le MNLA au nord du Mali, le Darfour jusqu’à la création du Soudan du Sud etc. Un autre type de conflit est celui qui part généralement d’une contestation politico-armée du pouvoir central pouvant aboutir à son renversement comme le CNT libyen ou la Séléka centrafricaine ou à un pourrissement comme en République démocratique du Congo. Les effets de la chute de Khadhafi combinés avec le redéploiement d’Al-Qaïda au Maghreb islamique et le foisonnement des groupuscules djihadistes plongent la zone sahélienne dans l’absurde guerre contre le terrorisme.

Les opérations terroristes se nourrissent de la faiblesse des États et de la trans-nationalité d’un ennemi devenu diffus depuis qu’Al-Qaïda a abandonné l’option des causes globales en se contentant de parasiter les conflits locaux auxquels ils s’efforcent de donner un habillage religieux. Ce fut exactement la stratégie d’Ansar Dine au Nord-Mali avec la question touarègue. La confessionnalisation du conflit en Centrafrique risque d’aboutir aux mêmes travers alors qu’on est dans un pays qui est une véritable mosaïque ethno-religieuse pour une population de 5 millions d’habitants dont 35% de catholiques, 45% de protestants, 15% de musulmans sans compter la minorité animiste de 5 %. Le choc entre les extrémismes musulmans wahhabites et évangélistes chrétiens peut aggraver le déchirement d’une société centrafricaine fortement secouée par des crises politiques répétitives depuis plus d’une décennie.

Comment de temps encore ces conflits « pour rien » dureront-ils ? A quelles conditions le continent africain pourra-t-il entrer dans la « fin de l’Histoire » ?

Malheureusement pour le continent, la boîte de Pandore avait été ouverte depuis la partition du Soudan et le déclenchement de la guerre de Libye qui portait bien son nom d’Aube de l’Odyssée. Je crains fort que l’Afrique soit entrée dans une phase d’au moins vingt ans où ce genre de conflits va freiner son développement tant attendu et qui se profilait à l’horizon avec la saturation prévisible de l’Asie, pendant que l’Europe est encore plongée dans la crise alors que les rares niches de croissances sont sur le continent noir. Beaucoup s’accordent sur un fait : l’Afrique est en train de revivre les pires moments similaires à ceux du temps de la Guerre froide où par alliés et agents interposés, différentes puissances et idéologies (salafisme wahhabites, évangélistes pentecôtistes, baptistes) s’y affrontent par délégation. Nous voilà, après la période des conférences nationales et des processus démocratiques dans le sillage de la Conférence de la Baule des années 1990, plongés, de nouveau, pour longtemps dans l’ère des sommets pour la paix et la sécurité. Espérons cette fois-ci que de ce mal peut-être nécessaire sortira définitivement du bien pour ce continent plein de potentialités, pour paraphraser un peu, Léopold Sédar Senghor.

La France a lancé une intervention en Centrafrique.
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 »In the Arab World, We Africans are Viewed as Inferior Muslims »

15 mai 2013

The French military intervention in Mali has triggered controversial reactions among Muslim intellectuals in West Africa. While there is almost universal rejection of jihadism, opinion about France’s political motives is divided. Charlotte Wiedemann spoke to the Senegalese political scientist Bakary Sambe

Dr Sambe, you have consistently spoken out in favour of the French intervention in Mali. The war has now been going on for three months. Can there be a military solution to the problem of militant Islamism in Mali?

Bakary Sambe: Of course the problem cannot be solved by military means alone. But general security in West Africa was under threat from the armed jihadists in Mali. This is why I supported the intervention.

There is now a great deal of debate over the role of France, and I certainly do not support any neo-colonial interests that France might possibly associate with its course of action. Politically speaking, I grew up with the criticism of European colonialism and imperialism. But it is important that people understand that there is now such a thing as Arab imperialism, and we have to fight that too.

What exactly do you mean by ‘Arab imperialism’?

Sambe: For some time now, the proponents of international Wahhabism have been working on a plan to establish a Wahhabi zone of influence that extends right across the entire Sahel region, from Niger, northern Nigeria and Mali through to Senegal. This represents a huge threat to our brand of Islam, which has always lived in harmony with local cultures.

Bakary Sambe (photo: Lea Rösner)
Dr Bakary Sambe teaches and researches at the Centre for Religious Studies at the Université Gaston Berger in Saint- Louis, Senegal. His specialist subjects are the trans-national networks of militant Islamism and Arab-African relationsOrganisations that are financed by Arab nations such as Kuwait, Qatar and Saudi Arabia are attempting what could be described as an « Islamisation » of our region; they want to bring their idea of « true Islam » to sub-Saharan Africa. This is pure ideology motivated by an Arab paternalism that I vehemently oppose. The attempt to « Arabise » us is based on a total denial of our culture as African Muslims. The destruction of the mausoleums in Timbuktu was an extreme example of this.

In Mali, the leaders of the Islamist occupation in the North came from abroad, but they were also backed by a local minority. What is the reason for this? Poverty, as some claim, or an altered understanding of religion?

Sambe: Poverty is certainly a factor. The African state is weak and does not operate any kind of social policy. But above all, the state has withdrawn too much from the education system, leaving the field to non-state organisations that are financed out of Kuwait, Qatar and Saudi Arabia.

This is especially true of Mali, where the state education system is impoverished and religious players have been given too much room to manoeuvre. This gives rise to a parallel education system with an ideology that comes from abroad and over which the state has absolutely no control.

Although you denounce this Arab influence, you are also opposed to the term « Islam noir » – or « black Islam » – that some westerners are fond of using.

Sambe: This term was introduced during the colonial era and sought to infantilise us, the African people. Allegedly, we were so emotional because we were not as spiritually mature as the Arabs, who were consequently viewed as more dangerous. France has always tried to establish a barrier between the Maghreb and the sub-Saharan region, to prevent any intellectual exchange from taking place.

You speak of an inferiority complex that still affects African Muslims to this day. Where does this come from?

Sambe: In the Arab world, Muslims from sub-Saharan Africa are viewed as second-class Muslims, as sub-Muslims. Imagine this: in the fifteenth century, Timbuktu was an important city of scholars, and now, in the twenty-first century, Arab organisations come here, exploit our young people and tell them that it is their job to Islamise their societies! My response is this: Africa must stop importing ideologies from abroad and regarding itself as a kind of inferior Zone B.

Arab Muslims and sub-Saharan Muslims must at last develop a relationship built on mutual respect. It is still a relationship based on dominance. However, conversion has never been a one-way street. Each and every people that adopted Islam also gave something back to Islam. This was the only way that the universality of Islam could arise.

Interview: Charlotte Wiedemann

© Qantara.de 2013

Translated from the German by Nina Coon

Editor: Aingeal Flanagan/Qantara.de

Le Sénégal pourrait-il connaître le sort du Mali ?

15 mai 2013

Par Gaël Cogné
France Info TV

Pays proche du Mali, le Sénégal fait figure de modèle démocratique dans la sous-région… comme son voisin hier. Le pays n’est peut-être pas à l’abri du péril islamiste.

Depuis quelques mois, la carte des conseils aux voyageurs du Sahel du ministère des Affaires étrangères s’empourpre. Du jaune, elle a viré au orange, puis au rouge. Les consignes sont impératives : pas question d’aller au Mali ou au Nigeria, et évitez de mettre les pieds au Tchad. L’otage français passe pour une denrée prisée dans cette vaste région qui borde le sud du Sahara. Dans tout le Sahel ? Non. A mieux regarder la carte, un petit confetti jaune résiste sur les rives de l’océan Atlantique. Le Sénégal, avec ses plages de sable blanc, ses 18 000 Français expatriés et son légendaire sens de l’hospitalité, la “teranga” en wolof.

Un risque terroriste éludé

Le tableau a cependant pris quelques petits coups de canif. Comme le 22 février. La flambant neuve ambassade des Etats-Unis à Dakar adresse alors un SMS inquiétant à ses ressortissants. Depuis le bunker hyper sécurisé de la pointe des Almadies, consigne est donnée d’éviter le centre de la capitale sénégalaise. La sécurité y est d’ailleurs renforcée.

Alors que le Sénégal est frontalier de pays confrontés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), la question d’une contagion jihadiste a pourtant été étrangement éludée dans le pays. Il faut attendre le 15 janvier, avec l’engagement de troupes sénégalaises au Mali, pour que le nouveau président, Macky Sall, invite les chefs religieux à “prévenir leurs disciples contre d’éventuelles influences étrangères”. Le 9 mars, il concède qu’”il y a un risque de cellules dormantes, comme partout ailleurs. La carte du terrorisme mondial est une carte mondiale”.

“Nous nous sommes reposés sur nos lauriers”

D’autres se font plus directs. “On sait que des ressortissants de tous les pays de l’Afrique de l’Ouest ont fourni des troupes au Mujao”, l’un des groupes terroristes qui contrôlait le Nord-Mali, indique à francetv info Alioune Tine, président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) à Dakar. Dans un entretien au journal sénégalais Sud Quotidien, il affirmait que des Sénégalais se trouvaient dans les rangs terroristes. Ces jihadistes peuvent être “des gens passés par l’immigration qui ont échoué au Mali, ou bien des talibés (étudiants en théologie). Souvent, ils sont très jeunes et vivent dans une extrême pauvreté. Avec le trafic de drogue, ils trouvent un moyen de faire facilement de l’argent. Finalement, c’est une question démographique et de chômage”.

Qu’en est-il sur le territoire du Sénégal ? “Dans certaines mosquées, il existe des prêcheurs qui ont un discours pas vraiment différent du message des jihadistes”, estime Alioune Tine. Bakary Sambe, chercheur à l’université Gaston Berger de Saint Louis, s’inquiète aussi : “Nous nous sommes longtemps reposés sur nos lauriers, avec un certain mythe du Sénégalais naturellement non-violent, et en comptant sur un islam confrérique soufi paisible. Nous n’avons pas pris en compte la dimension transnationale de la menace.” Il ajoute : “Depuis 2005, je signalais [qu'il existait] un projet de créer une zone d’influence wahhabite [le wahhabisme étant un courant rigoriste de l'islam proche du salafisme], sous l’impulsion de l’Arabie saoudite et ses organisations, sur toute l’étendue du Sahel.” De la Somalie et l’Erythrée, jusqu’au Sénégal.

“Bombe à retardement”

Il poursuit son raisonnement : “Aujourd’hui, nous constatons l’importation d’une idéologie wahabbite et salafiste. Si l’idéologie du nord du Mali qui a conduit à s’attaquer au patrimoine de Tombouctou est présente au Sénégal, la phase opérationnelle n’est qu’une question de circonstance. Or, les circonstances sont imprévisibles. Personne ne s’attendait à ce que des Sénégalais s’immolent devant le palais présidentiel. Une personne qui fait cela est capable de porter une ceinture d’explosifs. Les ingrédients en termes de désespoir et de perte de repères d’une jeunesse en proie au chômage sont bien là.”

Le chercheur relève que de nombreuses ONG islamiques officient à Dakar, un “hub” à l’échelle de la sous-région. Elles “mènent un travail social, d’assistance, construisent des écoles où une certaine idéologie est dispensée. Et l’Etat n’a aucun regard, aucune emprise”. Pour lui, l’enjeu est central. “A côté de l’école publique d’Etat, un enseignement islamique crée une élite frustrée qui n’arrive pas à s’insérer économiquement en sortant de ces écoles parallèles, car la maîtrise du français reste une condition essentielle pour prendre l’ascenseur social. C’est une bombe à retardement ! Dans quelques décennies, la cohésion sociale risque d’en être affectée.”

Des confréries qui font obstacle

Dans un entretien au site Maliweb, l’intellectuel et ancien diplomate malien Bandiougou Gakou rappelle précisément que c’est ainsi que les choses ont commencé : “Au Mali, la véritable implantation du salafisme a débuté par le financement systématique des mosquées et des madrasas [écoles] acceptant de répandre la doctrine wahhabite.”

Toutefois, un bon connaisseur de l’islamisme dans la région relativise. “Le Sénégal a un côté très religieux, mais le wahhabisme se heurte aux confréries” (mouride, tidiane, layène…). Selon lui, l’influence salafiste “pour le moment, s’observe à la marge”. Des “gens ont cherché à infiltrer la confrérie des mourides mais ils ont été identifiés. Le Sénégal est un peu préservé par les confréries”, admet Alioune Tine.

Conflit touareg au Mali, conflit casamançais au Sénégal

Mais d’autres éléments inquiètent cette figure de la société civile sénégalaise. Il remarque que comme le Mali avec les Touaregs, le Sénégal ne parvient pas à se débarrasser d’un vieux conflit en Casamance, une zone du sud-ouest du pays. “Au Sénégal, il y a aussi du trafic d’armes et du narco-trafic. Nous savons que dans le conflit casamançais, beaucoup d’armes ont été financées par le trafic de cannabis. Ce qui s’est passé au Mali peut arriver au Sénégal…”

Dans une publication, repérée par un blog de Rue89, le think tank Ipode dresse le même constat sur le conflit en Casamance. Les deux auteurs, Mouhamadou El Hady Ba et Pierre Amath Mbaye, ajoutent que, comme au Mali, certains officiers sont mal payés ; que, comme au Mali, les autorités religieuses et politiques sont remises en question ; que, comme au Mali, l’éducation fait défaut ; et enfin que “le Sénégal est bien plus inégalitaire que le Mali”.

Pour les deux chercheurs, le risque n’est pas à la contagion d’un “péril islamiste” venu de l’étranger, mais à “une transformation de nos propres conflits de basse intensité (en Casamance) en conflit de forte intensité”. Selon leur analyse, les islamistes venus de l’étranger ont pu mettre la main sur le Nord-Mali en exploitant une situation délétère depuis les années 1960 entre la rébellion touareg et un Etat malien en décrépitude. Et ce, alors même que le Mali faisait figure de modèle démocratique.

Par Gaël Cogné
France Info TV

 

Visite de Mohammed VI : Les dessous d’un choix obligé de l’Afrique subsaharienne

16 mars 2013

Source : Dakaractu.com

16/03/2013

Pour avoir perdu du terrain sur le front méditerranéen et maghrébin, le Maroc n’a plus le choix sur le plan géopolitique et se tourne davantage vers l’Afrique au sud du Sahara. C’est l’avis du Pr Bakary Sambe. Malgré une présence depuis le Moyen-Age, le Maroc a toujours voulu se donner l’image du « pays maghrébin le plus influent au Sud du Sahara » rappelle, le chercheur au Centre d’Etude des Religions (CER) de l’UFR des Civilisations, Religions, Arts et Communication (Université Gaston Berger de Saint- Louis).

Auteur du livre « Islam et diplomatie : la politique africaine du Maroc », le professeur Bakary Sambe parle, certes, de « continuité historique » à l’occasion de la visite du souverain Mouhamed VI au Sénégal soulignant que le Maroc a été le premier pays africain visité par Wade alors nouvellement élu. Il souligne que « les changements politiques intervenus dans les deux pays n’ont jamais eu d’impact négatif sur la qualité des relations bilatérales » et que, le Maroc « jouant sur une stratégie de bilatéralisme sélectif en Afrique, depuis son départ de l’UA en 1984, suite à l’adhésion du Sahara occidental, a toujours fait du Sénégal le pivot de son influence au Sud du Sahara ».

Cependant, soutient Bakary Sambe, « le royaume chérifien n’a jamais perdu de vue l’efficacité politique des symboles religieux qu’il a toujours placés au coeur de sa diplomatie, saisissant les infinies possibilités qu’offre la dimension religieuse dans les contextes du Sud fortement marqués par une certaine privatisation des rapports y compris politiques ». Pour Sambe, « rien n’est laissé au hasaerd; le choix d’un vendredi, la rencontre avec la Ligue des Oulémas du Maroc et du Sénégal, le facteur Tijâniyya, mais aussi la revivification des liens d’amitié entre Hassan II et la famille de Cheikh Gaïndé Fatma, du côté de Touba ». De toute façon, rappelle Bakary Sambe, « il en a toujours été ainsi dans la tradition diplomatique partagée entre les deux pays : de l’inauguration de la grande mosquée de Dakar construite par l’architecte personnel de Hassan II, Gustave Collet, jusqu’à l’officialisation diplomatique du colloque annuel de Fès et des Journées Tijâniyya à Dakar, Rabat avait très vite compris l’impact certain de la stratégie de sacralisation parfois à outrance des rapports diplomatiques ». Le spécialiste du, monde musulman à l’UFR-CRAC de l’Université Gaston Berger va même jusqu’à en conclure « une recherche de modèle religieux » de la part du Maroc qui « tient particulièrement à la survie du Fiqh malikite et du dogme ash’arite en Afrique subsaharienne, où ils sont challengés, comme au Maroc d’ailleurs, par la montée de l’islam wahhabite, et qui fait que le Maroc s’est lancé depuis Hassan II dans une activité soutenue de réédition des classiques religieux redistribués grâcieusement dans les medersas africaines ».

Mais, la nouveauté, pour Bakary Sambe est que les mutations géopolitiques récentes ont fait que le Maroc ne pouvait plus avoir le monopole d’une telle influence basée sur ce qu’il appelle « les ressources symboliques et religieuses. La Turquie dont le premier Ministre Racep T. Erdogan était récemment à Dakar, investit de plus en plus le champ de la « diplomatie religieuse » avec des moyens financiers incomparables et surtout « un modèle de réussite économique à vendre dans le cadre d’une autre alternative Sud-Sud longtemps vantée par le Maroc ».

C’est ce que dit démontrer, Bakary Sambe, dans une récente publication en collaboration avec l’IFRI, l’Institut Français des Relations Internationales (Le Maghreb et son Sud: vers des Liens renouvelés, Editions du CNRS, 2013), en revenant sur les nouvelles perspectives de la « stratégie d’influence marocaine à l’heure des profondes mutations géopolitiques » auxquelles nous assistons.

S’arrêtant, précisément, sur ces « mutations » Bakary Sambe soutient que « Le Maroc n’a pas le choix sur un plan géopolitique. Ses ambitions en Méditerranée sont depuis longtemps bridées par le puissant voisin espagnol. A l’est, l’autre voisin algérien le bouscule jouant sur le conflit avec le Polissario. Donc le Maroc ne peut prétendre à une influence que vers le sud du Sahara », renseigne le Pr Sambe.

Mais, pour le spécialiste des questions internationales, « La deuxième raison, c’est que récemment, nous l’avons vu, qu’avec la crise au Mali, il y a eu un retour en force de l’Algérie sur la scène africaine et on connaît les velléités, sinon les rivalités entre ses deux pays en matière diplomatique, notamment autour du problème du Sahara occidental », ajoute-t-il.

Selon le professeur Bakary Sambe, outre les signatures de conventions et autres accords, particulièrement en matière de transport et de circulation, la visite du roi Mohamed VI sera l’occasion de rencontrer les chefs religieux tidianes, mourides et d’autres confréries. « Mais aussi la rencontre avec les ressortissants marocains qui sont établis depuis très longtemps au Sénégal. Les deux pays étant liés par une convention d’établissement qui fait que les citoyens sénégalais et marocains peuvent résider dans l’un ou l’autre pays avec les mêmes privilèges que les nationaux », précise-t-il.

Mais, « en plus de négocier un accord de libre échange avec la zone UEMOA et s’ouvrir un marché ouest africain de 243 millions de consommateurs sur 15 pays », dit-il, pour conclure, « dans un contexte d’une forte ruée générale vers l’Afrique et ses ressources, le Maroc veut se positionner davantage comme la porte maghrébine de l’Afrique subsaharienne pour, en même temps, jouer les intermédiaires avec l’Europe et consolider la percée de ses entreprises notamment ses grandes banques qui ont fait une OPA sur de larges parcelles du secteur financier ». Et, selon lui, » c’est la raison pour laquelle nos dirigeants sur lesquels compte beaucoup la diplomatie marocaine devraient être plus exigeants avec leur allié, notamment sur la gestion de l’immigration subsaharienne dont les pays maghrébins se font les « gendarmes » d’une Europe en proie à la crise et qui se barricade », insiste, Bakary Sambe.

Occupation du Nord-Mali : l’autre vrai paternalisme occulté par Tariq Ramadan

25 janvier 2013
Par Bakary Sambe*
A supposer que Tariq Ramadan ait un différend personnel voire politico-idéologique avec la France, cela frôle l’indécence de vouloir régler ses comptes pendant que se déroule sous nos yeux un véritable drame du peuple malien. Il a saisi cette opportunité pour s’attaquer à la politique africaine de la France, dont l’armée s’est mobilisée pour libérer le Nord-Mali à une période cruciale.

Sans prendre la défense d’un pays qui a ses choix et ses orientations que nous ne partageons pas totalement, il faut tout de même admettre que si la France n’était pas intervenue, il aurait fallu deux jours de plus pour que les troupes d’occupation sous couvert d’« islamisation »arrivent à prendre Bamako et continuer allègrement leur chemin afin d’instaurer, sur une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest, l’émirat « islamique » longtemps rêvé par Mokhtar Belmokhtar.

Pour dire que l’enjeu majeur pour nos pays n’est pas la résurgence de ce discours refuge de Ramadan cherchant habilement à rallier aussi bien la gauche traditionnelle africaine que les néo-islamistes galvanisés par les victoires en demi-teinte des Frères musulmans du Maghreb et de l’Égypte. Peut-être ignorait-il que la nouvelle génération africaine avait dépassé ce débat et se préoccupait plus d’avenir.

Un impérialisme idéologique

L’article de Tariq Ramadan est, certes, intéressant sous plusieurs aspects, y compris, la critique du suivisme intellectuel de nos élites et de la faiblesse de nos États et régimes qui ont fait qu’avec tout le poids historico-symbolique nous ayons encore besoin de la France pour libérer le Nord du Mali. Mais je reste persuadé que François Hollande, sous le feu des critiques de la presse française et d’une certaine opinion, avait tellement à faire en politique intérieure qu’il se serait bien passé d’une guerre dans un contexte aussi morose.

La réflexion de Tariq Ramadan serait plus complète et crédible s’il avait, avec la même vigueur, dénoncé le processus historique et les constructions idéologiques qui amenèrent Ansar Dine et ses membres à s’attaquer au patrimoine de Tombouctou.

Mais il n’a pas pu ni voulu dénoncer avec la même vigueur cet impérialisme idéologique des pays et organisations du monde arabe, qui, sous couvert, d’islamisation de l’Afrique, financent et appuient des mouvements et ONG remettant, aujourd’hui, en cause l’existence même de l’État malien. Et, on peut légitimement se demander, à qui le tour demain ?

Il faut garder présent à l’esprit que des mouvements comme Ansar Dine et leurs alliés d’AQMI ont pour but déclaré de réislamiser le Sahel africain comme si l’islam ne s’y était pas répandudepuis le Moyen Âge dans le cadre d’un long processus constructif et harmonieux attesté par toutes les sources historiques.

C’est cette croyance à une infériorité spirituelle du musulman africain qui est à la base de l’activisme de nombre d’ONG et de pays arabes au « secours » de l’« Afrique musulmane ». En d’autres termes, un impérialisme sur le lit d’un paternalisme d’un autre genre que Tariq Ramadan n’a pas voulu dénoncer. Peut-être même ne le perçoit-il pas, certainement emporté par les lieux communs de l’idéologie d’une « internationale musulmane », dont les adeptes africains sont aussi des inféodés d’un autre impérialisme.

L’infériorisation du nègre dans l’historiographie arabe

L’attaque au patrimoine de Tombouctou par des phalanges venues du nord du Sahara est un retour de l’Histoire. Elle s’inscrit dans la même logique que celle qui avait animé le sultan marocain Mansour Al-Dhahabi, en 1595, lorsqu’il mobilisa son armée pour, disait-il, islamiser le Songhaï alors que Tombouctou était le centre d’un bouillonnement intellectuel depuis le XIIe siècle. L’épisode qu’en a retenu l’historiographie arabe est encore plus sinistre et plus révélateur de l’état d’esprit d’infériorisation du nègre : les armées d’Al-Mansour capturèrent comme esclave l’un des plus grands oulémas de son temps, Ahmed Baba, déporté finalement à Marrakech.

Mais, au-delà des faits, ce sont le discours et l’idéologie qui sont tout aussi « impérialistes » et réducteurs. En réalité, dans le subconscient arabe, au Maghreb comme au Machrek, il n’a jamais été considéré que l’Africain puisse être « bon » musulman. La perception « folklorique »qu’avaient donnée à l’islam « noir » certains commis coloniaux devenus « chercheurs » dans l’Afrique de l’entre-deux-guerres, perpétuée, ensuite, par des africanistes hexagonaux et certains de leurs disciples africains, a fortement déteint sur la manière qu’ont les Arabes musulmans de regarder leurs « frères » du sud du Sahara.

Mieux, l’image d’une Afrique « sans civilisation, terre de l’irréligion » (ad-dîn ‘indahum mafqûd) rejointe par les théories de la tabula rasa, véhiculée par Ibn Khaldoun (Muqaddima) et noircie par l’intellectuel syrien Mahmoud Shâkir, dans son Mawâtin shu’ûb al-islâmiyya, est restée intacte dans certains imaginaires. Ce dernier auteur, à titre d’exemple, présente le Sénégal, qu’il n’a peut-être jamais visité, comme un pays avec ses « sauvages et cannibales » dépourvu de toute pratique ou pensée islamique « respectables ».

Le massacre du patrimoine de Tombouctou par ces bandes armées financées par des pays et organisations arabes me conforte davantage dans l’idée que, derrière le bannissement systématique des pratiques religieuses des communautés originaires d’Afrique, il y avait le mépris d’une catégorie de musulmans qui n’auraient que le choix d’une posture mimétique s’ils voulaient rester « dans la communauté ». L’expression la plus parfaite de la négation de l’apport de l’Afrique à la civilisation islamique. On dirait revivre les pires moments de la théorie ayant orienté l’entreprise coloniale, dont Tariq Ramadan critique sélectivement les résidus. Mais il ne s’attaque pas à la substance de ce paternalisme arabe sous couvert d’islamisation qui veut arriver à bout des équilibres sociaux comme de l’harmonie longtemps louée des sociétés africaines musulmanes.

En fait, il est passé parmi les choses admises qu’il y a une éternelle mission islamisatrice dont les Arabes, cette minorité dominante du monde musulman, seraient naturellement investis. Le Qatar a son « croissant rouge », qui appuie Ansar Dine à Gao, et le Koweït son Agence des musulmans d’Afrique comme l’Arabie Saoudite pilote, par milles officines, la World Association of Muslim Youth (WAMY), généreuse donatrice de la célèbre mosquée de Goodge Street, à Londres, bastion du jihadisme européen.

Un islam « africain » plus « folklorique » ?

Cette croyance est tellement ancrée qu’elle marque l’attitude de mépris de la part des intellectuels du monde arabe vis-à-vis de l’islam africain et de sa production. J’en fus témoin irrité, c’est dans l’enceinte de la prestigieuse université de Californie, à Los Angeles, qu’un haut responsable de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), dont Tariq Ramadan est la star préférée, avait laissé entendre que l’islam « africain » était plus « folklorique » que « spirituel », répondant, ainsi, à un chercheur américain encore intéressé par l’enrichissante diversité de l’islam !

Le plus grave est que ce paternalisme arabe sur les musulmans de « seconde zone » que seraient éternellement les Africains se nourrit d’un vieil imaginaire savamment entretenu. C’est incroyablement, encore Ibn Khaldoun, pourtant esprit éclairé de son temps, qui les traitait de « wahshiyyûn » (sauvages) cannibales « ya’kulu ba’duhum ba’dan » ignorant toute notion de civilisation « tamaddun, hadâra ».

La pensée religieuse n’a pas été en reste lorsque dans la Risâla d’ibn Zayd al-Qayrawânî, faisant encore curieusement référence dans nos pays, il fut mentionné dans un esprit foncièrement esclavagiste qu’il était banni (yuharramu) de commercer avec les habitants du Bilâd Sûdân (pays des Noirs) qui sont des « impies » (kuffâr).

Comme aujourd’hui, l’Afrique subsaharienne d’alors devait être le dindon de la farce théologico-politique entre le kharijisme « banni » et un sunnisme dominant contrôlant les points d’eau sur les routes du commerce caravanier. Dans des relents de pure nostalgie Khalîl al-Nahwî pleure encore l’Afrique musulmane qui ne saurait avoir de personnalité propre que par les « profondes influences » de ce qu’il appelle la « civilisation arabo-musulmane »(Ifrîqiyya-l-Muslima ; Al-Huwiyya-d-dâ’i‘a ; L’Afrique musulmane, l’identité perdue).

L’avenir de l’Afrique subsaharienne

C’est cette vision qui accompagne l’entreprise de déstabilisation de l’Afrique de l’Ouest par la prédication d’une forme de religiosité née des contradictions ayant eu cours dans un monde arabe qui a longtemps valsé entre arabisme et islamisme pour en arriver à sa présente impasse.

Je crois personnellement qu’il était mal venu de la part de Tariq Ramadan de vouloir transposer ses différends avec la France ou l’Occident qu’il dit « meurtri et mourant de ses doutes et des crises économiques, politiques et identitaires qui le traversent ». Soit.

Mais le véritable enjeu pour les pays africains, loin des idéologies importées et des modèles qu’on voudrait y plaquer, est une réflexion sur l’avenir des entités politiques aujourd’hui menacées par cet activisme dont ne parle point Tariq Ramadan.

Pouvait-il ignorer ce vieux projet de zone d’influence d’un islam wahhabite radical clairement identifiable aujourd’hui ? Cette ligne Érythrée-Khartoum encerclant l’Éthiopie « chrétienne », en passant par Ndjaména et traversant les actuelles provinces du Nord-Nigeria appliquant la « sharî‘a », le Niger et le Mali, sous effervescence islamiste, pour aboutir au Sénégal, seul pays d’Afrique noire ayant accueilli par deux fois le sommet de l’OCI et siège régional de la Ligue islamique mondiale entre autres ? Ou bien, dans la démarche ramadanienne, la critique et la dénonciation des complots et conspirations sont aussi sélectives ?

À moins qu’on accorde à Tariq Ramadan le bénéfice d’un doute sur sa connaissance des réalités subsahariennes ! 

Mais serait-ce même la seule raison si l’on sait que, sur cette question précise de l’intervention française au Mali, Tariq Ramadan adopte la même position que le chef spirituel et idéologue d’Ennahda, le tunisien Rachid Ghannouchi, le Premier ministre marocain Benkirane, le président égyptien issu des Frères musulmans Mohamed Morsi, rejoints plus tard par l’emblématique Yusuf Qaradâwî, le prédicateur sous les ordres du Qatar, qui a financé Mokhtar Belmokhtar le nouvel émir autoproclamé de l’Afrique subsaharienne ?

En tout état de cause, dans cette prise de position énigmatique de Ramadan, aussi bien l’occultation du paternalisme arabe savamment drapé du prétexte d’islamisation que la troublante coïnci-concordance avec les déclarations des leaders du panislamisme les plus en vue donnent le tournis aux plus optimistes quant à sa sincérité.

* Dr. Bakary Sambe est enseignant-chercheur au Centre d’études des religions (CER), UFR des Civilisations, Religions, Arts et Communication, université Gaston Berger, Saint-Louis du Sénégal.

Deux ans après la révolution en Tunisie : désenchantements et espoirs

22 novembre 2012

Mohamed-Cherif Ferjani

Professeur de science politique à l’Université Lyon2 en délégation CNRS à l’IRMC à Tunis

REVOLUTION ET ESPOIRS DE LA LIBERATION

 En janvier 2011, lorsque le peuple tunisien a réussi, par un soulèvement pacifique, à se débarrasser de son dictateur, un vent de liberté a soufflé sur toute la région entrainant des soulèvements en Egypte, en Lybie, au Yémen, en Syrie et ailleurs. On a alors parlé d’un « printemps arabe » annonciateur de la naissance de l’autre rive de la Méditerranée à la démocratie. Les mots d’ordre qui ont porté le soulèvement à l’origine de la chute/fuite de Ben Ali traduisaient une aspiration à la liberté, à la dignité et à la justice de sociale. Les premières mesures de la transition autorisaient tous les espoirs : amnistie générale, reconnaissance des anciens partis interdits et de nouveaux partis ainsi que de dizaines d’associations incarnant  différentes expressions d’une société civile jusqu’alors étouffée et que plus rien ne semble ramener à la soumission, démantèlement des rouages symboles du pouvoir déchu, etc. Au bout de quelques semaines (du 14 janvier au 27 février 2011), on est passé de la logique de réformer le système, en en gardant les institutions, à une logique révolutionnaire liant « les objectifs de la révolution » à la nécessité de réformes politiques permettant une transition démocratique (nom de la Haute instance) passant par l’abrogation de la constitution en vigueur et la dissolution des assemblées et des conseils municipaux et régionaux en place, l’élection d’une constituante sous l’égide d’une instance indépendante, avec un code électoral imposant la parité hommes femmes, etc. La Tunisie devenait un modèle pour un nouveau type de « révolutions de l’indignation » dans lequel les jeunes et les réseaux sociaux sont les principaux acteurs. Le vent de la révolution a libéré tout ce que la dictature a étouffé durant des décennies, le meilleur et le pire ! C’est précisément, l’ampleur de la réaction libérée par la révolution qui fut à l’origine des premiers désenchantements.

NUAGES DANS LE CIEL DE LA TRANSITION

En effet, les nuages ont commencé à s’amonceler dans le ciel d’une fragile transition avec la violence de courants obscurantistes qui ont profité des libertés acquises grâce à la révolution pour affirmer ouvertement leur rejet de la démocratie, des droits humains et des acquis modernes de la Tunisie, dont en particulier les droits des femmes et la liberté de conscience, d’expression et de création. Des mosquées ont été prises par des islamistes radicaux pour devenir des tribunes propageant des discours de haine et d’incitation à la violence contre tous les symboles de ce qui est contraire à leurs conceptions : les femmes émancipées, les non musulmans et les musulmans qui ne partagent pas leurs vues, les artistes et les œuvres jugées blasphématoires ou attentatoires au sacré, la consommation de l’alcool, la non observation des normes religieuses et prescriptions cultuelles, etc. Des lieux de cultes chrétiens et juifs, des mosquées ibadhites, des mausolées soufis ont été la cible d’attaques et d’incendies.

Tout en minorisant les atteintes aux libertés et aux doits fondamentaux par les courants radicaux, le mouvement islamiste d’Ennahda, bénéficiant de son statut de principale victime des vingt dernières années de la dictature, a su joué sur la peur qu’inspirent les salafistes pour se présenter comme une alternative à la menace qu’ils représentent, ainsi qu’à la dictature et aux courants modernistes jugés trop laïques et peu respectueux de « l’identité arabo-musulmane » du peuple, et qui sont accusés sinon de collaboration du moins de sournoise connivence avec le pouvoir déchu et « les ennemis de l’islam ». Tout en ménageant les mouvements qui se réclament des différentes branches du salafisme pour s’en servir comme réserve électorale, il a rassuré les grandes puissances et profité des largesses des riches pétro-monarchies de la Presqu’Île Arabique dont l’objectif était et reste l’étouffement du souffle démocratique du « printemps arabe ». En face, le camp moderniste était de plus en plus divisé et incapable de s’entendre sur le minimum d’objectifs communs pour faire face à la montée inquiétante des islamistes. Certains mouvements ont préféré s’allier aux islamistes dans l’espoir de les assagir plutôt que de s’allier avec des partis et des mouvements avec lesquels ils partageaient les mêmes objectifs. Ce faisant, ils ont contribué à donner une caution démocratique et laïque à l’islam politique et une crédibilité à son discours d’ouverture et de modération.

ENNAHDA A L’EPREUVE DU POUVOIR : ENTRE UTOPIE THEOCRATIQUE ET REACTIVATION DES ROUAGES DE LA DICTATURE :

 Ce processus a conduit à la victoire, certes relative, des islamistes aux élections du 23 octobre 2013 : quelque 37% des votes exprimés (des quelque 50% du corps électoral) et 41% des sièges. Une nouvelle phase transitionnelle a commencé sous la direction d’Ennahda et de deux partis laïques qui ont accepté de gouverner avec elle : le Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki et le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (ETTAKATOL) Les rivalités entre ces deux partis dont les chefs convoitaient le Palais de Carthage (la Présidence de la République) a favorisé Ennahda et lui a permis d’asseoir son hégémonie sur le gouvernement et dans l’Assemblée Constitutionnelle.

La politique menée depuis le tournant des élections n’a fait qu’ajouter aux désenchantements générés par la violence salafiste, la duplicité d’Ennahda et l’impuissance du camp moderniste à unir ses rangs. Elle a montré les limites de la conversion démocratique du Mouvement Ennahda et la fidélité de son chef – R. Ghannouchi – et de ses lieutenants les plus influents au sein du mouvement, aux fondamentaux intégristes de l’islam politique tels qu’ils furent fixés dans la doctrine des Frères Musulmans  par Hassan Al-Banna. C’est la fidélité à cette doctrine qui est derrière les mesures et les tentatives visant à restreindre les libertés et les droits fondamentaux des citoyens, dont en particulier ceux des femmes. L’aggravation des inégalités sociales et régionales, la volonté de soumettre les rouages de l’Etat à Ennahda en vue des prochaines échéances électorales (avec notamment la révocation des Gouverneurs, des Délégués, des Maires, des présidents et des directeurs des services administratifs et des entreprises publiques dans tous les secteurs importants, pour les remplacer, contrairement aux engagements pris avant les élections, par des hommes d’Ennahda), la réapparition du népotisme et de la corruption sous des formes plus arrogantes que sous le règne de Ben Ali avec l’aide des mêmes personnes qui avaient servi sous la dictature déchue, etc., ont été à l’origine de nouveaux désenchantements à la mesure des espoirs suscités par la révolution. La volonté de soumettre la justice en s’appuyant sur les structures et les magistrats corrompus qui ont servi docilement la dictature de Ben Ali s’est traduite au niveau de la justice transitionnelle par une conception sélective : ceux qui font allégeance à Ennahda sont blanchis et les autres sont harcelés, soumis à des chantages de toutes sortes et menacés en dehors de toute procédure légale.   L’hégémonisme du parti de R. Ghannouchi s’appuie sur le non respect des délais concernant l’élaboration de la constitution, la mise en place d’instances indépendantes pour l’organisation des prochaines élections, pour l’autorégulation des médias et de la justice, comme pour la promulgation des lois relatives à ses instances. Outre l’indulgence à l’égard de la violence des salafistes contre les expressions de la société civile, les démocrates et les défenseurs des libertés et des droits fondamentaux, voire contre les citoyens dont les comportements ne correspondent pas à leurs conceptions, l’hégémonisme d’Ennahda s’appuie sur des milices et des phalanges autoproclamées « ligues – ou comités – de protection de la révolution » s’attaquant aux manifestations de la société civile, aux réunions des partis de l’opposition, aux locaux des syndicats.

RESISTANCE DE LA SOCIETE CIVILE, UN ATOUT MAJEUR POUR LA REUSSITE DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE

Cependant, la résistance opposée par la société civile, et notamment par le mouvement syndical qui s’est régénéré grâce au rôle que ses structures locales et régionales ont joué dans la révolution, a pu limiter l’offensive islamiste contre les libertés, les droits et les acquis modernes de la Tunisie. Cette résistance a fait reculer le gouvernement sur certaines nominations, notamment à la tête des médias, sur la volonté d’inscrire la sharî‘a comme source de la loi et de remplacer le principe d’égalité par la notion de complémentarité entre hommes et femmes ou de limiter les libertés par le « respect du sacré », et sur des mesures visant à interdire ou limiter la liberté de manifester. La solidarité de toute la société civile, et de tous les courants opposés à la politique dirigée par Ennahda, avec l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens lorsqu’elle est devenue la cible des attaques de l’islam politique en raison de son rôle dans la défense des salariés, des populations défavorisées, des libertés et des droits fondamentaux, a obligé les partis au pouvoir à reculer.

C’est aussi sous la pression de la société civile que les partis et les mouvements se réclamant de la modernité, de la démocratie et du progrès ont été obligés de se regrouper de façon à équilibrer un champ politique menacé par le retour à l’hégémonie d’un parti – Ennahda à la place du RCD, avec les mêmes pratiques, les mêmes conceptions et, parfois, les mêmes hommes de main -, face à des partis divisés entre ceux qui lui servent d’alibi et ceux qui lui résistent dans la désunion et l’impuissance. C’est ainsi qu’on a vu apparaître le mouvement initié par le Premier Ministre de la deuxième phase de la transition (27 février – 23 octobre 2011), Beji Caïd Essebsi, sous le nom de Nidâ’(Appel) Tunisie qui représente désormais une force au moins équivalente à Ennahda, le processus de rapprochement entre des mouvements du centre gauche – le Parti Républicain lui-même né d’une fusion de plusieurs partis dont en particulier le PDP (Parti Démocrate Progressiste) et Afaq Tunisie, la Voie Sociale et Démocratique née également de la fusion de plusieurs partis dont l’ancien parti Communiste (devenu dans les années 1990 le Mouvement Ettajdid) et du Parti du Travail Tunisien -, Le Front Populaire regroupant des partis de la gauche radicale et des organisations nationalistes panarabes, le Front Démocratique regroupant des partis où domine une orientation  démocrate musulmane. Ces regroupements envisagent des alliances électorales pour les prochaines échéances comme c’est le cas entre Nida’ Tunisie, le Parti Républicain et la Voie Sociale et Démocratique et d’autres partis ou fronts qui cherchent encore avec qui s’allier. Ces fusions et alliances ne pourront rivaliser avec les islamistes qu’en allant, comme le fait le Front Populaire, dans les régions défavorisées et dans les cités populaires pour y affronter les salafistes et les partisans d’Ennahda, quitte à y laisser plus que des plumes. En effet, ce n’est pas en se réunissant dans les hôtels de la capitale et des stations balnéaires et en se réfugiant dans les quartiers riches qu’ils réussiront à rallier les populations qui commencent à désenchanter par rapport aux promesses de l’islam politique.

Les victoires remportées grâce la résistance de la société civile ont pesé sur les relations entre les partis alliés au pouvoir et au sein de chacun de ces partis. En effet, des contradictions de plus en plus importantes opposent ouvertement les partis de la troïka par rapport au contenu de la prochaine constitution (notamment au sujet des droits des femmes et du principe d’égalité, de la référence à la sharî‘a et aux valeurs de l’islam, d’un côté, et aux textes internationaux concernant les droits humains, de l’autre, du caractère civil de l’Etat, de la nature du régime politique, etc.) comme par rapport aux décisions et mesures prises unilatéralement par Ennahda sans consultation de ses alliés, ou par rapport aux demandes de la société civile et des partis de l’opposition, ou encore par rapport à l’attitude vis-à-vis de la violence des salafistes. Ces contradictions se traduisent au niveau de chaque parti par des clivages qui ont conduit à l’éclatement du CPR et de ETTAKATOL.

Le mouvement Ennhada, sans éclater comme ses alliés, est lui-même traversé par des clivages de plus en plus apparents concernant notamment l’attitude par rapport aux mouvements salafistes et leurs prolongements au sein d’Ennahda, mais aussi par rapport aux demandes de la société civile et aux engagements pris avant les élections à propos de ces demandes. Trois tendances commencent à se dessiner : (1) une aile clairement salafiste proche de la version wahhabite représentée par Habib Ellouze et Sadok Chourou, (2) une aile plus proche de la doctrine des Frères Musulmans qui ne veut pas rompre avec les salafistes tout en voulant ménager les Etats-Unis d’Amérique et les Etats Européens et leurs alliés au Proche Orient ; Ghannouchi, sa famille et ses lieutenants les plus proches représentent cette aile encore hégémonique au sein d’Ennahda, (3) une aile plus encline à une rupture avec les salafistes pour honorer les engagement internationaux du mouvements (notamment à l’égard des Etats- Unis et de l’Europe) et ses promesses démocratiques ; cette aile s’exprime à travers les positions défendues, contre celle des deux premières ailes, par le chef du gouvernement Hamadi Jbali, parfois, mais pas toujours, par ses Ministres de l’Intérieur, Ali Laarayedh, des Droits humains et de la Justice transitionnelle, Sélim Dilou, de la Justice, Noureddine Bhiri, et par l’intellectuel du mouvement, Ajmi Lourimi. Malgré l’omnipotence de R. Ghannouchi qui continue à pousser au maintien des liens avec les salafistes en leur donnant des gages au détriment de la démocratie, des droits humains et du caractère civil de l’Etat, la troisième aile arrive à marquer des points à la faveur des extravagances des salafistes (notamment avec l’attaque en plein jour contre l’ambassade des Etats-Unis et les affrontements avec les forces de l’ordre à Bir Ali Ben Khlifa, au printemps 2012, et dans la banlieue populaire de la capitale, Douar Hicher en octobre 2012.

Les victoires remportées par la société civile dans la défense des libertés et des droits acquis avant et après l’indépendance, voire depuis le XIXème siècle, les processus de regroupement qui vont dans le sens d’un rééquilibrage du paysage politique en faveur de la démocratie, les échecs du gouvernement, la corruption et le népotisme qui ont fait leur réapparition dans la pratique du nouveau pouvoir, les divisions advenues ou à venir de la Troïka au pouvoir, sont des facteurs qui incitent à l’optimisme. Malgré les désenchantements, compréhensibles au regard des attaques et des menaces visant les libertés et les droits chèrement acquis et accumulés depuis plus d’un siècle et demi, l’espoir de voir le processus en cours aboutir à l’instauration d’une démocratie est loin d’être compromis. Bien au contraire, la résistance, dont a fait preuve la société civile durant ces deux dernières années, montre que quels que soient les vainqueurs dans les prochaines échéances électorales, la Tunisie ne sera plus gouvernée comme avant. Les gouvernants devront compter avec la résistance de la société et avec la liberté que les Tunisien(ne)s ne semblent plus prêts à sacrifier pour quelque impératif que ce soit. Le mérite du processus en cours en Tunisie est qu’il ne repose sur aucune force, aucune institution au dessus la société : ni armée comme c’était longtemps le cas en Turquie et dans d’autres transitions, ni une monarchie qui anticipe les évolutions en les cadrant, comme au Maroc. C’est à la société civile et à ses seules forces pacifiques que ce mérite revient. Il revient aux partis politiques modernistes, quelle que soit leur idéologie, de prouver qu’ils sont à la hauteur de ce que la résistance de la société civile permet d’espérer.

Cri de coeur de Tunisie : Pourquoi le wahhabisme vise notre Histoire

20 novembre 2012

Par Soufia Ben Achour

Les mausolées de nos saints sont pris pour cible par les salafistes. Après la destruction des Bouddhas de Bamyan par les Talibans, en Afghanistan, voici que les wahhabites sévissent au Mali, en Libye, puis en Tunisie. Mais pour quelles raisons visent-ils nos monuments historiques ?

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L’attaque qui a visé la zaouia de Saida Manoubia, à la Manouba, le mardi 16 octobre a marqué les esprits. Sans doute à cause de la personnalité particulière de la Sainte, mais aussi certainement parce qu’il s’agit de la première fois qu’un mausolée est visé au cœur de la capitale. Or des actes similaires ont eu lieu à trois autres reprises dans d’autres villes de Tunisie.

Le 10 octobre 2012, un incendie s’est déclaré dans le mausolée de Sidi Bouhdida à El Fahs, dans la région de Zaghouan. Le tombeau du Saint, des exemplaires du Coran ont été complètement calcinés. La porte du mausolée a été défoncée par les assaillants.

Le 20 septembre 2012, des salafistes ont fermé la zaouia de Sidi Abdelkader Jilani à Menzel Bouzelfa, au Cap-Bon, et jeté les tableaux qui ornaient ses murs au sol. Les extrémistes n’ont pas saccagé les lieux, mais se sont contentés de bloquer l’accès au mausolée où venaient prier chaque jeudi quelques centaines d’adeptes.

Le 4 mai 2012, un groupe de salafistes a démoli au bulldozer «la zaouia» (mausolée) de Sidi Yaakoub, située à Beni Zelten, du côté de Matmata, au gouvernorat de Gabès. Les responsables de la destruction du mausolée ont estimé que visiter ce lieu est «un acte de mécréance» (kuffr en arabe).

Le même mode opératoire transparait donc dans ces quatre attaques. Difficile de n’y voir qu’une simple coïncidence. D’autant plus que des salafistes djihadistes ont détruit des mausolées dans la Libye frontalière, presque au même moment. Pendant que les groupes extrémistes qui contrôlent désormais le nord du Mali démolissent méthodiquement les trésors historiques de la ville de Tombouctou.

Il faudrait remonter à mars 2001, à la destruction à l’explosif des Bouddhas géants de Bamyan, par les Talibans, en Afghanistan, pour retrouver la trace de ces actes qui visent délibérément la destruction de monuments qui constituent le patrimoine commun de toute l’humanité. Ce qui justifie cette rage destructrice ? Le wahhabisme saoudien.

Les effets du Wahhabisme en Arabie Saoudite
Le culte wahhabite considère la visite de sites archéologiques, religieux ou historiques à de l’idolâtrie. Il s’agirait donc de «chirk». A cet égard, Abdelaziz Ibn Baz, le mufti d’Arabie Saoudite émet une fatwa en 1994,  stipulant qu’« il n’est pas permis de glorifier les bâtiments et les sites historiques. De telles actions mènent au polythéisme». Ce qui justifierait donc la destruction de ces monuments. Et cela ne date pas d’aujourd’hui.

Ainsi, en 1806, lorsque l’armée wahhabite a occupé Médine, les armées wahhabites ont rasé le Baqi, le cimetière des figures principales de l’aube de l’Islam des débuts. La tombe du prophète Mohamed a même failli être démolie.

En avril 1925, les compagnons d’Abdelaziz Ibn Saoud, ou Ikhwan détruisent aux Hijaz les monuments en rapport avec des saints ou des imams. A La Mecque, on assista ainsi à la démolition des tombes de la famille du prophète. Le cimetière des martyrs d’Ohod n’a pas échappé à la destruction, et même la mosquée de la tombe de Hamza ibn `Abd al-Muttalib n’a pas été épargnée. Le sectarisme wahhabite n’a même pas hésité à s’en prendre à la maison où serait né notre Prophète Mohamed, pour en faire dans un premier temps un souk, puis une librairie. Or que peut-on attendre d’une secte qui ose s’en prendre à l’héritage du plus glorieux des Messagers ? Les Wahhabites auraient-ils une revanche à prendre sur l’Histoire, puisque c’est à des cheikhs Malékites maghrébins que l’on doit la plus éclatante réponse à leur rigidité doctrinale ?

Soufia Ben Achour

 

Intervention Nord-Mali : Pourtant, le Sahel est si important pour les Etats-Unis …

2 novembre 2012

Par Dr. Bakary SAMBE

Les déclarations prêtées, depuis Alger, au général Carter Ham, chef du commandement américain pour l’Afrique (Africom) ont dû surprendre nombre de diplomates rentrés fraîchement de la 67è Assemblée générale de l’ONU à New York. Carther Ham semble insister sur position américaine privilégiant « une solution diplomatique et politique à la crise malienne ». Pourtant, à commencer par le premier pays concerné nombreux sont ceux qui ont plaidé pour une intervention militaire dans le Nord du Mali. Il semblerait que Washington opte pour une maîtrise de tous les enjeux avant un positionnement définitif ; ce qui expliquerait les récentes investigations menées sur les différents acteurs (MNLA, MUJAO, Ansar Dine) afin de mesurer les divers degrés d’implication mais aussi le rapport de force devant déterminer sa stratégie.

On peut se demander si ces déclarations expriment, réellement, un positionnement déjà établi ou cachent  une certaine précaution motivée par la hantise d’un échec au cas où deux acteurs majeurs de cette crise ne s’engageaient pas dans une éventuelle intervention : la Mauritanie et surtout l’Algérie qui n’est pas en faveur de l’option militaire.  Carther Ham, renforcé par Carlson, a été catégorique aussi bien à Alger qu’à Rabat : «Aucune intervention militaire n’est envisageable dans cette région ni dans le nord du Mali», ajoutant que « le déploiement de forces militaires ne fera que compliquer la situation en ce moment ».

Pourtant, la crise que traverse le Mali, avec ses répercussions attendues sur le plan régional avait occupé une bonne place dans le discours prononcé par Hillary Clinton dans l’enceinte de l’Université de Dakar. On ne peut en douter, les enjeux géostratégiques sont énormes pour les Etats-Unis dont l’action et l’influence, dans le Sahel, devraient rester une réalité avec laquelle il va bien falloir compter dans les prochaines années. Il est de l’intérêt des USA d’avoir une maîtrise de toutes les situations qui peuvent s’y produire de la même manière que le Maghreb. Depuis les attaques du 11 septembre, les Etats-Unis s’intéressent davantage à cette dernière région ainsi qu’au Sahel qui en est le prolongement stratégique (partenariats économiques, coopération militaire et sécuritaire). Le 11 septembre a véritablement favorisé un rapprochement entre les États-Unis et les régimes maghrébins, notamment algérien (surtout depuis 2001), mauritanien (depuis 2002), marocain (depuis mai 2003, suite aux attentats de Casablanca), et même, à l’époque, libyen (après décembre 2003).

Rien qu’en 2012, c’est la deuxième fois que le Général Ham se rend en Algérie en moins de six mois. Cette fréquence révèle l’intérêt diplomatique des Etats-Unis pour le Sahel mais aussi la position-clé qui est celle de l’Algérie pour l’issue de ce conflit loin d’être à son épilogue.

Mais Washington a tout intérêt à ce que cette zone du Sahel soit stable parce qu’elle représente un double enjeu économique et stratégique pour positionnement américain en Afrique.

 

Le Sahel représente un enjeu économique immédiat pour les Etats-Unis :

Le Sahel est un espace stratégique pour le transport du pétrole et du gaz. Les luttes d’influence entre les trois protagonistes (Etats-Unis, France et Chine) n’y sont plus un secret. La France peut jouer la carte de la proximité linguistique et, peut-être inconsciemment, de l’héritage colonial alors que les Etats-Unis ne peuvent compter que sur leur présence économique et militaire effective. Présence doublée d’une capacité à user d’une diplomatie moderne, idéal-type du soft power. Pour l’approvisionnement en pétrole, les Etats-Unis qui importent actuellement 15% de leurs besoins d’Afrique devraient en importer 25% en 2015. La région du Sahel va, donc, jouer un rôle de premier plan dans sa fourniture d’énergie. Rappelons que ces dernières années, le Tchad et la Mauritanie sont devenus des pays producteurs de pétrole. Dans le cadre de la diversification des pays fournisseurs de pétrole les Etats-Unis ont même entrepris un intense travail de lobbying pour obtenir, dans le bassin de Taoudéni (1193 de Bamako), une importante concession pétrolière qui avait été octroyée à la société américaine Terralliance Petroleum. Au regard de tous ces éléments, les USA pays sont directement concernés par cette crise au Mali qui n’est pas sans conséquences même jusqu’au Nigeria où Washington suit de près la situation, à cause de la présence de Boko Haram. Les enjeux sont énormes en ce qui concerne aussi bien le pétrole que l’uranium (stratégique pour le nucléaire, notamment français). On sait que la Chine, par exemple, cherche, en premier lieu, à maintenir actifs les deux contrats d’exploitation de pétrole dans la région de Gao et continue ses manœuvres pour tirer profit d’une éventuelle redistribution des cartes…

 

D’énormes enjeux stratégiques et sécuritaires pour les USA

Avec le processus de fragmentation du Mali, tous les pays du Sahel et ceux du Maghreb limitrophes sont menacés. Suite l’auto-proclamation de l’indépendance pour le moment fragile de l’Azawad au nord du Mali, c’est la Libye qui risque de connaître le même sort avec les tentations autonomistes voir sécessionnistes de la Cyrénaïque riche en hydrocarbures, et même du Fezzan au Sud. Les groupes terroristes aussi bien locaux que transnationaux sillonnent déjà la région en y menant leurs activités assez aisément : contrebande, trafic d’armes armes, recrutement de djihadistes. Les groupes terroristes, dont le plus actif est le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) affilié à al Qaeda, constituent une menace pour cette région avec ses plus de cent millions d’habitants. En plus, États-Unis y ont déjà beaucoup investi dans la coopération militaire entre les gouvernements dans la région (Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Sénégal et Nigéria).

L’enjeu majeur pour l’Amérique est donc d’éviter une situation incontrôlée mais aussi d’empêcher les groupes d’y établir des bases comme en Afghanistan avant le 11 septembre. Les Etats-Unis ont déjà dépensé en 2002, dans le cadre de l’Initiative Pan Sahel (IPS), plus de 8 millions de dollars. Un autre programme la Trans-Sahara Counter terrorism Initiative a aussi été financé par les Etats-Unis (depuis juin 2005) avec l’Exercice Flintlock 2005 pour l’entrainement des forces de sept pays sahéliens afin d’empêcher les groupes terroristes et armés d’établir des refuges sécurisés dans la région. Le coût initial de ce programme était, selon des sources concordantes, de l’ordre de 100 millions de dollars !

Si les forces terroristes d’Ansar Dine liées à Al-Qaeda arrivaient à contrôler durablement le Nord Mali et coopèrent encore plus avec les autres mouvances djihadistes (Boko Haram, MUJAO déjà actif, Shebab en Somalie), une véritable zone comparable à l’Afghanistan va voir le jour et gêner, durablement, les intérêts économiques des Etats Unis (pétrole et richesses minières) comme de la France.

Cela compromettrait même, à jamais, l’installation et la consolidation d’une base militaire américaine dans des zones comme Tessalit (1300 km de Bamako). Pourtant des voix s’élevaient, récemment, dans la classe politique malienne, pour appeler à une concession de cette base aux Etats-Unis, considérés comme la seule puissance capable de déloger efficacement les éléments d’Al-Qaeda. On sait, par exemple, qu’au début du conflit malien en avril, l’Iran prévoyait les vols de deux avions cargo pour, depuis Khartoum, débarquer à Kidal et Tessalit puis à Tombouctou, une fois prise, des centaines de combattants rameutés d’Afghanistan, du Pakistan, du Yémen et de Somalie ainsi que des armes sol-air pour leur permettre de répliquer à tout raid aérien. Dans une telle configuration, seule une base à Tessalit permettra aux USA d’avoir non seulement le contrôle sur le vaste espace sahélien, mais de maîtriser les mouvements de bâtiments de guerre ainsi que le transport du pétrole dans une bonne partie du pourtour méditerranéen. Les Américains en sont conscients qui observent avec grand intérêt les développements dans la région loin de leur isolationnisme traditionnel et malgré leurs intentions « purement » économiques telles qu’affichées généralement.

De plus, l’énorme influence dont jouissent actuellement les Etats-Unis, notamment au Maghreb, pourrait, peu-être, aider à résoudre l’équation algérienne si pesante sur l’issue du conflit ; l’Algérie étant le seul pays pouvant aider à déloger les éléments d’AQMI du Nord Mali, comme elle avait, du reste, pendant des années, empêché Khadhafi de s’y installer.

Mais, Washington devrait travailler sur plusieurs hypothèses y compris celle qui verrait réussir une intervention militaire de la CEDEAO. Malgré les réticences algériennes et mauritaniennes, des experts misent sur une telle éventualité. Pour les déjà convaincus de l’opération militaire, sa réussite serait possible pour plusieurs raisons: la CEDEAO a déjà acquis une grande expérience (ECOMOG au Libéria et en Sierra Léone) même s’il y a eu des ratés; le désert du Sahel est propice à une intervention armée. L’autre élément tactique qui les galvanise est la supériorité aérienne des forces de la coalition qui serait décisive dans une zone, à maints égards, différente de l’Afghanistan avec ses montagnes qui permettent le camouflage des rebelles. Selon eux, tout indiquerait que les islamistes ne feront pas le poids (insuffisance en nombre, équipements et compétences tactiques) malgré leur bonne connaissance supposée du terrain et … l’aide supposée de certaines monarchies du Golfe !

Quelle que soit l’issue de cette crise, aucune puissance ne pourra se permettre une auto-exclusion du processus de reconstruction et, surtout, d’un indispensable et ambitieux plan de l’ONU comprenant un pan économique important pour pacifier, à long terme, la région du Sahel !

Dr. Bakary Sambe, Enseignant-Chercheur à l’UFR CRAC Université Gaston Berger de Saint-Louis, Spécialiste du monde musulman et des réseaux transnationaux.

Intervention au Mali : Entre urgence, hantise de l’échec et hésitations de l’ONU

13 octobre 2012

INTERVENTION MILITAIRE AU MALI : « L’ONU REDOUTE UN ÉVENTUEL ÉCHEC », SELON UN UNIVERSITAIRE

Ouestafnews – L’intervention militaire au nord Mali, reste suspendue à une décision de l’Organisation des Nations-Unies (Onu) encore attendue en ce 12 octobre 2012. Cependant si l’idée d’une intervention militaire étrangère fait désormais l’unanimité entre le gouvernement de transition malien et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, elle suscite néanmoins toujours de petites réserves dans certaines chancelleries. La France quant à elle se dit prête à appuyer une telle initiative, mais quid de la participation des « pays du champs » à savoir l’Algérie et la Mauritanie, de l’attentisme de l’Onu…
Dans cet entretien accordé à Ouestafnews, le Dr Bakary Sambe, universitaire spécialisé sur la question du militantisme islamique et des réseaux transnationaux, nous livre une analyse sur ces derniers points.

Ouestafnews- Aujourd’hui l’idée de l’intervention militaire étrangère au Nord mali fait l’objet d’un consensus au sein de la Cedeao, quelles pourraient être les dangers d’une telle entreprise ?Bakary Sambe - Il y a quelques semaines, le Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki-Moon avertissait déjà en ouvrant la réunion de haut niveau sur le Sahel en marge de l’Assemblée Générale des Nations-Unies que « toute solution militaire pourrait avoir de graves conséquences humanitaire ». Mais la Cedeao et le Gouvernement malien se sont, toutefois, accordés sur les grandes lignes d’une intervention au Nord du Mali, dont les troupes seraient ouest-africaines mais bénéficieraient d’un soutien logistique d’autres pays. On parle d’une force de 3.000 soldats de la Cedeao « n’incluant pas d’étrangers » qu’il faudrait déployer, un noyau de cette force s’entraîne déjà non loin de Dakar, depuis quelques semaines.Il y a, quand même, quelques éléments de consensus international pour légitimer une intervention armée : les germes d’une guerre civile, de graves violations des droits de l’homme voire des crimes de guerre (des amputations, des exécutions sommaires et des lapidations à mort), des forces islamistes ont finalement chassé les Touaregs du MNLA des villes de Tombouctou, Gao et Kidal. Elles ont instauré, à leur manière, ce qu’elles appellent « charia » et détruit un nombre de mausolées de saints musulmans.Néanmoins, il y a des réserves légitimes à l’intervention. Certains font valoir que si la Cedeao est une force sur le papier, elle n’a pas assez de troupes à fournir, ni même la volonté de participer, pour des pays comme la Mauritanie ou le Sénégal dont la position a beaucoup évolué. Il y a aussi un autre fait non négligeable : le Gouvernement malien actuel ne contrôle pas une grande part du Mali, ni n’est en mesure de le faire. Le Nord-Mali, qui couvre une région aussi vaste que la France, est contrôlé par trois différents groupes radicaux islamiques : Ansar Dine , le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Aqmi se finance au moyen de prise d’otages occidentaux et est soupçonné de recevoir un appui financier de certains pays arabes. Les dirigeants de l’armée malienne semblent aussi avoir perdu le contrôle de leurs forces armées. Pour illustrer ce fait : l’assassinat par balle par des soldats insurgés de seize prédicateurs islamistes à 15 kilomètres de Diaboli, en défiant l’ordre donné, indique que les structures de commandement sont en train de se désagréger.

Ouestafnews- Que vous inspirent les hésitations de l’Onu concernant ce projet?

B.S - Les hésitations de l’Onu cachent à mon avis la crainte d’un éventuel échec, l’extension et l’enlisement du conflit dans la sous-région. C’est-à-dire que la communauté internationale veut se donner toutes les garanties de réussite d’une telle opération avant de s’y engager. C’est le même état d’esprit qui sous-tend les positions américaines sur la question. Les déclarations prêtées, depuis Alger, au général Carter Ham, chef du commandement américain pour l’Afrique (Africom) ont dû surprendre nombre de diplomates, Carter Ham semblait insister sur position américaine privilégiant « une solution diplomatique et politique à la crise malienne ».

Il semblerait que Washington opte pour une maîtrise de tous les enjeux avant un positionnement définitif ; ce qui expliquerait ses récentes investigations menées sur les différents acteurs (MNLA, Mujao, Ansar Dine) afin de mesurer les divers degrés d’implication mais aussi le rapport de force devant déterminer sa stratégie.

On peut se demander si ces déclarations expriment, réellement, un positionnement définitif ou cachent une certaine précaution motivée par la hantise d’un échec au cas où deux acteurs majeurs de cette crise ne s’engageaient pas dans une éventuelle intervention : la Mauritanie et surtout l’Algérie qui n’est pas en faveur de l’option militaire. Carter Ham, renforcé par Carlson, a été catégorique aussi bien à Alger qu’à Rabat : «Aucune intervention militaire n’est envisageable dans cette région ni dans le nord du Mali», ajoutant que « le déploiement de forces militaires ne fera que compliquer la situation en ce moment ». Inspirant pour les « colombes » onusiennes ?

Ouestafnews- Justement, peut-on véritablement venir à bout de ces groupes armés sans une implication active de pays frontaliers que sont l’Algérie et la Mauritanie?

B.S - Les positions algériennes et mauritaniennes sont paradoxales comme l’était celle du Sénégal il y a quelques jours. On sait qu’Aqmi est un phénomène algérien. Tous les chefs de Katiba (Abû Zayd, Mokhtar Bel Mokhtar etc.) sont des algériens.

La Mauritanie a du mal à contrôler sa vaste frontière avec le Mali et son territoire est une zone de repli stratégique. Craint-elle peut-être une extension du conflit et ses éventuelles répercussions sur sa sécurité intérieure ?

Mais, pour les convaincre d’une coopération ne serait-ce que minimaliste, la solution pourrait être américaine. Carter Ham était à Alger il y à peine quelques jours. L’énorme influence dont jouissent actuellement les Etats-Unis, notamment au Maghreb, pourrait, peut-être, aider à résoudre l’équation algérienne si pesante sur l’issue du conflit, l’Algérie étant le seul pays pouvant aider à déloger les éléments d’Aqmi du Nord Mali, comme elle avait, du reste, pendant des années, empêché Khadhafi de s’y installer.

Hélas, pour l’heure, l’Algérie n’y a aucun intérêt immédiat et semble bien confortable dans sa posture actuelle d’un pays qui s’est débarrassé du djihadisme à l’intérieur de ses frontières. De plus Alger a envie de tout sauf de s’encombrer d’un nouveau front touareg ou berbère.

Mais, les USA qui hésitent encore devraient travailler sur plusieurs hypothèses y compris celle qui verrait réussir une intervention militaire de la Cedeao. La France est plus décidée pour les raisons que l’on sait : intérêt stratégiques et économiques importants et des otages encore entre les mains d’Aqmi.

Malgré la diversité des positions et des intentions, tout le monde en est conscient : quelle que soit l’issue de cette crise, aucune puissance ne pourra se permettre une auto-exclusion du processus de reconstruction et, surtout, d’un indispensable et ambitieux plan de l’ONU comprenant un pan économique important pour pacifier, à long terme, la région du Sahel.

 

Vendredi 12 Octobre 2012

La CEDEAO pourra-t-elle parvenir au règlement de la crise malienne ?

30 août 2012


Par Dr. Bakary Sambe

Le pouvoir confié à la CEDEAO dans cette crise l’est en vertu du principe de la subsidiarité. En fait, les Organisations Internationales et Régionales sont les premiers responsables de la prévention, du règlement et la gestion des crises et conflits qui interviennent dans leurs zones d’influence conformément à une solide jurisprudence en Afrique de l’Ouest avec l’ECOMOG au Libéria et en Sierra Leone.

Mais, il apparaît, dans la gestion de cette crise, le constat général d’un cafouillage ou d’un manque évident de stratégie de la CEDEAO avant et pendant la crise.

Avant la crise : Il n’y a pas eu d’actions préventives à l’appui de l’armée malienne depuis l’incursion des « envahisseurs » alors que la CEDEAO est théoriquement dotée d’une unité d’alerte précoce pour les crises.

Toutefois, on pourrait concéder, à la décharge de la CEDEAO, le fait que le Mali n’a jamais, et jusqu’ici d’ailleurs (certainement par orgueil), voulu saisir l’organisation d’une requête pouvant déclencher une quelconque action.

Pendant la crise : il y a eu de nombreux Sommets tenus au plus haut niveau sans résultats palpables ; constat de l’absence d’une officine pour élaborer des stratégies adéquates au niveau de la CEDEAO.

Des précédents sont là pour illustrer cette absence de stratégie :

-          La question de la reconnaissance de la Junte militaire du Capitaine Sanogho reste très problématique

-           la saisine du Conseil de Sécurité pour faire endosser par la communauté l’intervention militaire programmée montre une l’impréparation notoire. Le dossier sera d’ailleurs renvoyé par le Conseil de Sécurité pour « absence d’une stratégie militaire claire de la CEDEAO ».

-          La question sensible des armes destinées au Mali et détenues dans quelques capitales des pays membres de la CEDEAO. (Est-ce une stratégie voulue ou une simple improvisation ?

-          La question de l’implication souhaitée des troupes tchadiennes : très mal gérée par la CEDEAO. Il est à déplorer que le Tchad qui est observateur de la CEDEAO n’ait jamais été impliqué dans les consultations officielles au niveau de l’organisation sous-régionale; d’où son refus actuel de s’impliquer ; signe d’une crise profonde confiance mutuelle.

Le dossier du règlement de la crise malienne est jusqu’ici mal géré sous plusieurs aspects. Néanmoins, la CEDEAO a encore la possibilité de redorer son blason en cas d’intervention militaire réussie. Ce qui reste encore problématique avec le facteur Algérien à prendre en compte. Sans l’appui logistique de ce pays, on ne peut garantir la réussite d’une opération militaire dans le Nord du Mali. Rappelons que c’est l’Algérie qui a pu empêcher, pendant des décennies, que Khadhafi s’installe dans le Nord du Mali.

On pourrait trouver, néanmoins, des excuses à la  CEDEAO, si on tient compte du fait que la récente crise institutionnelle qui a secoué cette organisation a eu un impact négatif sur la gestion de ce dossier. Finalement, c’est, seulement, avec l’appui des partenaires stratégiques (USA, France, ONU, UA et UE), que la CEDEAO pourrait néanmoins s’en sortir et peut-être sauver la face.

Hélas, on est encore loin du rêve de la CEDEAO ou de l’Afrique qui règle ses propres problèmes.

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